Pourquoi tant de haine contre l’Occident dans le monde ? Entretien avec Emmanuel Huyghues Despointes, auteur du livre « Les grandes dates de l’Occident » aux éditions Dualpha, 402 pages, 35 euros. (propos recueillis par Fabrice Dutilleul).
Quelles sont les grandes étapes de l’hégémonie de l’Occident ?
L’Occident a commencé son ascension à partir des Grandes Découvertes du XVe siècle, quand Henri Le Navigateur a lancé ses expéditions pour aller en Asie en contournant l’Afrique, ce qui a divisé le prix des épices par deux à Lisbonne par rapport à Venise, qui commence son déclin. Puis, Christophe Colomb, en découvrant l’Amérique, a mis cet immense continent sous contrôle occidental, anglo-saxon au nord, latin au sud. Enfin, grâce à Magellan, mandaté par Charles Quint, le Pacifique et les Philippines sont passés également sous contrôle occidental.
Cette ascension a continué sans interruption depuis : l’Occident a imposé son hégémonie en Inde à partir des années 1750 et dans le reste du monde, Afrique et Extrême-Orient, au XIXe siècle.
L’esprit scientifique
Quelles sont les racines de cette hégémonie ?
Tout d’abord, ces racines sont essentiellement scientifiques. Au VIe siècle avant J.-C., le monde connaît un séisme intellectuel quand plusieurs courants apparaissent dans le monde : en Orient, le confucianisme avec Confucius en Chine et le respect de l’autorité paternelle et des traditions ancestrales, le bouddhisme avec Bouddha en Inde et la philosophie du détachement du monde réel, le Zoroastrisme avec Zoroastre en Perse, et la lutte du Bien contre le Mal, et en Occident, l’esprit scientifique avec le théorème de Thalès en Grèce.
Ensuite mythologiques encore en Occident avec le mythe de Prométhée qui dérobe le feu à Zeus, pour le donner aux hommes ; la volonté de puissance en utilisant toutes les ressources de la science y est montrée.
Enfin, religieuse, grâce au christianisme qui se répand en Occident grâce à Saint Paul et qui est un appel pour tout homme à se dépasser.
Comment l’Occident va-t-il utiliser cet esprit scientifique pour établir son hégémonie ?
La première étape est dans l’invention de l’alphabet par les Phéniciens, au VIIIe siècle avant J.-C., qui est immédiatement adopté par les Grecs ; en effet, cet alphabet ne comporte que 24 lettres et cette innovation permet une assimilation des connaissances de façon plus facile que l’écriture cunéiforme qui est constituée de plusieurs centaines de signes pouvant avoir plusieurs valeurs ; l’alphabet sera utilisé par tous les savants grecs dans leurs découvertes.
Ainsi, les Grecs avaient évalué à quelques centaines de kilomètres près la circonférence de la Terre avec Ératosthène, inventé la géométrie avec Euclide et deviné la structure atomique de la matière avec Démocrite.
Un bouillonnement intellectuel aux 15ᵉ et 16ᵉ siècles
Ensuite, la constitution des universités, à partir de la renaissance des villes, en Italie (Bologne en 1088), puis à Paris en 1200 et dans toute l’Europe, au tournant du premier millénaire après J.-C. : cette institution, protégée par le pouvoir royal, a pour objet de concentrer tous les savoirs humains, de stimuler la recherche scientifique et de la diffuser à l’élite sociale.
Au moment de la Renaissance italienne, les familles patriciennes à Florence, Venise et Sienne envoyaient leurs enfants apprendre l’art de la dialectique à l’université pour pouvoir négocier avec les Orientaux.
Puis l’invention de l’imprimerie, toujours au XVe siècle, qui permet la diffusion des savoirs pour des couches sociales bien plus importantes que du temps de l’écriture manuscrite.
Enfin, cette accumulation de savoirs a provoqué un bouillonnement intellectuel au XVe siècle et au XVIe siècle et permis la révolution industrielle, grâce à la machine à vapeur et le métier à tisser, la révolution biochimique, grâce à la découverte des microbes et des antibiotiques, enfin, la révolution informatique et numérique.
Pourquoi tant de haine contre l’Occident dans le monde ?
Tout d’abord, un phénomène social et humain normal : toute hégémonie implique des dominants et des dominés, ce qui finit par générer une opposition de plus en plus forte.
Ensuite, les deux Guerres Mondiales au cours desquelles l’Occident a piétiné ses propres valeurs et organisé, comme l’a dit Raymond Aron, « l’assassinat industriel d’êtres humains », ce qui l’a fait douter de lui-même ;
Au cours de la IIe Guerre Mondiale, la chute de Singapour, un des piliers de l’Empire Britannique, pris facilement par les Japonais, qualifiés de petits hommes jaunes par les Anglo-saxons, en février 1942, a détruit le prestige de la Grande-Bretagne dans toute l’Asie, y compris au Moyen-Orient ; l’historien Benoist-Méchin avait prévu le réveil de l’Islam dès les années quarante. Quant à la France, elle subit la même humiliation en mai 1954 avec Dien-Bien-Phu ; Aït Ahmed décida de déclencher l’insurrection contre la France en Algérie à cette date.
Le wokisme, idéologie mortifère
Enfin, le phénomène du wokisme, idéologie mortifère qui profite de cet affaiblissement de prestige de l’Occident pour contester ses racines mêmes. Ainsi, toutes les minorités raciales qui vivent en Europe ou en Amérique du Nord se posent en victimes des offenses subies par leurs ancêtres à cause de l’esclavage ou du colonialisme, sans que les Occidentaux ne réagissent, pour l’instant.
Pour sortir de cette crise, l’Occident doit revenir vers le christianisme qui est au cœur de son identité pour réaffirmer fermement ses valeurs et sa confiance en son avenir.
Les grandes dates de l’Occident, Emmanuel Huyghues Despointes, éditions Dualpha, 402 pages, 35 euros.
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