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Deauville, des filles et des Indiens

« Aftersun » et « War Pony » ont reçu chacun deux prix au Festival du Cinéma Américain, qui récompense des œuvres féminines et délicates.

Souvenirs des dernières vacances d’une ado avec son père, « Aftersun » a reçu le Grand Prix de ce Festival ainsi que le Prix de la Critique (Mubi).

Dans le palmarès du 48ème Festival du Cinéma Américain qui s’est tenu à Deauville, le Prix du Public est une exception : il a été décerné à un réalisateur, John Patton Ford, pour « Emily the Criminal », un thriller divertissant. Présidé par le cinéaste Arnaud Desplechin, le jury a récompensé quant à la lui exclusivement des films réalisés par des femmes, des récits intimistes, d’enfance ou d’adolescence, des traitements délicats pour des sujets souvent difficiles et dramatiques.

La cinéaste Charlotte Wells a ainsi reçu le Grand Prix de ce Festival ainsi que le Prix de la Critique pour « Aftersun », qui avait été sélectionné à la Semaine de la Critique au Festival de Cannes et sera diffusé sur la plateforme Mubi. C’est en Turquie que cette réalisatrice, originaire d’Ecosse et qui vit désormais à New York, a tourné son premier long-métrage. Une histoire très personnelle, les souvenirs d’une jeune femme, Sophie, qui se remémore ses dernières vacances avec son père alors qu’elle était encore gamine, à 11 ans. Un tête-à-tête au soleil, pendant lequel il ne se passe pas grand-chose, sinon les jeux, la piscine, la mélancolie, l’ennui, beaucoup d’ennui.

« La vulnérabilité des jeunes femmes »

L’héroïne de « Palm Trees and Power Lines » de Jamie Dack, Prix du Jury, est à peine plus âgée : Léa, jeune fille de 17 ans, tombe sous l’emprise d’un « vieux » de 34 ans, un homme d’abord tendre et attentionné qui va se révéler un mec toxique et nuisible. « J’ai joué vraiment le moment présent, elle ne pense qu’à une chose, elle aime Tom, elle est aveuglée », confiait à Deauville l’actrice Lily McInerny dont c’est le premier rôle, et que son partenaire Jonathan Tucker compare à Kirsten Dunst ou Natalie Portman au début de leur carrière. « Je ne voulais pas faire un film qui délivre un message de prévention », a précisé la réalisatrice Jamie Dack, « C’est très bien si le jeune public en retire quelque chose comme d’une fable, mais mon intention était de raconter l’histoire d’une jeune fille adolescente, et de parler de la vulnérabilité des jeunes femmes ».

L’écrivain Michael Feeney Callan a reçu le Prix Littéraire pour sa biographie de Robert Redford.

Autre Prix du Jury et également Prix de la Révélation, « War Pony » de Gina Gammell et Riley Keough (petite-fille d’Elvis Presley) avait déjà reçu la Caméra d’Or (décernée à un premier film) au Festival de Cannes. C’est une formidable chronique de la vie quotidienne dans une réserve indienne, dans le Dakota, pour laquelle la plupart des comédiens, Indiens, ont été sélectionnés lors d’un casting sauvage. « Le film a l’air très naturel, très spontané, mais il n’y a pas eu du tout d’improvisation, tout a été écrit, il y a eu beaucoup de répétitions, c’est un film très construit, l’impression de réalisme vient vraiment des acteurs », a expliqué la co-réalisatrice Gina Gammell, « Tout ce qui est à l’écran est inspiré de faits réels, la fin est plus métaphorique ».

Le Prix Littéraire a été remis à l’écrivain Michael Feeney Callan, pour sa biographie consacrée à Robert Redford (déjà évoquée ici, https://infodujour.fr/culture/cinema/57959-robert-redford-le-magnifique, Editions La Trace/22€). Une amitié de vingt ans et un travail collectif avec l’acteur lui ont donné la matière pour rédiger en 700 pages « l’histoire de sa vie ». « Robert Redford est un modeste qui n’aime pas parler de lui-même », assure l’auteur, qui insiste sur l’humain et l’espoir présents dans chacun des films de la star : « Son œuvre reflète l’universalité ».

Le roman noir d’une « Blonde »

Avant la projection de « Sans filtre », le réalisateur suédois Ruben Östlund ne pouvait cacher sa « tristesse » en évoquant l’actrice principale de son film, Charlbi Dean, morte le 29 août à New York.

Quelques séquences émotions ont marqué les derniers jours du festival normand, comme ce fut le cas avec la présentation de la Palme d’Or du Festival de Cannes, « Sans filtre ». Le réalisateur suédois Ruben Östlund ne pouvait cacher sa « tristesse » avant la projection, en évoquant l’actrice principale de son film, Charlbi Dean, révélation en mai sur la Croisette et morte le 29 août à New York, elle avait 32 ans. Mannequin et actrice, elle illumine pourtant « Sans filtre » (sortie en France le 28 septembre), réjouissant dézingage en règle de l’argent, la mode, les influenceurs… l’hypocrisie de nos temps modernes. « Ruben Östlund est une des voix les plus fortes du cinéma contemporain », assurait à Deauville Thierry Frémaux, délégué général du Festival de Cannes, « C’est un cinéaste qui réussit tous ses films. C’est un cinéaste de l’ironie et pas de la moquerie, c’est un métaphysicien drôle et triste qui dit ce que notre monde est ».

Emotion encore, avec la présentation de « Blonde », film d’Andrew Dominik (qui sera diffusé par Netflix, à partir du 28 septembre), puisque l’élégante actrice Ana de Armas était très émue en racontant comment elle regardait des films à la télé, tard le soir, avec son cher grand-père. Parmi les « grands rêves » qu’elle faisait petite, il y avait celui d’être comédienne, probablement pas celui d’incarner un jour Marilyn Monroe, ce qu’elle fait pourtant superbement dans « Blonde ». Plus que Marilyn, c’est Norma Jeane Baker (le vrai nom de la star) qu’elle joue dans cette adaptation du livre de Joyce Carol Oates. Un véritable roman noir qui retrace les drames, humiliations et violences subies par la femme la plus photographiée au monde ; très loin de l’image glamour de la star souriante, ce film est un récit triste et pathétique de sa drôle de vie. « Merci à Marilyn », a pourtant dit Ana de Armas.

Heureusement, un vent frais de joie et de bonne humeur a fini par souffler sur Deauville, apporté par un film français à peine terminé depuis la semaine précédente, « La Grande Magie », réalisé par Noémie Lvovsky (sortie le 14 décembre). Présente au Festival, une bonne partie de l’équipe est montée sur scène avant la projection de ce joyeux et plaisant film musical, tourné tout près dans un hôtel au bord de la mer, en Bretagne, et qui a enchanté les festivaliers. Un vrai tour de magie.

Patrick TARDIT

www.festival-deauville.com

L’élégante actrice Ana de Armas était très émue, avant la projection de « Blonde », film de Andrew Dominik dans lequel elle incarne Marilyn Monroe (prochainement sur Netflix).
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