Environnement, réforme des retraites, intelligence artificielle, RSE… les grands enjeux du monde de demain s’invitent aux côtés de la rémunération.
Pour la 3e année consécutive, l’institut Ifop a réalisé pour le réseau EVA – rassemblant les opérateurs du Conseil en évolution professionnelle dans 7 régions de France – auprès d’un panel représentatif de la population salariée, un baromètre territorial de l’évolution professionnelle. Un focus détaillé sur la mobilité des actifs du privé et des indépendants dont voici les principaux enseignements pour la région Grand Est…
1. Des actifs anticipent leur avenir professionnel
Deux nouveautés marquent cette année les résultats de l’étude : l’anticipation du rôle prégnant que les révolutions écologiques et numériques vont jouer dans les mutations structurelles à venir du monde du travail et la possible redéfinition des perspectives professionnelles au regard de la récente réforme des retraites, des tendances plus marquées chez les moins de 40 ans.
28% des salariés du Grand Est pensent ainsi que l’allongement de la durée de vie professionnelle suite à la réforme des retraites va transformer leur travail dans les années à venir, suivi à 21% (particulièrement chez les CSP+) par le développement des intelligences artificielles génératives (comme ChatGPT). 18% des sondés (là encore plus spécifiquement chez les CSP+) mentionnent la transition écologique et 17% (davantage au sein des classes populaires) l’automatisation des tâches physiques. 74% des sondés estiment par ailleurs que la transition écologique va trans- former ou faire disparaître leur métier ou leur secteur d’activité. Une propension marquée au sein des salariés du commerce qui apparaissent plus conscients de l’impact que peut avoir la transition environnementale sur leur métier.
De façon plus minoritaire qu’au national (écart de 4 points), 35% des salariés du Grand Est considèrent que le report de l’âge légal de départ à la retraite pourrait les inciter à changer de secteur d’activité et 33% se verraient changer de métier (-6 points par rapport à la moyenne nationale). Cet enjeu de l’allongement de la durée de la vie professionnelle, pourtant en tête des transformations du travail évoquées par les salariés, semble générer une forme de résignation. Ainsi, le report de l’âge légal de départ à la retraite, comparé au défi de la transition écologique, ne vient pas véritablement révolutionner l’organi- sation du travail en tant que telle et ne constitue une incitation à l’évolution professionnelle que pour une minorité de personnes.
2. Une association entre rémunération et évolution professionnelle en recul
En contrepoint de la montée en puissance de ces nouvelles représentations du monde du travail, on note une association moins significative faite entre rémunération et évolution professionnelle. Alors que 28% des salariés de la région Grand Est définissaient l’évolution professionnelle comme une augmentation de salaire en 2022, ils ne sont plus que 22% à le faire cette année, soit une baisse de 6 points, confirmant la relative perte d’importance du salaire dans l’esprit des actifs observée depuis 2020. Si dans notre région cette définition reste en tête des aspirations, elle enregistre toutefois son score le plus faible depuis la création du baromètre, se plaçant même en des- sous de la moyenne nationale (25%, -3 points). L’obtention de davantage de responsabilités parait aussi de son côté moins séduisante (-2 points par rapport 2022), mais reste le deuxième élément le plus cité (16%), notamment chez les moins de 40 ans qui le placent devant le salaire.
L’enjeu de la reconnaissance au travail reste prégnant, cité par 13%, en augmentation de 2 points par rapport à 2022. On note par ailleurs un recul de 3 points par rapport à 2022 (désormais à 9% et 3 points en dessous de la moyenne nationale) de l’association entre évolution professionnelle et équilibre vie professionnelle – vie personnelle, alors même que cet enjeu s’était retrouvé exa- cerbé durant la crise sanitaire.
Dans un contexte actuel de baisse du pouvoir d’achat, l’affaiblissement du leadership de la rémunération dans les aspirations des actifs renforce l’hypothèse d’un changement de para- digme même si, dans la pratique, le gain de ré- munération reste largement en tête des raisons poussant effectivement un salarié à évoluer (cf. partie 3).
3. 2021-2025 : faits et perspectives
Au cours des 3 dernières années, 59% des salariés indiquent avoir connu une ou plusieurs évo lutions professionnelles : un score en forte progression par rapport à 2022 (+8 points). Cette augmentation est supportée par les salariés qui ont vécu plusieurs évolutions professionnelles (24%, +5 points par rapport à 2022). On observe donc une forte dynamique d’emploi à l’échelle de la région depuis la création du baromètre en 2020 : +16 points. Comme au national, les secteurs du BTP et de l’industrie sont les plus concernés.
Bien que la rémunération perde de son importance dans la définition de l’évolution professionnelle, c’est encore elle qui, dans les faits, a incité clairement les salariés à évoluer (elle est citée par 56%, +1 point par rapport à la moyenne nationale), un score en augmentation par rapport à 2022 (+6 points), et qui s’explique notamment par la baisse du pouvoir d’achat. La dynamique est inversée s’agissant de l’envie de se confronter à un nouveau défi, le souhait de sécuriser sa situation professionnelle, et le besoin de changer d’ambiance au travail, cités respectivement par 37%, 21% et 18% des salariés, soit un recul de 4, 7 et 6 points par rapport à 2022. Le besoin d’améliorer ses conditions de travail (testé pour la première fois cette année) est cité par 20% des sondés.
Et l’avenir?
