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2 minutes pour 225 millions de fraude, c’est beaucoup ?

Point-de-vue. Le gouvernement a débusqué 225 M€ de fraude au chômage partiel. Trop ou trop peu? L’ancien secrétaire d’État au Budget, Christian Eckert, donne son avis.

Christian Eckert, ancien secrétaire d'Etat au Budget
Christian Eckert, ancien secrétaire d’État au Budget

Par Christian Eckert

Ayant longtemps enseigné les mathématiques, j’ai une familiarité avec les nombres autre que celle du Français moyen. Je n’en tire aucune gloire. D’autres ont des compétences très supérieures aux miennes dans bien des domaines et c’est heureux ! Mais je rêve parfois d’un monde où les gens auraient la capacité de mieux manier les nombres, de mieux compter, de relativiser leur taille. Cela leur éviterait de se laisser berner par des effets d’annonce, de commettre des fautes de jugement et, pire encore, de prendre de mauvaises décisions.

J’ai souvent eu l’occasion de le mesurer. Même dans les assemblées d’élus, y compris à l’Assemblée Nationale, voire au sein du gouvernement ! Je pourrais raconter de nombreuses anecdotes justifiant ce constat. Laissons-les pour un prochain livre…

Le message passe

Si j’évoque ce sujet, c’est après avoir regardé le 20h sur France 2. J’y ai vu un long reportage à la gloire du Gouvernement « qui a réussi à débusquer 225 Millions de fraude au chômage partiel ». La moitié aurait même déjà été encaissée. Le Ministère a embauché 40 contrôleurs supplémentaires, et l’un d’entre eux décrit à l’écran les indices qui éveillent les soupçons. C’est un peu maladroit car un fraudeur téléspectateur saura comment être moins repérable après le reportage. Mais là n’est pas le sujet du jour.

Racoler le téléspectateur en titrant sur « 225 Millions de fraude au chômage partiel repérés » est facile. Les téléspectateurs du 20 heures ayant manipulé dans leur vie ne serait-ce que le centième de cette somme sont rarissimes ! L’effet est garanti, le message passe : le Ministère du travail a montré son efficacité en récupérant un énorme magot. Alléluia !

J’ai en mémoire que le coût du chômage partiel est de l’ordre de 30 milliards (l’État oublie d’ailleurs de préciser que le coût est partagé entre lui et l’UNEDIC…). Ce qui veut dire que la fraude repérée représente en fait 0,75 % de la dépense. Je devrais dire qu’elle ne représente QUE 0,75 % de la dépense. C’est en fait ridiculement peu. Un chiffre aussi faible ferait pâlir d’envie les contrôleurs du fisc, de l’assurance maladie, des douanes, de l’URSSAF…

5G et les Amish

Quelle conclusion en tirer ? C’est difficile : confronté à ce dilemme lorsque j’étais un des locataires de Bercy, chaque fois que nous publiions les résultats des contrôles et des redressements (en matière fiscale ou douanière par exemple), les commentaires allaient bon train : certains voyaient dans des redressements élevés le signe que la fraude avait augmenté. D’autres en déduisaient que les contrôles avaient été plus efficaces !
Concernant le sujet du jour et le chômage partiel, je pense que le dispositif était indispensable, pour ne pas dire vital. Ce Gouvernement, pour lequel je n’ai aucune sympathie, a eu raison de l’utiliser massivement et le Président Sarkozy aurait dû faire de même en 2008. Si moins de 1% d’abus ont été commis, c’est très peu.

Et ne mérite pas 2 minutes au journal du soir. Le 20 heures aurait peut être pu consacrer un peu de temps à un reportage sur la 5 G et les Amish.

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