Dans le cadre du festival Saint-Malo Étonnants Voyageurs, sept prix littéraires ont été remis. Un palmarès exceptionnel et international pour une édition 2018 portée par la thématique « Refaire le monde ».
Ananda Devi
lauréate du Prix Ouest-France
Le Prix Ouest-France Etonnants Voyageurs est décerné par un jury de jeunes lecteurs âgés de 15 à 20 ans, sélectionné par le comité de parrainage sur lettre de motivation. Réunis à Saint-Malo ce dimanche 20 mai, les jeunes jurés ont décidé de récompenser Ananda Devi pour son roman Manger l’autre (Grasset).
Les romans en lice et les jeunes jurés avaient été sélectionnés par les membres du comité de parrainage composé de Stéphane Vernay pour Ouest-France, Michel Le Bris et Mélani Le Bris pour le festival, Jean Lallouet de Salaün Holidays et les écrivains Sami Tchak, Sorj Chalandon, Alain Dugrand, Carole Martinez, Yahia Belaskri, Lola Lafon, Sylvain Coher, Jean Rouaud, Jean-Marie Blas de Roblès ainsi qu’Hervé Bertho. Il est doté par Salaün Holidays de 10.000 euros et d’une campagne de promotion offerte par OuestFrance.
À propos d’Ananda Devi
Figure majeure de la littérature mauricienne, Ananda Devi est l’auteur de recueil de nouvelles, poèmes et romans parmi lesquels Eve de ses décombres, Le Sari vert et L’Ambassadeur triste publiés chez Gallimard. Elle reçoit en 2014, le Prix du rayonnement de la langue et de la littérature française pour l’ensemble de son œuvre.
Conte de la dévoration et roman de l’excès, Manger l’autre est une allégorie de notre société avide de consommer, obsédée par le culte de la minceur et de l’image conforme, à travers l’histoire d’une adolescente obèse.
Mohamed Mbougar Sarr et Einar Már Gudmundsson
Lauréats des Prix Littérature-monde 2018
Agence Française de Développement – Etonnants Voyageurs
Le romancier sénégalais Mohamed Mbougar Sarr pour Silence du chœur (Présence Africaine) et l’écrivain islandais Einar Már Gudmundsson pour Les Rois d’Islande (Zulma) ont reçu les Prix Littérature-monde et Littérature-monde étranger.
En mars 2007, à l’initiative de Michel Le Bris et Jean Rouaud, paraissait dans « Le Monde des Livres » le manifeste « Pour une Littérature-monde en français » signé par 44 écrivains. Le texte affirmait l’urgence d’une littérature soucieuse de « dire le monde », de se frotter à lui pour en capter le souffle – autrement dit, d’une littérature libérée des idéologies qui jusqu’alors prétendaient la régenter. Naît alors l’idée de « littérature-monde » délivrant la langue française de son pacte exclusif avec la nation pour devenir l’affaire de tous, sans d’autres frontières que celles de l’esprit.
En 2014, l’association Étonnants Voyageurs, et l’Agence Française de Développement se sont associées afin de créer le prix du même nom dont Ananda Devi, Dany Laferrière, Michel Le Bris, Anna Moï, Atiq Rahimi, Jean Rouaud et Boualem Sansal composaient cette année le jury prestigieux.
Le prix « Littérature-monde » est double : l’un allant à un roman de langue française, l’autre à un roman étranger traduit, porteurs de cette idée de la littérature, tous deux publiés en France lors des douze derniers mois. Il est doté de 3.000 euros par l’AFD.
À propos de Mohamed Mbougar Sarr
Lauréat du Grand prix du roman métis et du Prix Ahmadou Kourouma pour son premier roman Terre ceinte, Mohamed Mbougar Sarr avait précédemment été distingué par le prix de la jeune écriture francophone Stéphane Hessel-RFI. Il a récemment publié De purs hommes aux éditions Philippe Rey.
À propos d’Einar Már Gudmundsson
Romancier, poète et nouvelliste, il a signé une dizaine de romans mais aussi des livres pour enfants, des scénarii de cinéma et des traductions. Il est l’un des écrivains les plus primés à travers le monde et dans son pays avec notamment le Swedish Academy Nordic Prize dit « le petit Nobel ».
Marc Dugain
Lauréat du Prix Joseph Kessel de la SCAM
Depuis 1991, la Scam, société de gestion collective, représentant les auteurs d’œuvres écrites, audiovisuelles et radiophoniques à caractère documentaire, décerne, dans le cadre de son action culturelle, le Prix Joseph Kessel en hommage au grand écrivain, reporter et explorateur.
Le jury présidé par Olivier Weber et composé de Tahar Ben Jelloun, Annick Cojean, Colette Fellous, Pierre Haski, Michèle Kahn, Gilles Lapouge, Michel Le Bris, Benoît Peeters, Patrick Rambaud, Guy Seligmann et Jean-Pierre Perrin (lauréat du prix en 2017) a attribué le Prix Joseph Kessel 2018 à Marc Dugain pour son roman Ils vont tuer Robert Kennedy, publié chez Gallimard en août 2017.
