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Guerre commerciale et déficit public : qui seront les gagnants et les perdants ?

Face à la montée des tensions économiques mondiales et l’aggravation du déficit français, l’Europe pourrait être la grande perdante d’une reconfiguration des puissances économiques où Chine et États-Unis dicteront leurs règles, explique l’économiste Marc Touati.

Marc Touati
Marc Touati

La guerre commerciale qui s’installe au niveau mondial commence à produire ses premières conséquences, parfois surprenantes. Entre l’excédent commercial historique de la Chine et les mesures protectionnistes américaines, l’Europe, et particulièrement la France, se trouvent dans une position précaire, aggravée par un déficit public record et une dette qui ne cesse de s’alourdir.

La France, cancre de la zone euro

Les chiffres récemment publiés par Eurostat sont sans appel : la France est désormais le pays de la zone euro avec le plus important déficit public, atteignant 5,8% du PIB en 2024. Cette situation est d’autant plus alarmante que la France est le seul grand pays européen à avoir augmenté son déficit cette année, passant de 5,4% à 5,8%, alors que des pays comme l’Italie ont réussi à réduire significativement le leur (de 7,2% à 3,4%).

En matière de dette publique, la France se positionne au troisième rang avec 113% du PIB, derrière la Grèce (153%) et l’Italie (135%). Plus inquiétant encore, la France a vu sa dette augmenter de 14,8 points de PIB depuis 2019, se classant ainsi parmi les pays ayant connu la plus forte hausse d’endettement.

La guerre commerciale mondiale et ses impacts

La montée du protectionnisme, notamment entre les États-Unis et la Chine, aura trois conséquences majeures : un ralentissement des échanges internationaux, une inflation persistante, et une potentielle inondation du marché européen par les produits chinois qui ne pourront plus accéder au marché américain.

Cette situation pourrait entraîner un ralentissement de la croissance mondiale, estimée à seulement 2,5% pour 2025, bien en dessous de la moyenne historique de 3,5%. Paradoxalement, la Chine semble pour l’instant bénéficier de cette situation, avec un excédent commercial record de 1.082 milliards de dollars sur 12 mois, résultant notamment des anticipations d’achats avant l’entrée en vigueur des droits de douane américains.

Repositionnement des puissances économiques mondiales

Les données du FMI révèlent un changement profond dans l’équilibre des forces économiques mondiales. En dollars courants, les États-Unis restent la première puissance économique, suivis par la Chine puis la zone euro. Mais en parité de pouvoir d’achat, la Chine occupe désormais la première place avec 37.000 milliards de dollars de PIB en 2024, devant les États-Unis.

La France, qui était la 4ᵉ économie mondiale en 1990, se retrouve aujourd’hui à la 7ᵉ place en dollars courants et seulement 9ᵉ en parité de pouvoir d’achat. Plus frappant encore, le poids des pays du BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) est passé de 15% du PIB mondial en 1980 à 34,2% aujourd’hui, dépassant celui du G7 (28,6%).

Les solutions ignorées face à la crise

Face à un déficit public qui se creuse, le gouvernement français cherche des solutions du côté de la fiscalité, notamment avec le projet de suppression de l’abattement de 10% sur les retraites. Une mesure qui ne rapporterait au mieux que 4 milliards d’euros, loin des 40 milliards nécessaires, et qui ignore les véritables sources d’économies potentielles.

La réduction des dépenses de fonctionnement de l’État, qui ont augmenté de près de 22% depuis 2021, représenterait une solution bien plus efficace. La rationalisation des 700 organismes d’administration centrale, qui coûtent 140 milliards d’euros par an, ou l’élimination des doublons administratifs (8 milliards d’euros) offriraient des pistes d’économies substantielles.

Dans ce contexte incertain, marqué par la montée des tensions commerciales et la fragilité des finances publiques européennes, les grands gagnants pourraient être la Chine et les États-Unis, qui parviendront probablement à un accord commercial. L’Europe, et particulièrement la France, risquent d’être les grands perdants de cette reconfiguration mondiale, victimes d’un manque de pragmatisme et d’une incapacité à générer de la croissance économique.

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