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Lettre de juillet 2022 de Gaïa à Aurore Kepler

Notre planète Terre, Gaïa chez les Grecs, considérée comme un être vivant, correspond régulièrement avec une autre planète de l’univers, Aurore Kepler 452 B dans la constellation du Cygne. Gilles Voydeville nous fait découvrir cette magnifique correspondance interstellaire.

 

Dr Gilles Voydeville
Dr Gilles Voydeville (DR)

Lettre de juillet 2022 sur Gaïa
Lettre du mois des Huîtres Grasses sur Kepler

Ma chère Aurore

Je reçois à l’instant ta missive. Je ne sais comment dénommer cette correspondance car ce n’est ni un courrier, ni un message radio mais le fruit d’une intrication quantique qui fait que nous sommes liées comme deux particules et partageons donc instantanément la même information. Ce que pense l’une, immédiatement l’autre le sait. Heureusement que nous traversons des périodes d’une totale vacuité de pensées, car sans cela nous nous fatiguerions l’une l’autre sans rémission, sans arrêt. Et ce qui procure le plaisir de discuter avec l’autre n’est complet que si après l’échange, il y a le silence pour comprendre, le temps pour réfléchir et le recul pour méditer sur les sujets évoqués. Grâce à ton avance technologique, nous avons réussi une communication inter planétaire que mon savant Alain Aspect avait imaginée et décrite pour les particules intriquées dès mon année 1982. Et ce fut Ronald Hanson qui, en une expérience faite à l’Université de Delft en l’an 2015, prouva que l’information pouvait être partagée immédiatement, c’est-à-dire plus rapidement que par la lumière, entre deux particules intriquées et ce, quelle que soit la distance.

Si chez toi la téléportation a été bien développée, sur ma terre nous en étions au début.

Mais une immense expérience vient d’être effectuée par l’équipe de ce même Ronald Hanson : il va plus loin que prouver que deux particules partagent les mêmes modifications à distance. Il stocke l’information dans un ordinateur quantique et la partage avec un autre ordinateur quantique et, pour la première fois sur ma planète, ce partage se fait par téléportation. Donc il a réalisé exactement ce que nous utilisons déjà toutes les deux, mais avec ta technologie. C’est surement mon Internet de demain.

L’unité d’information est le qubit.

Ce qubit n’est pas décryptable et si jamais il était intercepté, il serait transformé, ce qui révèlerait l’interception. Jusqu’à présent pour transporter ces informations quantiques, mes Charmants utilisent des photons véhiculés par des fibres optiques. Ce qui a l’inconvénient d’assumer des pertes d’informations après 100 kms de câbles. Cela nécessite l’utilisation de répéteur le long de la ligne de transmission : il en existe 32 entre Shangaï et Pékin et c’est le point faible de la cryptographie car le nœud de confiance n’est pas assez élevé. Ronald Hanson lui vient de révolutionner la communication par la téléportation de qubits intriqués. Il a pu améliorer l’échange de données et la distance de communication en interposant entre les deux sources un nœud de stockage quantique qui permet la réception et l’émission de messages de l’une vers l’autre. En utilisant cette intrication quantique de deux particules, l’équipe hollandaise se passe de câbles optiques et les messages sont transmis quelque soit la distance et surtout ils sont inviolables.

Tu vois ma chère Aurore, si en ce moment nous utilisons ta technologie, Charmant se défonce pour combler le fossé.

Voici quelques nouvelles de mon ursidé. Je trouve qu’il a le regard de plus en plus pâle, délavé dirais-je, vide d’expression. Il n’y a pas de fond à ses pupilles. Il n’y a pas de fin à son mépris. Il y a deux gouffres qui s’ouvrent sur l’abîme, deux puits profonds qui aspirent pour perdre, deux trous ouverts sur le néant et l’oubli. Il y a deux prunelles qui ne vous regardent pas mais vous jaugent pour vous abattre au moindre coût. Il y a deux iris qui détestent la lumière et la droiture pour les capter et les emprisonner. Il y a deux obsessions qui en jaillissent, la torture et le meurtre. Comme si cet ours était étranger à ma planète. Certes il a la forme du mammifère, mais il doit être fait de matériaux subtils pour imiter cette race. Il n’a pas d’odeur si ce n’est celle des puces et des terres rares. Je me demande s’il n’est pas l’avatar d’une puissance intergalactique hostile qui a prévu d’anéantir Charmant pour exploiter elle-même les richesses de mon sol et de mes airs. Je me pose cette question car la puissance de destruction de mes créatures est desormais colossale. Et si le plantigrade parvient à monter mes peuples les uns contre les autres, cela pourra aboutir à la fin de la charmante civilisation pour que le conquérant de l’univers puisse s’y installer sans perdre le moindre vaisseau.

