Depuis plusieurs mois, la dermatose nodulaire contagieuse (DNC) des bovins est présentée dans les médias « mainstream » comme une maladie hautement contagieuse justifiant des mesures sanitaires lourdes (vaccination des cheptels) et/ou extrêmes (abattage). Pourtant…

Par Jean-Marc Sabatier
Pourtant, l’analyse scientifique du capripoxvirus responsable de la dermatose — le Lumpy Skin Disease Virus (LSDV) — montre une réalité très différente : la DNC n’est pas une maladie hautement contagieuse entre bovins. Sa diffusion repose avant tout sur un facteur minimisé dans le débat public, à savoir les insectes vecteurs.
Ainsi, il existe une confusion fréquente entre contagiosité et diffusion. Dans l’imaginaire collectif, une maladie dite « contagieuse » se transmet facilement d’un animal à l’autre par contact, par l’air ou les surfaces contaminées : ce schéma ne correspond pas à la DNC. Le contact direct entre bovins transmet très mal le virus LSDV (contrairement à la fièvre aphteuse ou à certaines maladies respiratoires animales). La transmission virale par voie aérienne est négligeable. Le partage d’abreuvoirs ou de bâtiments ne permet généralement pas de propager l’infection virale.
Une maladie vectorielle
Ainsi, le virus de la DNC n’est pas intrinsèquement très contagieux. La DNC est une maladie essentiellement vectorielle : le virus est transmis mécaniquement par des insectes hématophages comme les moustiques (Aedes, Culex), les mouches piqueuses (Stomoxys calcitrans), les taons, et parfois certaines tiques.
Le virus ne se multiplie pas dans l’insecte (contrairement à d’autres arbovirus). Il est transporté (passivement) via le sang d’un animal infecté vers un animal sain. Cette particularité est d’importance : sans insectes, la circulation du virus est très limitée, voire nulle. La contagiosité réelle du virus de la DNC est clairement dépendante du contexte environnemental (c’est-à-dire qu’elle varie fortement suivant les conditions extérieures). En hiver, la transmission est très faible ou inexistante à cause du climat froid, et de l’absence d’insectes. Lorsque les bâtiments sont fermés, la circulation est également limitée. En période estivale et en zones humides, la transmission est accrue. Une forte densité de vecteurs conduit à une diffusion locale importante. Ainsi, ce n’est pas le virus qui est hautement contagieux, mais l’environnement qui peut être très favorable à la contagiosité du virus.
Les réponses sanitaires déconnectées des réalités
Des données épidémiologiques montrent que la mortalité est souvent inférieure à 1-2 %. Les taux plus élevés (jusqu’à 10 %) concernent des situations particulières, avec de jeunes animaux (veaux), des animaux stressés, immunodéprimés, dénutris, et/ou co-infectés par d’autre(s) microbe(s) pathogène(s). Dans les faits, les principaux facteurs de diffusion sont le transport d’animaux infectés et la dispersion des insectes.
Ainsi, les réponses sanitaires sont actuellement déconnectées de la réalité biologique, car la DNC n’est pas une maladie hautement contagieuse entre bovins. Il s’agit d’une maladie vectorielle « opportuniste », avec une diffusion dépendante principalement des insectes, de la saisonnalité et de l’environnement.
La vaccination de masse des bovins en France (vaccins à souche virale atténuée « Neethling » : « Bovilis Lumpyvax-E » de Merck Animal Health, et « LSD vaccine » de OBP) et l’abattage total des cheptels en cas de contamination (ou d’effets indésirables du vaccin comparables à la dermatose) d’une ou plusieurs bêtes sont des stratégies scientifiquement inappropriées. D’autant plus que des traitements existent, par exemple l’Ivermectine couplée à des anti-inflammatoires non stéroïdiens.
