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« La Syndicaliste » en croisade

Dans ce film de Jean-Paul Salomé, Isabelle Huppert incarne Maureen Kearney, déléguée syndicale d’Areva, broyée par une affaire d’Etat, mêlant politique, affaires et enjeux industriels.

Blondeur et allure élégante, Isabelle Huppert a pris la silhouette, l’apparence de Maureen Kearney.

Isabelle Huppert, qui avait été « La Daronne » dans la comédie policière de Jean-Paul Salomé, est cette fois « La Syndicaliste » du nouveau film du cinéaste (sortie le 1er mars). Elle y incarne un personnage réel, Maureen Kearney, dans un récit grave « d’après une histoire vraie », un scénario coécrit par Salomé et Fadette Drouard, adapté du livre de la journaliste Caroline Michel-Aguirre.

Décembre 2012, dans son pavillon de Rambouillet, tôt le matin, une femme est agressée, violée, attachée à une chaise, un A gravé au couteau sur le ventre. Un A comme Areva, où Maureen Kearney est déléguée syndicale CFDT de longue date ; une « emmerdeuse » pour le patronat, malgré sa blondeur et son allure élégante, vêtements colorés, boucles d’oreilles, grosses lunettes, ongles vernis. La syndicaliste s’était plutôt bien entendue avec l’emblématique patronne Anne Lauvergeon (jouée par Marina Foïs), mais celle-ci avait été débarquée par le gouvernement de Nicolas Sarkozy, et dû laisser sa place à son numéro 2, Luc Oursel (interprété par Yvan Attal), nouveau patron autoritaire et porté par « le sens du devoir ».

Faire passer la victime pour une coupable

L’emblématique ancienne patronne d’Areva, Anne Lauvergeon, est jouée par Marina Foïs (à droite).

Informée de la signature d’un contrat avec la Chine pour construire des centrales, et de la volonté du patron d’EDF (Henri Proglio) de récupérer le nucléaire et Areva dans son giron, « La Syndicaliste » fait de l’activisme, du lobbying, pour alerter les élus sur le danger de démantèlement d’un groupe qui compte alors 50.000 salariés. Elle va jusqu’au ministre Arnaud Montebourg (incarné par Christophe Paou), décroche un rendez-vous avec le nouveau président, François Hollande, qu’elle devait rencontrer l’après-midi même de son agression.

Intimidations, menaces, la déléguée est fragilisée, soutenue seulement par son mari (Grégory Gadebois) et un autre syndicaliste (François-Xavier Demaison). « Vous êtes toute seule, tout le monde vous a lâché », lui assène un gendarme soupçonneux (Pierre Deladonchamps), qui ne croit pas à sa version, convaincu que cette lectrice de polars mythomane a bidonné une fausse agression. Faire passer la victime pour une coupable, ce sera la version retenue dans un premier temps au tribunal, avant que Maureen Kearney n’obtienne gain de cause en Cour d’Appel.

Une femme dans un monde d’hommes

Sélectionné au Festival de Venise, le film de Jean-Paul Salomé (« Restons groupés », « Arsène Lupin », « Belphégor », « Les femmes de l’ombre »…) retrace ainsi le combat d’une femme dans un monde d’hommes, évoque le regard de ces messieurs sur cette « petite syndicaliste » en croisade, une lanceuse d’alerte que personne n’écoute, broyée par plus puissante qu’elle, une affaire d’Etat mêlant politique, affaires et enjeux industriels.

Avec la silhouette, l’apparence de Maureen, Isabelle Huppert donne à la fois force et vulnérabilité à cette femme qui ne fait « pas une bonne victime ». S’éloignant de l’enquête journalistique, le scénario efficace ne se perd pas et ne nous perd pas dans les méandres d’une affaire forcément compliquée, mais suit son fil en se concentrant sur son personnage principal, Maureen, ce qu’elle a vécu, et ce qu’elle a subi.

Patrick TARDIT

« La Syndicaliste », un film de Jean-Paul Salomé, avec Isabelle Huppert (sortie le 1er mars).

Pierre Deladonchamps interprète un gendarme soupçonneux, qui ne croit pas à la version de l’agression.
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