Une idée me vient : le paradoxe de Fermi est peut-être résolu.

Le mathématicien Fermi – Prix Nobel en 1938 – au cours d’un déjeuner avec d’autres scientifiques pendant l’été 1950 à Los Alamos s’étonna de la multiplicité des planètes et de la rareté de la manifestation sur mon sol d’une vie extra-terrestre. « Mais où sont-ils donc ? » demanda-t-il à ses convives en évoquant les petits martiens verts qui étaient alors à la mode ou tout autre forme de manifestation extra-terrestre. Cette foison de milliards de milliards de planètes aurait dû statistiquement engendrer de multiples sociétés avancées. Et l’indigence paradoxale des manifestations de leur existence fit prononcer cette phrase au célèbre mathématicien « Mais où sont-ils donc ? », phrase que l’on se répéta en la dénommant le « Paradoxe de Fermi ».

Donc aujourd’hui, il est possible de se poser la question : l’ours n’est-il pas cette manifestation cachée de puissances ennemies qui voudraient contrôler les énergies de mon sol pour accroître leur puissance ? Car ses troupes sans respect ni droiture, sans humanité ni morale, sans foi ni loi, sont-elles d’une race terrienne ou plutôt tout comme lui des robots sans âme programmés pour détruire et s’accaparer une planète dont les populations vont bientôt s’entre tuer et laisser ainsi l’envahisseur prendre le pouvoir le moment venu. Car la troupe de l’ours qui a pris le nom d’un grand compositeur pour faire accroire en l’harmonie de sa chevauchée, pourraient bien se révéler être composée de sondes de Von Neumann créées par une civilisation avancée !…

Ces sondes prennent la forme que leur concepteur leur donne, couverte d’une pelisse mordorée et armées de puissantes griffes si nécessaire.

Elles sont capables de s’auto répliquer, et quand elles sont assez nombreuses de s’accaparer les richesses ou, pour détruire des civilisations trop nombreuses, de les faire se combattre. Von Neumann mathématicien célèbre s’étonnait de ne pas avoir vu de telles sondes autour de lui : il regardait avec toute sa perspicacité sans succès. Mais n’en verrait-il pas plusieurs aujourd’hui en l’auteur de cette destruction programmée assisté par ses troupes, qui sont en train d’ouvrir la possibilité d’une fin sous les yeux naïfs des vrais Charmants qui ne se sont pas encore posé la question malgré l’ineptie de l’attaque ?

Certains psychologues ont une autre approche pour expliquer le comportement du plantigrade. Il se souviennent qu’il est devenu chef de meute il y a déjà vingt-deux ans, dans des circonstances particulières qui voyaient la fin du règne d’un ours qui adorait le jus de raisin fermenté.

L’empire vacillait sous les oscillations du régime et il fallut trouver rapidement un régent pour éviter l’implosion et gouverner.

Peu aguerri aux choses publiques, ours de l’ombre qui avait pour lui l’expérience des bas-fonds, notre ours mal léché eut la chance inouïe d’être coopté alors que nombre de prétendants bien plus compétents et puissants se neutralisaient dans la conquête du pouvoir. Et cela il le sait. De ce fait il se sent obligé de s’imposer chaque jour car il n’est que le fruit des circonstances et ne s’imposait pas naturellement. Cela s’appelle le syndrome de l’imposteur. Il se sait chanceux et se trouve même incompétent pour le rôle qu’on lui a confié. Alors il travaille dur.

Il y a un an il a écumé les livres d’histoire des bibliothèques de l’Empire.

Il faut savoir que ce syndrome de l’imposteur s’accompagne d’un sentiment permanent d’insécurité. C’est peut-être la raison qui le pousse à entourer sa tanière d’immensité de terres qui l’isoleront et le protégeront des autres. Mais si un être au sommet ne se sent pas à sa place, qui peut se sentir à la sienne ? Le premier cercle espère le remplacer et s’use à le contrer. Le deuxième cercle s’inquiète des turbulences du premier en espérant y accéder tout en subissant les ambitions et les poussées du troisième cercle. Le troisième cercle veut remplacer le deuxième mais est confronté au rétrécissement de sa base, le quatrième cercle. Ceci le déstabilise. Car le quatrième se réduit, ses membres ayant compris que ce cône sociétal n’est pas assez pointu ou du moins que sa pointe est trop vermoulue pour réfléchir la lumière qui éclaire le chemin.

