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« Quand tu seras grand », tu seras retraité

« C’est un film pour questionner », assurent Andréa Bescond et Eric Métayer, qui font cohabiter écoliers et personnes âgées dans leur film, qu’ils ont présenté aux Rencontres du Cinéma de Gérardmer.

La cohabitation va d’abord être difficile entre les résidents d’un Ehpad et les écoliers qui viennent utiliser la cantine.

La maison de retraite est devenue à la fois un lieu de tournage et un sujet pour le cinéma français, c’est même le titre d’un film de Thomas Gilou, « Maison de retraite » (avec Kev Adams parachuté travailleur social) ; Sophie Boudre y mettait un coup de jeune avec « Un petit miracle », en faisant cohabiter écoliers et personnes âgées, idée également utilisée par Andréa Bescond et Eric Métayer dans « Quand tu seras grand » (sortie le 26 avril), que le couple de réalisateurs est venu présenter en avant-première aux Rencontres du Cinéma de Gérardmer.

« Quand on te dit ça y’est t’es grand, c’est trop tard », plaisantait Eric Métayer à propos du titre de leur film. « Quand tu seras grand » donc, tu seras retraité, ou plus exactement résident dans un Ehpad (Etablissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes). C’est un Ehpad en crise, où rien ne va, où tous les personnels sont débordés, que montre en ouverture le duo des « Chatouilles ». Un Ehpad auquel on impose pourtant d’accueillir dans leurs locaux des écoliers à l’heure de la cantine. Dès le début, la cohabitation est difficile, il y a de la tension entre le personnel soignant (dont Marie Gillain, Carole Franck, et Vincent Macaigne en délégué très remonté) et l’animatrice scolaire (Aïssa Maïga).

« Cet abandon qui démoralise »

« Le casting est un grand mélange, on ne voulait pas de personnalités identifiables parmi les personnes âgées, il y a une grosse part de figuration », confie Andréa Bescond, « Et comme on n’a jamais été auxiliaire de vie ni aide-soignant, c’était important qu’il y ait de vrais professionnels ». Finalement, il y aura des rapprochements entre les résidents et les écoliers, les vieux parents négligés par leurs enfants et les gosses pas entendus par leurs parents ; et des activités communes, lancers de boulettes, chants, cerceau, yoga, ballon, crêpes…

Si les scènes avec les enfants sont plutôt légères et enjouées, le récit n’élude pas le drame de la situation des Ehpad.

Si les scènes avec les enfants sont plutôt légères et enjouées, le récit n’élude pas le drame de la situation des Ehpad. « Il y a des Ehpad où les conditions sont beaucoup plus dures que ça, il fallait trouver un juste milieu », convient Eric Métayer. « On a beaucoup tourné, on avait beaucoup d’images, mais s’est rendu compte qu’il fallait couper plein de choses qui ne fonctionnaient pas, et on a vraiment recréé la structure au montage, pour justement trouver cet équilibre entre les moments dramatiques et la joie, un film choral est mille fois plus compliqué à réaliser qu’un drame intime », ajoute Andréa Bescond.

« La vraie récompense », dit-elle, « C’est de voir le personnel soignant qui vient nous dire merci, parce qu’ils nous disent qu’on touche juste, ça peut être pire par rapport à la réalité, mais on touche à cet abandon qui les démoralise, le manque d’effectifs, le manque de moyens, ils nous disent qu’il n’y avait pas encore eu de film qui représentait leur souffrance, c’est ce qui me touche encore plus que l’intergénérationnel, qui est plus universel ».

« La société politique est toujours en retard »

Après avoir raconté son histoire personnelle dans « Les Chatouilles » et s’être engagée pour la cause des enfants abusés, Andréa Bescond est désormais désabusée de ses multiples rendez-vous avec ministres et autres intervenants officiels. « Tout vient de la société civile, comme d’habitude, la société politique est toujours en retard, donc il faut que ça vienne de nous, le peuple, pour induire un changement, ça ne vient jamais d’eux », dit-elle, « Il faudrait qu’on soit beaucoup plus présent lorsque le personnel soignant manifeste, par exemple ; pendant la crise du covid, on est tous sortis les applaudir et puis après, retour à la normale, ce fameux monde d’après qui est le monde d’avant en pire, et finalement c’est toujours la galère ».

« ‘’Quand tu seras grand’’ est un film pour questionner, qui n’a pas la prétention d’arriver avec une solution », assurent Andréa Bescond et Eric Métayer. On comprend leurs bonnes intentions, bien sûr que les gosses redonnent un peu de bonne humeur aux anciens ; mais ce n’est pas seulement l’émotion qui affleure, c’est aussi le malaise : trop de familles sont réellement touchées par le terrible et pathétique quotidien des Ehpad, la maltraitance, l’abandon, la sinistre réalité des mouroirs. Et bien des spectateurs auront du mal à ne serait-ce même que sourire à ce récit, sachant trop bien combien la vieillesse peut être un naufrage.

Patrick TARDIT

« Quand tu seras grand », un film de Andréa Bescond et Eric Métayer, avec Vincent Macaigne et Aïssa Maïga (sortie le 26 avril).

« La vraie récompense c’est de voir le personnel soignant qui vient nous dire merci, parce qu’ils nous disent qu’on touche juste », assurent Eric Métayer et Andréa Bescond.
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