S’agissant de l’avenir, la proportion de salariés du Grand Est souhaitant évoluer professionnellement au cours des deux prochaines années se stabilise également en 2023. Elle concerne 67% d’entre eux (contre 63% en 2022 et 55% en 2021), un résultat légèrement inférieur aux résultats nationaux (-3 points). Un sur cinq l’envisage même avec certitude et 48% dans l’année à venir. Les plus jeunes apparaissent les plus mobiles (83% envisagent une évolution professionnelle d’ici 2 ans), un résultat lié à un parcours professionnel débutant seulement et à un nouvel état d’esprit générationnel. Les catégories supérieures sont également plus enclines à se projeter dans une évolution professionnelle (75%, +8 points), probablement car elle facilite leur développement de carrière.
4. Un réel attachement des salariés du Grand Est à leur secteur d’activité, moins à leur entreprise…
Parmi ceux qui envisagent une évolution professionnelle dans les deux prochaines années (soit 67% de l’échantillon), 55% déclarent vouloir évoluer dans le même secteur d’activité, mais pas nécessairement au sein de la même entreprise. Ce dernier score enregistre une baisse significative de -10 points par rapport à 2022. À l’inverse, l’aspiration à changer d’entreprise progresse grandement (34%, +11 points par rapport 2022), signe que l’évolution professionnelle tend à devenir un synonyme de véritable changement. Une tendance plus marquée chez les femmes (42%, +7 points par rapport à la moyenne régio- nale), s’expliquant par le fait notamment qu’elles sont souvent les plus lésées dans les mobilités en interne.
Reconversion dans le même secteur d’activité
En parallèle, 19% des salariés souhai teraient plutôt se reconvertir sur une fonction différente au sein du même secteur (+5 points par rapport à 2022 et +3 points par rapport à la moyenne nationale), marquant un réel attachement propre aux salariés de la région Grand Est à leur secteur d’activité. Seuls 16% songent à se reconvertir dans un autre secteur d’activité, 6% souhaiteraient créer leur activité et 2% envisageraient une mobilité géographique vers une autre région.
Ces aspirations s’accompagnent en parallèle d’une exigence accrue des salariés vis-à-vis du rôle des entreprises. Phénomène qui s’inscrit plus largement dans le cadre du changement du rapport au travail – impulsé en grande partie par la crise sanitaire – où l’entreprise doit désormais tenir un rôle sociétal et parfois politique plus important.
Demande de télétravail
Ainsi, si les perspectives d’acquérir un meilleur salaire et de nouvelles missions demeurent les dimensions impactant le plus le souhait d’évolution professionnelle (92% consi- dèrent qu’un meilleur salaire est déterminant ou important et 77% s’agissant des nouvelles missions), les demandes de charge de travail plus raisonnable (77%, +5 points par rapport à 2022), d’engagement RSE plus marqué de la part de l’entreprise (59%, +8 points par rapport 2022), les possibilités plus grandes de télétravailler (56%, +9 points par rapport à 2022 et +5 points par rapport à la moyenne nationale) ou le fait de changer de manager (54%, +6 points par rapport à 2022) progressent significativement.
5. Comment s’informent les salariés sur leur évolution professionnelle ?
Comme partout en France, les salariés du Grand Est font appel à de multiples sources et sont 84% à se renseigner sur les moyens d’évoluer profes- sionnellement (+1 point par rapport à 2022), mais l’on note une baisse significative des sources « relationnelles » (employeurs, collègues, etc.) alors qu’en parallèle, la connaissance des dispositifs d’aide à l’évolution se stabilise dans l’ensemble. L’employeur demeure toutefois la source d’information la plus sollicitée : 31% des salariés y font appel (-4 points par rapport à 2022). 21% ques- tionnent également leurs collègues (-3 points par rapport à 2022) : une proportion identique à celle portant sur la consultation de sites Internet. 17% sollicitent leur entourage proche (-4 points par rapport à 2022), 15% l’application CPF (+3 points par rapport à 2022), 14% le délégué du personnel (+2 points par rapport à 2022) ou encore 13% les réseaux sociaux (-1 point par rapport à 2022). 11% se sont également tournés vers un conseiller en évolution professionnelle (+3 points par rapport à 2022). Des démarches qui sont moins souvent engagées par les salariés âgés de 40 ans et plus, les employés et les salariés du secteur du BTP, que par les autres catégories étudiées.
Dispositif démission/reconversion
En parallèle, 80% des salariés du Grand Est déclarent connaître précisément au moins un dispositif d’aide à l’évolution professionnelle (-1 point par rapport à 2022), et ils sont 53% à déclarer en connaître précisément au moins 3 (score en baisse de 2 points, mais après une augmentation de +12 points entre 2021 et 2022). Si ces indicateurs se stabilisent, l’évolution de la connaissance des dispositifs est hétérogène. D’un côté, la connaissance du dispositif démission-reconversion progresse grandement (54%, contre 41% en 2022, soit +13 points), et d’autres dispositifs enregistrent une légère progression : +2 points pour le Compte personnel de formation (92%), +2 points pour le Bilan de compétences (90%) et +3 points pour le Conseil en évolution pro- fessionnelle (57%).
D’un autre côté, le Projet de transition professionnelle (anciennement CPF de transition), connaît une baisse de 7 points, qui peut être due à ce changement de nom. Les dis- positifs les mieux connus par les salariés sont le CPF, le Bilan de compétences et la Validation des acquis de l’expérience ; le CléA fermant quant à lui la marche.