Changeons de sujet car il faut que je te fasse part des dernières nouvelles concernant mon petit virus.

Tu sais qu’il était très bien armé mais qu’il a été victime d’une trouvaille récente, les vaccins à ARN messager qui se sont révélés plus efficaces que les vaccins à virus atténués qui jusqu’à présent tenaient le haut du pavé de la prévention des maladies infectieuses. Les résultats ont été inespérés pour sauvegarder la charmante race qui malheureusement a repris toutes ses activités polluantes qui minent mon avenir.

Comme Charmant est très organisé, il s’est interrogé sur l’efficacité différente de deux vaccins à ARN messager. L’injection de 100 micro grammes chez Moderna s’est révélée plus protectrice que celle de 30 microgrammes de Pfizer. Surtout avec le variant Delta. Mais les réactions post vaccination du Moderna étaient plus constantes. Personne n’avait su le prévoir par absence de supervision par un modèle mathématique.

Chez Pfizer en ce qui concerne la vaccination des enfants de moins de 5 ans, un petit essai sur trente cas avec deux doses de 3 microgrammes s’était avéré tout d’abord suffisant pour obtenir un résultat comparable à celui avec la dose de 30 microgrammes chez les adolescents. Et sans les réactions de forte fièvre observée avec 10 microgrammes chez les petits cobayes. Mais lors de la phase suivante sur des milliers de cas, les deux doses de 3 mg se sont avérées inefficaces et il a fallu mettre en place un troisième rappel.

Chez Moderna, la dose de 25mg a été annoncée donner le même résultat chez les enfants de moins de 6 ans que la dose de 100mg chez les jeunes adultes.

Avec le recul du temps qui est le juge impartial des choses, on voit que les doses de Pfizer ont été trop faibles. Mais ça n’était pas aussi simple que pouvait le laisser penser la différence de dosages entre les deux vaccins, car parfois de plus fortes doses sont moins efficaces et les effets secondaires eux sont toujours dose-dépendants.

Quant au délai optimal entre deux injections, il est toujours l’objet de supputations et de tergiversations qui animent les staffs des grands laboratoires car l’intervalle long facilite la production d’anticorps protecteurs à condition de ne pas rater le moment idoine de réinjection qui, une fois passé, annihile l’effet de la première injection.

Le nombre de dose pose problème également car une exposition répétée aux antigènes vaccinaux peut déclencher un épuisement immunitaire.

Toutes ces données pour te dire l’intérêt croissant pour le travail de modélisation mathématique effectué par l’École de Médecine Tropicale et d’Hygiène de Londres. Cette modélisation a commencé par prouver que le vaccin Cansino Biologics eut été deux fois plus efficace avec une dose deux fois plus élevée. Puis avec le vaccin de la tuberculose, que des doses deux fois moins importantes sont plus actives contre cette maladie qui progresse. Ce type de modélisation avait été proposé il y a 5 ans par des chercheurs de Sanofi-Pasteur sans avoir été suivi par la direction qui n’a pas raté que cette opportunité de se distinguer par le bas.

La Food and Drug Administration, pas toujours en pointe dans le suivi des innovations, a quand même organisé un atelier en juin 2021 sur la modélisation des relations dose- réponse.

Encore plus performant que l’École de Londres, un simulateur nommé Certara intègre maintenant la dynamique des réponses cellulaires lymphocytes B et T qui étaient les grands inconnus de la réponse immunitaire. Le laboratoire Daiichi Sankyo vient de sortir un vaccin à ARN en ayant intégré les données de ce simulateur ; la dose est de 60 microgrammes, c’est-à-dire située entre les deux doses des deux majors du vaccin ARN messager.

Ces modélisations permettront sans doute bientôt d’ajuster les doses pour de plus petits groupes comme les immunodéprimés, les nourrissons, certains groupes ethniques hypersensibles…

En conclusion, je vois bien que ces modélisations n’étaient pas à l’ordre du jour des laboratoires et que maintenant je vais devoir trouver des virus particulièrement efficaces si je veux réguler la population de ma planète.

Voilà ma chère Aurore, je retourne à ma vacance d’esprit. Car si tout le temps je pensais, notre intrication fait que tout le temps tu serais submergée par mes élucubrations. Je t’envoie mes plus belles pensées sur l’aquilon du couchant et mes plus jolis rayons orangés qui bordent mon crépuscule.

Ta Gaïa

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