Ambiance survoltée, vendredi soir, dans l’hémicycle. En quelques heures, les députés ont successivement rejeté la taxe dite « Zucman », profondément remanié l’impôt sur la fortune immobilière, retoqué en commission le budget de la Sécurité sociale et amorcé la suspension de la réforme des retraites. Une série de votes serrés et d’alliances improbables qui fragilisent encore un peu plus la majorité présidentielle.

L’IFI remplacé par un « impôt sur la fortune improductive »
C’est l’un des épisodes les plus marquants de la soirée : par 163 voix contre 150, les députés ont adopté un amendement porté par Jean-Paul Matteï (Les Démocrates, MoDem) visant à transformer l’actuel impôt sur la fortune immobilière (IFI) en un « impôt sur la fortune improductive ». Un texte sous-amendé par le socialiste Philippe Brun, qui a immédiatement revendiqué un « retour de fait de l’ISF », supprimé en 2018 sous Emmanuel Macron.
« Les socialistes en sont heureux ! L’Assemblée vient de rétablir l’impôt sur la fortune », s’est exclamé Philippe Brun sous les applaudissements de son groupe.
Ironie du sort, cette victoire symbolique de la gauche n’a été rendue possible que par une coalition hétéroclite réunissant des députés du Rassemblement national, du PS, du MoDem et du groupe centriste Liot.
Les autres formations de gauche — notamment La France insoumise et Les Écologistes — ont voté contre, dénonçant un « effet d’affichage » qui ne rétablit pas réellement la justice fiscale.
Rejet du budget de la Sécurité sociale en commission
Quelques heures plus tard, nouveau revers pour le gouvernement : la commission des affaires sociales a rejeté en bloc le projet de budget de la Sécurité sociale (PLFSS), après avoir déjà repoussé sa partie recettes plus tôt dans la semaine.
Ce double rejet — une première depuis plusieurs années — contraint le gouvernement à représenter son texte dans sa version initiale mardi prochain, lors du débat en séance publique.
Vers une suspension de la réforme des retraites
Fait marquant, la même commission a approuvé un article introduisant la suspension temporaire de la réforme des retraites de 2023, portée par Élisabeth Borne.
Adoptée par 22 voix contre 12, cette mesure a reçu le soutien conjoint du Rassemblement national et du Parti socialiste, tandis que La France insoumise (qui réclame une abrogation pure et simple), Les Républicains et Horizons ont voté contre.
La majorité présidentielle, elle, s’est en grande partie abstenue, signe de son embarras face à un texte hautement symbolique du second quinquennat d’Emmanuel Macron.
Lecornu tente d’apaiser les tensions
Présent tout au long des débats, le Premier ministre Sébastien Lecornu a tenté d’apaiser un hémicycle de plus en plus fragmenté. « Le gouvernement sera favorable aux amendements qui dégèleront l’ensemble des minima sociaux », a-t-il déclaré, tout en reconnaissant que le gel des retraites était « inacceptable ».
Le chef du gouvernement a également tendu la main aux différents groupes politiques : « Vous ne pouvez pas dire qu’il n’y a pas de volonté de compromis », a-t-il martelé, annonçant la convocation prochaine d’une réunion intergroupes « pour se mettre d’accord sur les grands principes » du financement social. Les Insoumis ont déjà annoncé qu’ils n’y participeraient pas.
Soirée fiscale mouvementée : taxe Zucman rejetée, taxe sur les holdings adoptée
La taxe Zucman, inspirée des travaux de l’économiste Gabriel Zucman et défendue par la gauche, visait à imposer à hauteur de 2 % les patrimoines supérieurs à 100 millions d’euros. Elle a été rejetée, tout comme sa version « allégée » proposée par le PS. « Il n’existe pas d’impôt miracle à 15 milliards d’euros », a rétorqué Sébastien Lecornu, estimant qu’aucune taxe de ce type ne résisterait au contrôle du Conseil constitutionnel.
En revanche, les députés ont adopté une taxe sur les holdings, dans une version considérablement édulcorée par la droite. Adoptée par 224 voix contre 10, cette mesure, initialement proposée par le gouvernement, a été vidée de sa substance selon la gauche, qui s’est abstenue.
Le patron des députés Les Républicains, Laurent Wauquiez, s’est pour sa part félicité d’avoir « mis fin à la folie fiscale et à la taxmania ».
Le gouvernement sur la corde raide
Cette soirée de débats illustre les fragilités politiques d’un exécutif privé de majorité absolue, ballotté entre une gauche offensive, une droite calculatrice et un centre divisé. Entre concessions budgétaires et signaux d’apaisement, Sébastien Lecornu tente de maintenir le cap, tout en évitant une nouvelle crise parlementaire.
Mais à mesure que le budget 2026 entre dans le vif des discussions, une chose semble certaine : à l’Assemblée, la bataille politique ne fait que commencer. Une motion de censure a été déposée par LFI.
Le gouvernement Lecornu II passera-t-il l’hiver? Rien n’est moins sûr.
🚨🇫🇷 ALERTE INFO | L’Assemblée nationale REJETTE la taxe Zucman lors de l’étude du Budget. pic.twitter.com/XeYOg2dZwY
— Cerfia (@CerfiaFR) October 31, 2025