Denis Ménochet incarne Romain Gary dans ce film de Anaïs Barbeau-Lavalette, adaptation du roman de l’écrivain. Un retour brutal dans les années 60 aux Etats-Unis.
Ecrivain cinématographique, Romain Gary a été l’auteur de plusieurs scénarios et romans adaptés au cinéma (« Les racines du ciel », « La vie devant soi »..), devenant parfois son propre personnage dans des épisodes de sa vie. Incarné récemment par Pierre Niney dans « La Promesse de l’aube », le double Prix Goncourt l’est cette fois par Denis Ménochet dans « Chien blanc » (sortie le 22 mai), nouvelle adaptation d’un de ses livres par la réalisatrice québécoise Anaïs Barbeau-Lavalette. Roman dont s’était inspiré Samuel Fuller il y a quarante ans pour « Dressé pour tuer ».
Ce chien blanc est un animal perdu que Romain Gary trouve un matin devant sa maison de Los Angeles, où il vit alors avec son épouse l’actrice Jean Seberg, icône de la Nouvelle Vague dont Kacey Rohl s’est fait le look fragile et la coupe de cheveux pour l’interpréter. Le chien a l’air si doux, « On l’garde ? », propose Gary à son fils Diego. Mais s’il est calme et obéissant avec les Blancs, le toutou devient une bête sauvage avec les Noirs ; c’est « un chien du sud », dressé pour attaquer, « dressé pour tuer » n’importe quel être à la peau noire. Estimant l’animal victime de « la bêtise humaine », de « la sauvagerie de l’homme », l’écrivain décide de faire rééduquer, réhabiliter, reciviliser ce chien « raciste » : « J’ai besoin d’y croire », dit-il.
De puissantes images d’archives
Si ce film évoque l’intimité et la désunion du couple Gary-Seberg, qui vont bientôt divorcer et se suicideront l’un après l’autre une décennie plus tard, c’est surtout une morsure de rappel, un retour brutal dans l’Amérique des années 60, en pleine période de lutte pour les droits civiques. Jean Seberg est alors plus militante qu’actrice, engagée avec les Black Panthers, victime d’une campagne de dénigrement, et à qui il lui est aussi dit « Laisse-nous notre lutte ».
Comment prendre part à une lutte qui n’est pas la nôtre, interroge la réalisatrice, qui parsème son film de puissantes images d’archives de manifestations, d’émeutes, de leur répression brutale par le pouvoir blanc, ou encore l’annonce à la télévision de l’assassinat de Martin Luther King par Robert Kennedy.
Si la mise en scène abuse des images en miroir, ces documents des années 60 ont cependant leur reflet dans les séquences finales de « Chien blanc », tout à fait contemporaines, tournées en 2020 avec le mouvement Black Lives Matter.
Patrick TARDIT
« Chien blanc », un film de Anaïs Barbeau-Lavalette, avec Denis Ménochet et Kacey Rohl (sortie le 22 mai).