Avec Catherine Deneuve dans les tailleurs de Mme Chirac, le film de Léa Domenach est une réjouissante comédie, bien écrite, bien jouée, une fantaisie « librement inspirée » de la réalité.
« Un Chirac peut en cacher une autre », assure faussement le slogan du premier film de Léa Domenach. Car la vedette pas cachée du tout de « Bernadette » (sortie le 4 octobre), c’est bien Mme Chirac, incarnée par Catherine Deneuve ! Rien que cette proposition est déjà une surprise, mais dès le générique chanté par un chœur dans une église, on est prévenus, on sait que la suite ne sera pas sérieuse non plus, le chœur antique revenant à plusieurs reprises dans cette réjouissante comédie.
Car c’est bien « une fiction » et pas un sérieux biopic qu’a imaginé Léa Domenach, co-créatrice de la série « Jeune et Golri » et fille du journaliste Nicolas Domenach (qui avait cosigné une biographie de Jacques Chirac). Si elle a accumulé des faits, anecdotes et petites phrases « ayant réellement existé », la réalisatrice a conçu une histoire « librement inspirée » de la réalité, et tout n’est pas toujours vraiment vrai dans ce film tourné en partie dans la Région Grand-Est (Epernay, Châlons-en-Champagne, Reims).
Austère, froide, acariâtre, revêche…
Catherine Deneuve joue donc Bernadette Chodron de Courcel épouse Chirac, dont elle a adopté la panoplie, les tailleurs de mémère, rose ou vert-pomme, troqués plus tard lors de son relooking contre une garde-robe créée par Karl Lagerfeld. Ce récit commence en 1995 à l’élection de Jacques son mari, interprété par Michel Vuillermoz (qui avait déjà incarné Charles de Gaulle), jusqu’à leur départ de l’Elysée en 2007. « Tu peux pas dire tout ce que tu penses », se fait réprimander la désormais Première Dame par sa fille Claude (jouée par Sara Giraudeau), conseillère très spéciale de son président de père.
Austère, froide, acariâtre, revêche, « Cruella en tailleur Chanel »… et on en passe, « Bernadette » est du genre pas commode. On lui colle alors un conseiller en communication, Bernard Niquet (Denis Podalydès), pour arranger dans un premier temps ses relations avec le personnel de l’Elysée, puis améliorer l’image et la popularité de la première ringarde de France. Un plan à la Lady Di, un mélange d’humanitaire et de showbiz : la dame des Pièces Jaunes sort chez Régine.
Mais « Bernadette », c’est surtout la revanche d’une blonde, une femme qui s’affirme, s’émancipe. La « Tortue », son surnom et son animal totem, est de ces femmes mal considérées par leur mari et les hommes en général, une femme de l’ombre négligée, trompée, mise à l’écart, moquée, humiliée… Si Jacques lui rappelle la chance qu’elle a eu de l’avoir épousé, lui le roturier, la « Bichette », à qui il téléphone sans arrêt pour rien, va se charger de prendre la place qu’elle mérite.
Une « satire bienveillante » au casting trois étoiles
Bernadette avait pourtant prévenu son mari que la dissolution était une « connerie », que le Front national serait au second tour des présidentielles en 2002, mais non, le président a préféré écouter ses conseillers, notamment Dominique de Villepin, qui fait décidément un bon personnage de comédie depuis « Quai d’Orsay » de Bertrand Tavernier. Dans ce bal des faux-culs politiques, on s’amuse aussi de la danse du ventre du « traître » Nicolas Sarkozy (Laurent Stocker) pour revenir en cour et obtenir le soutien de la reine-mère.
Commencé comme une blague, « Bernadette », qui n’était jusqu’alors un sujet de comédie que pour « Les Guignols », est une « satire bienveillante », une réinvention fantaisiste, un film bien écrit, bien dialogué, et vraiment très drôle, avec un casting trois étoiles (pioché notamment à la Comédie-Française), des vrais numéros d’acteurs des Podalydès (conseiller malin et lui aussi revanchard), Vuillermoz (grosses lunettes et pantalon remonté, Chirac dépassé par sa « Bichette »), Stocker (qui a bien chopé les tics à Sarko)… et la touchante Maud Wyler, qui joue l’autre fille Chirac, Laurence, souffrant d’anorexie mentale. Et puis bien sûr, « la » Deneuve, coincée dans les tailleurs, qui joue au premier degré cette « Bernadette » de fiction et en fait un personnage certainement plus sympathique, une femme certainement moins « dure » que la vraie.
Patrick TARDIT
« Bernadette », un film de Léa Domenach, avec Catherine Deneuve (sortie le 4 octobre).