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Le G7 marque un essai qui doit être transformé

Point-de-vue. À l’issue d’un sommet de deux jours à Londres, le 5 juin 2021, les ministres des Finances des pays du G7 ont convenu d’un taux plancher d’impôt mondial sur les sociétés d’au moins 15 %.

Christian Eckert, ancien secrétaire d'Etat au Budget (DR)
Christian Eckert, ancien secrétaire d’État au Budget (DR)

par Christian Eckert

L’accord signé à l’issue du dernier G7 est incontestablement un pas essentiel pour mettre fin à l’évitement fiscal pratiqué par de nombreuses entreprises, particulièrement les multinationales et les sociétés de la filière numérique.
Sur le plan politique, j’ai souvent regretté notre incapacité à mettre fin à ces aberrations souvent constatées mais rarement corrigées. Secrétaire d’Etat durant 3 ans, je n’ai guère fait avancer les choses. Agir sur les sujets d’optimisation et de fraude fiscales ne peut se faire qu’avec les pays concernés. Pour le moins, il aurait fallu une décision entre les pays de l’Union Européenne.

Un grand pas a été franchi

Régulièrement, les membres de la Commission (dont un français aujourd’hui revenu officier à la Cour des Comptes…) nous disaient travailler le sujet et annonçaient des directives « imminentes » qui allaient faire avancer les choses. Rien n’est venu. L’unanimité indispensable aux décisions fiscales en Europe en est sans doute la cause principale. Mais l’énergie mise en œuvre ne m’a pas toujours semblé à la hauteur de l’énorme enjeu de ce sujet : énorme eu égard aux montants concernés, énorme aussi pour la crédibilité de l’Union vis à vis de ses citoyens-contribuables.
Lors des dernières élections européennes, j’avais d’ailleurs fait des propositions. J’avais proposé en vain que le principe d’un impôt minimal sur les sociétés en Europe soit mis comme première proposition de la liste européenne de mes amis de Gauche. Beaucoup revendiquent aujourd’hui la paternité de l’accord du G7, mais il me parait évident que le déblocage est surtout dû au nouveau président américain Joe Biden. L’essentiel reste qu’un grand pas a été franchi et qu’il faut le saluer.

Aller plus loin…

Pour autant, aussi importante que soit cette étape, cette résolution dont la presse la presse dit avec raison que « chaque mot a été pesé au trébuchet » perdra beaucoup d’efficacité si d’autres décisions n’interviennent pas dans la foulée :

  • L’impulsion donnée au G7 doit impérativement être validée par d’autres instances: D’abord dans un périmètre mondial plus large en commençant par le G20 où la position de la Chine sera déterminante. Mais aussi dans le périmètre plus restreint de l’Union Européenne. Certes les représentants européens au G7 ont été en phase. Mais le passé a montré la capacité de quelques pays de l’Union à freiner voire à bloquer les avancées vers l’équité et la justice fiscale dont les entorses président à leur croissance.
  • Le niveau de 15% retenu comme plancher est évidemment insuffisant. Joe Biden avait lui-même parlé de niveaux plus élevés. Son recul est attribué à sa nécessité d’obtenir l’adhésion de son Congrès. La France dit attendre un plancher plus élevé. L’avenir réservera sans doute des tergiversations sur ce point et il faut espérer que l’audace soit au rendez-vous.
  • Le dispositif préconisé est largement préférable au statut-quo mais il n’est pas le meilleur : Calculer le bénéfice global d’une multinationale en le consolidant et le répartir ensuite proportionnellement au chiffre d’affaire réalisé par chaque pays aurait donné des assiettes bien plus cohérentes. Les flux sans causes réelles entre filiales et les facturations fantaisistes destinées à localiser les bénéfices à souhait seront toujours possibles. Cela risque de déplacer des bases taxables et fausser la bonne répartition des impôts.
  • Enfin la pratique de rulings couplés à des mouvements soigneusement calibrés permettra encore de déplacer, certes moins qu’avant, des Milliards d’impôts sans raison. Ces détestables méthodes utilisées y compris par des pays de l’Union Européenne doivent cesser pour toutes les entreprises. L’accord du G7 ne visent que les grosses entreprises. Mais il existe aussi, particulièrement près des frontières, des pratiques qui heurtent la conscience de celles et ceux qui respectent leurs obligations.
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