Plus de trente patients signalent avoir été facturés pour des actes d’anesthésie jamais réalisés lors d’opérations de la cataracte. L’association Anti-Corruption AC !! dépose plainte contre X et dénonce un système organisé de facturation frauduleuse.

Un procédé récurrent dans plusieurs établissements
L’association Anti-Corruption (AC!!) a déposé le 9 octobre 2025 une plainte auprès du procureur de la République de Paris. Elle dénonce des pratiques de facturation d’actes médicaux fictifs dans plusieurs cliniques privées conventionnées, dont une clinique de Nancy, qui sert d’exemple dans le dossier.
Les faits reposent sur plus de trente signalements de patients opérés de la cataracte dans divers établissements de santé. Tous décrivent le même mécanisme : une facturation systématique d’actes d’anesthésie qui n’ont jamais été réalisés.
Des anesthésies facturées, mais jamais pratiquées
Les patients concernés ont tous bénéficié d’une intervention sous anesthésie topique, une technique simple consistant en l’instillation de gouttes ou de gel anesthésiant dans l’œil par une infirmière, sans intervention d’un médecin anesthésiste-réanimateur.
Pourtant, la clinique a systématiquement facturé à l’Assurance maladie un acte d’anesthésie de 111 euros, en plus d’exiger du patient un complément d’environ 100 euros. Dans le cas de la clinique nancéienne, ces sommes étaient facturées au nom d’un médecin anesthésiste.
« C’était l’usage dans l’établissement »
Face aux réclamations des patients, notamment celle de Mme Danièle Jager-Weber qui demandait son dossier médical et le compte rendu d’anesthésie, la clinique est longtemps restée silencieuse. Après plusieurs semaines, l’assistante de direction a justifié la pratique en indiquant que « c’était l’usage dans l’établissement » et que « la mutuelle rembourserait ».
Cette réponse, rapportée à de multiples reprises selon la plainte, témoignerait selon l’association d’une pratique habituelle et systématisée.
L’aveu du médecin anesthésiste
Dans un courriel daté du 21 janvier 2025, le médecin-anesthésiste visé a reconnu qu’une « probable erreur humaine » était survenue, expliquant l’absence de feuille d’anesthésie dans le dossier. Il a annoncé l’annulation du complément d’honoraires lié à l’acte d’anesthésie.
Pour l’association plaignante AC !! cette réponse confirme l’absence d’acte médical réel et l’existence d’une facturation erronée, sans expliquer pourquoi un remboursement de la CPAM a néanmoins été perçu.
Escroquerie aggravée, et faux en écriture
La plainte, déposée par Maître Vincent Poudampa, avocat au barreau de Bordeaux, retient deux qualifications pénales principales
L’escroquerie aggravée au préjudice d’un organisme de service public (article 313-2-2 du Code pénal), passible de sept ans d’emprisonnement et 750 000 euros d’amende. Les établissements auraient abusé de leur qualité pour obtenir indûment des fonds de l’Assurance maladie.
Le faux et usage de faux en écriture (article 441-1 du Code pénal), puni de trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende. Les documents de facturation mentionnaient des actes d’anesthésie jamais réalisés, constituant une altération frauduleuse de la vérité.
Un préjudice multiples victimes
La plainte identifie trois catégories de victimes : les patients qui ont payé indûment des compléments d’honoraires, l’Assurance maladie qui a remboursé des actes fictifs sur fonds publics, et les mutuelles qui ont également pu être sollicitées sur la base de documents mensongers.
L’association demande que la plainte soit transmise au pôle interrégional de santé publique de Paris, compétent au niveau national pour les fraudes sanitaires complexes, afin de permettre une coordination des enquêtes sur l’ensemble du territoire. Elle appelle également à un appel à témoignages pour identifier d’éventuelles victimes supplémentaires.
La plainte a été déposée contre X, l’enquête devant déterminer l’étendue des responsabilités individuelles et institutionnelles dans ce système de facturation frauduleuse.