France
Partager
S'abonner
Ajoutez IDJ à vos Favoris Google News

L’avocat Charles Morel signe un premier roman : Plongée dans le souvenir d’une passion adolescente

Avec « Généalogie d’un coup de foudre » l’avocat Charles Morel signe une fiction intense à partir d’un souvenir très fort de son propre passé. Introspection garantie. Entretien.

Charles Morel: Généalogie d'un coup de foudre (couverture)
Charles Morel: Généalogie d’un coup de foudre (couverture)

Quand un avocat prend la plume, le plus souvent, c’est pour évoquer ou sa vie ou une affaire en particulier. Vous avez choisi la fiction pour parler à la fois de vous et de votre profession ?

Charles Morel- « Pour définir le livre, c’est une fiction avec une matrice autobiographique, comme c’est d’ailleurs souvent le cas dans un premier roman. Ce n’est pas de l’autofiction, c’est-à-dire, je ne raconte pas ma vie, mais je me sers de ma vie comme d’un matériau littéraire que je tords, que j’interprète, que je déforme pour pouvoir faire une œuvre littéraire. Surtout quelque chose qui parle à tout le monde. C’est une fiction, seul le dernier chapitre est totalement autobiographique

Écrire a été pour vous une envie irrépressible ?

Au départ, le point d’entrée relève à la fois du hasard et de la nécessité. Le hasard, c’est une discussion avec une éditrice parisienne au cours d’un rendez-vous avec un client qui comme d’habitude était en retard. Cela m’a laissé le temps d’échanger avec elle sur l’acte d’écrire.
Moi, je lui ai dit que s’il y avait une histoire à raconter, ce serait l’histoire d’une passion adolescente. À la suite de cela, j’ai commencé à écrire, des choses se sont agrégées et puis j’ai fini par structurer tout ça. Et ça a commencé à ressembler à un roman.

Et la nécessité ?

Rainer Maria Rilke affirmait qu’on écrivait par nécessité. Peut-être qu’il restait des traces dans mon existence, d’empreintes dans mon existence de cette passion de jeunesse, inassouvie, et notamment mon rapport à la question de l’amour. C’est parce qu’en fait, quand tu vis un amour absolu, tu considères qu’au fond, c’est : cette femme et personne d’autre. C’est dramatique si les choses se finissent de manière un peu malheureuse et qu’en plus, tu n’as pas eu un comportement forcément exemplaire. Certains ont la peur de l’abandon, en l’occurrence là, c’est un abandon absolu. Et c’est vrai qu’après, il y a de la réticence à s’abandonner à nouveau.

Une sorte de thérapie en quelque sorte ?

Oui, c’est une forme de thérapie, je pense bien sûr. Je ne l’avais pas forcément conçu comme ça, mais clairement au-delà de ce que tu découvres quand tu écris, tu as des souvenirs qui remontent à la surface, beaucoup de choses comme l’histoire familiale ou l’enfance dans les hautes Pyrénées qui navigue entre le milieu social et de ses parents, une mère assistante sociale un père architecte décorateur et donc la petite bourgeoisie parisienne du 19ᵉ.
Au début, je pars avec l’intention d’écrire sur cette histoire d’amour et puis me vient le titre, très important. J’ai vécu cette expérience-là, ça n’était d’ailleurs pas un coup de foudre réciproque. Pour moi, c’est un phénomène qui est assez rare, beaucoup de gens tombent amoureux, mais un coup de foudre que je définis comme une attraction irrépressible, c’est vraiment quelque chose, tu te dis : plus rien ne sera comme avant.

Me Charles Morel, avocat et écrivain (DR)
Me Charles Morel, avocat et écrivain (DR)

J’essaie de donner une définition du coup de foudre, j’essaie de décrire ce qui se passe à l’intérieur de mon corps, de mon esprit, de mon âme. Il y a une construction un peu comme une fusée à plusieurs étages, la première, c’est celle de la formation d’un esprit romantique, c’est aussi la découverte de la littérature très précoce. L’enfant qui dévore les livres en marchant ou à l’arrière d’une voiture. C’est important pour moi de faire l’apologie de la littérature et de définir un certain rapport à la littérature. Et puis il y a le portrait de la femme idéale, de la femme idéale inaccessible

Comment vous expliquez que très peu d’avocats écrivent des romans ?

Le manque de temps sans doute. Quand tu travailles dix heures par jour minimum et que tu as une famille, un enfant, c’est très compliqué. Il y en a qui, comme Georges Kiejman, par exemple qui était un plaideur remarquable, reconnaissait : « moi, je suis incapable d’écrire un roman. » Est-ce que c’est une question d’imagination ? Il est vrai que personnellement, je vis beaucoup aussi sur un mode fantasmatique.
Ce roman commence par la chute : on découvre cet avocat parisien dans la fin de son couple, dans un couple qui est en train de se déliter, qui est brave, qui est courageux, libre, mais qui est inconséquent, cerné de problèmes financiers.
Il se retrouve tantôt fauché, tantôt argenté et quand il est fauché, il a l’impression d’appartenir aux damnés de la terre, à ceux qui sont au-dessus d’une bouche de métro et puis, après, l’argent revient. Ce rapport à l’argent concerne à peu près 100% des avocats, un rapport complètement névrotique à l’argent, la difficulté d’organiser, de dépenser intelligemment et avec maitrise.
En tout cas, j’espère que ce roman produira de l’effet sur le lecteur. Ce qui est sûr, c’est qu’il l’a produit sur l’auteur. J’ai pu à nouveau aimer sans réserve.

Propos recueillis par Frédéric Crotta

« Généalogie d’un coup de foudre » Charles Morel Ed Ramsay 260 pages 20 euros

France