Ce prix doté d’une bourse de 5.000 euros consacre l’auteur d’un ouvrage de haute qualité littéraire, écrit en langue française, dans la veine de Kessel et publié entre mars 2017 et février 2018.
À propos de Marc Dugain
Réalisateur et romancier, Marc Dugain fait une entrée remarquée en littérature en 1999 avec La Chambre des époux couronné notamment du Prix des Deux-Magots et du Prix Nimier. Après La malédiction d’Edgar consacré à John Edgar Hoover, il retrouve ici l’un de ses sujets de prédilection l’Amérique et sa politique.
Andrzej Stasiuk
Lauréat du Prix Nicolas Bouvier 2018 Parrainé par Terre d’aventures
Distinguant chaque année un texte de grande exigence littéraire français ou étranger (à la condition d’être traduit), et prolongeant l’esprit de l’œuvre de l’écrivain-voyageur, le Prix Nicolas Bouvier est doté d’une bourse de 5.000 euros.
Le jury, composé de Laura Alcoba, Alain Dugrand, Jean-Louis Gouraud, Christine Jordis, Gilles Lapouge, Björn Larsson et présidé par Pascal Dibie a couronné cette année Andrzej Stasiuk pour L’Est publié aux éditions Actes Sud.
À propos d’Andrzej Stasiuk
Figure incontournable de la littérature de voyage et de la non-fiction, Andrzej Stasiuk a souvent été comparé à Kerouac et Kapuściński. Chef de file de la littérature polonaise contemporaine, il est à la fois romancier, poète, journaliste, et éditeur spécialisé dans les œuvres d’Europe centrale. C’est avec son nouveau récit, L’Est, qu’il vient pour la toute première fois en France et participe au festival Saint-Malo Etonnants Voyageurs.
David Fauquemberg
Lauréat du prix Gens de mer 2018
Soutenu par les Thermes Marins de Saint-Malo, la Compagnie des pêches et le Crédit Agricole d’Ille-et-Vilaine
Doté de 3.000 euros, le prix Gens de mer a été attribué à David Fauquemberg pour son roman Bluff paru aux éditions Stock.
Le Prix Gens de mer créé en 2006 à l’initiative de la libraire La Droguerie de Marine et soutenu par la Compagnie des Pêches, les Thermes Marins de Saint-Malo et le Crédit Agricole d’Ille-et-Vilaine est destiné à récompenser l’auteur d’un livre récent ayant un caractère maritime au sens le plus large. Le jury présidé par Isabelle Autissier est composé de personnalités du monde littéraire et maritime, Loïc Josse, Michèle Polak, Michel Le Bris, l’Amiral François Bellec, Alain Hugues, Claude Villers, Serge Raulic (directeur des Thermes Marins de Saint-Malo), Patrick Soisson (PD-G de la Compagnie des Pêches) et Jean-Pierre Vauzanges (directeur général du Crédit Agricole d’Ille-et-Vilaine).
Le prix Compagnie des Pêches 2018, doté de 1500 €, a été attribué à Michel Mouton pour son roman Séquoias publié aux éditions du Seuil.
Le prix du beau livre Thermes Marins 2018, doté de 1500 €, a été attribué à Daphné Buiron et Stéphane Dugast pour leur ouvrage L’Astrolabe publié aux éditions E/PA.
Finalistes, jury et lauréat ont participé le samedi 19 mai à un débat à l’Ecole Nationale Supérieure Maritime avant de se retrouver à bord du navire-usine Grande Hermine pour partager un moment convivial en présence des partenaires et des éditeurs.
Patrick Laupin
Lauréat du Prix Robert Ganzo de poésie
Sous l’égide de la Fondation de France, le jury du prix Robert Ganzo, accueilli au Bistrot de Paris par Jean-Gabriel de Bueil, a attribué au deuxième tour de scrutin le prix Ganzo 2018 à Patrick Laupin pour l’ensemble de son œuvre saluant en particulier les deux tomes de ses Œuvres Poétiques parues à la Rumeur libre.
Créé en 2007 et doté de 10.000 euros, ce prix rassemble un jury prestigieux composé de Yvon Le Men, Jean-Baptiste Para, Alain Borer, Claudine Delaunay, Dominique Sampiero et Jean-Pierre Siméon.
À propos de Patrick Laupin
Instituteur, formateur et auteur, Patrick Laupin se consacre depuis des années à la transmission de la lecture et de l’écriture. Salué en 2013 par le Grand Prix SGDL de poésie, il est l’auteur d’une vingtaine d’ouvrages parmi lesquels L’Alphabet des oubliés et Le dernier avenir publiés à La Rumeur libre.
