Projeté en ouverture du Festival de Cannes, le film de Quentin Dupieux se moque du politiquement, moralement, sexuellement correct, des stars, et du cinéma.
On a connu des ouvertures plus prestigieuses, ou plus glamour, au Festival de Cannes où, certainement par goût de la provoc, le facétieux délégué général Thierry Frémaux a programmé cette année « Le deuxième acte », réalisé par Quentin Dupieux (actuellement en salles). Certes, quatre « vedettes » françaises sont à l’affiche, Léa Seydoux, Vincent Lindon, Louis Garrel, Raphaël Quenard. Mais ce long-métrage, le sixième du réalisateur en quatre ans, s’imbrique bien dans sa filmographie (« Daaaaaali ! », « Le Daim », « Fumer fait tousser », « Incroyable mais vrai », « Mandibules », « Steak », « Rubber »…), des films absurdes, barrés, décalés, réjouissants pour les uns, agaçants pour d’autres, et dans lesquels Dupieux ne cache pas son côté sale gosse qui casse ses jouets.
Si celui-ci est « Le deuxième acte », le film précédent « Yannick » peut être considéré comme le premier. Raphaël Quenard y joue ce Yannick, spectateur dans un théâtre où si mécontent du spectacle proposé qu’il l’interrompt, et prend en otage comédiens et public pour créer une pièce digne de ce nom. Deuxième acte, donc, après le théâtre Quentin Dupieux passe à sa moulinette le monde du cinéma. Plus ou moins dans leur propre rôle et dans celui d’un film en cours de fabrication, nos quatre acteurs sont les premiers à regretter la médiocrité de ce qu’ils sont en train de tourner.
« Y’a une mascarade », dit au début Willy/Raphaël Quenard, alors que son ami David/Louis Garrel veut pousser dans ses bras une jeune femme trop collante, Florence/Léa Seydoux, qui veut à tout prix présenter son « amoureux » à son père Guillaume/Vincent Lindon. L’explication à ce scénario affligeant serait que le film en question serait « écrit et réalisé par une intelligence artificielle », d’où le désintérêt des comédiens pour ce futur navet mal engagé, qui passent plus de temps à s’engueuler entre eux qu’à jouer la comédie. Le seul vraiment concentré est un figurant totalement paniqué, joué par le jusqu’alors méconnu Manuel Guillot, en tenancier d’un relais routier « au milieu de nulle part », dont le nom est « Le deuxième acte ».
Une blague cinématographique
« On tourne, mais pas vraiment », dit Vincent Lindon en répondant à un appel téléphonique. Oui, c’est du cinéma, mais pas vraiment, comme si la caméra ne s’arrêtait jamais sur un tournage pourri filmé comme une émission de télé-réalité. Oui, y’a une mascarade, amusante certes mais mascarade quand même, une blague cinématographique dans laquelle Dupieux joue avec le réel et la fiction, le « faire semblant », l’essence même du métier d’acteur, se moquant du politiquement, moralement, sexuellement correct, des stars, et du cinéma.
Il y a quelque chose de suicidaire dans ce film où le même personnage se suicide deux fois, une fois pour de faux, une fois pour de vrai !? Non puisque c’est du cinéma. L’intelligence artificielle s’y montre forcément d’une grande bêtise, mais heureusement c’est encore du cinéma joué par des humains très humains. Ultime facétie de Quentin Dupieux, il termine son film avec un interminable travelling… sur des rails de travelling, probablement ceux qui ont servi pour la toute première scène. Peut-être aussi pour nous mettre sur les rails du troisième (et dernier ?) acte.
Patrick TARDIT
« Le deuxième acte », un film de Quentin Dupieux, avec Léa Seydoux, Vincent Lindon, Louis Garrel, Raphaël Quenard, Manuel Guillot (actuellement en salles).