Sabrina Calvo et James Morrow
Parmi les lauréats du Prix de l’Imaginaire 2018
Créé en 1974 afin de promouvoir les littératures de l’imaginaire, qui regroupent science-fiction, fantasy, fantastique, réalisme magique ainsi que toute œuvre en marge de ces genres, le Grand Prix de l’imaginaire distingue dix ouvrages pour leurs qualités littéraires, leurs ambitions et leurs originalités.
Roman francophone : Toxoplasma, Sabrina Calvo (La Volte)
Roman étranger : L’Arche de Darwin, James Morrow (Au diable vauvert)
Nouvelle francophone : Serf-Made-Man ? ou la créativité discutable de Nolan Peskine d’Alain Damasio (in Au bal des actifs, La Volte)
Nouvelle étrangère : Danses aériennes de Nancy Kress (Le Bélial’ & Quarante-Deux)
Roman jeunesse francophone : Sang maudit d’Ange (Castelmore)
Roman jeunesse étranger : Les Cartographes, tomes 1 à 3 de S.E. Grove (Nathan)
Prix Jacques Chambon de la traduction : Jean-Daniel Brèque pour Certains ont disparu et d’autres sont tombés de Joel Lane (Dreampress), La Bibliothèque de Mount Char de Scott Hawkins (Denoël, Lunes d’encre) et Apex de Ramez Naam (Presses de la Cité)
Prix Wojtek Siudmak du graphisme : Daniel Egneus pour American Gods et Le Monarque de la vallée de Neil Gaiman (Au diable vauvert)
Essai : Étoiles rouges. La littérature de science-fiction soviétique de Viktoriya Lajoye et Patrice Lajoye (Piranha) Prix spécial : Ellen Herzfeld et Dominique Martel pour leur travail au service de la science-fiction depuis plus de 30 ans, dont le site internet Quarante-Deux et les recueils de la collection Quarante-Deux (éditions du Bélial’)
Les membres du jury sont Joëlle Wintrebert, Jean-Luc Rivera, Bruno Para, Jean-Claude Dunyach, Sylvie Allouche, François Angelier, Sandrine Bruno-Maillard, Olivier Legendre, Danielle Martinigol et JeanClaude Vantroven.
La déclaration de Saint-Malo
Parce qu’aucun Etat ne peut à lui seul « gérer des déplacements massifs de réfugiés et de migrants ».
Face au désastre humanitaire qui accompagne des migrations d’une ampleur sans précédent, les surenchères répressives qui tiennent lieu de politique des migrations sont un déni de réalité. Les écrivains, artistes et réalisateurs réunis à Saint-Malo appellent la Communauté internationale à mettre en place une gouvernance mondiale nourrie de nos traditions multiséculaires et de nos imaginaires. L’urgence est à la construction d’un principe d’hospitalité qui deviendrait opposable aux États.
Interdépendance
Le point de départ est le constat d’interdépendance. Comme l’a reconnu l’Assemblée Générale des Nations Unies en 2016 « aucun Etat ne peut à lui seul « gérer des déplacements massifs de réfugiés et de migrants ». Les conséquences, qu’elles soient « politiques, économiques, sociales, développementales ou humanitaires » atteignent non seulement les personnes concernées et les pays d’origine mais les pays voisins et ceux de transit, ainsi que les pays d’accueil.
Comme pour le climat, l’interdépendance appelle un devoir de solidarité qui mobilise de multiples acteurs bien au-delà du dialogue interétatique. Des scientifiques (les climatologues sont remplacés par démographes et anthropologues) deviennent lanceurs d’alerte et veilleurs. Des collectivités territoriales (Etats fédérés et grandes villes) s’engagent. Des partenariats s’organisent avec les migrants et les diasporas et plus largement avec la société civile dans sa diversité : ONG et syndicats, citoyens spontanément solidaires malgré les risques de poursuite pénale.
La force et la faiblesse
Il reste à mettre en œuvre les responsabilités « communes et différenciées » des États. Communes parce que les objectifs sont les mêmes : des migrations « sûres, ordonnées et régulières ». Différenciées parce qu’elles varient nécessairement d’un pays à l’autre selon des critères à définir : quantitatifs, comme la population, le PIB, le nombre moyen de demandes, ou le taux de chômage ; qualitatifs comme le passé historique ou la situation socioéconomique.
La force et la faiblesse de ce modèle de gouvernance mondiale est qu’il repose essentiellement sur la bonne volonté des acteurs. Pour être efficace, il doit être pleinement reconnu en termes de légitimité. La célébration des 70 ans de la Déclaration universelle des droits de l’homme, en décembre 2018, est l’occasion de cette reconnaissance. À l’image du développement durable qui a permis de pondérer innovation et conservation, le principe d’hospitalité, régulateur des mobilités humaines, permettrait de pondérer exclusion et intégration et d’équilibrer les droits et devoirs respectifs des habitants humains de la Maison commune.