Londres a approuvé ce vendredi 17 juin l’extradition de Julian Assange aux Etats-Unis, où il risque jusqu’à 175 ans de prison pour « conspiration » contre les intérêts américains. Cette décision est une faute grave contre la liberté d’informer et d’être informé.
La Secrétaire d’État à l’Intérieur du gouvernement britannique, Priti Patel, vient de signer le décret d’extradition de Julien Assange pour le remettre aux États-Unis. C’est une faute grave contre la liberté de la presse qui, historiquement, portera son nom à tout jamais.
Julian Assange, a révélé, il y a plus de dix ans, des crimes de guerre commis par l’armée américaine en Afghanistan et en Iraq. Ses informations ont été alors reprises par les médias du monde entier. Depuis, il est poursuivi, harcelé, torturé et contraint à la privation de ses libertés. Après huit ans d’asile, dans des conditions difficiles et sous espionnage, à l’Ambassade de l’Équateur à Londres, il est incarcéré à la prison britannique de Belmarsh depuis trois ans.
Des crimes de guerre
Le gouvernement américain l’accuse d’avoir encouragé la lanceuse d’alerte Chelsea Manning à s’introduire dans le système informatique du gouvernement en 2010 et à fournir des informations contenant des preuves évidentes de crimes de guerre, notamment la publication de la vidéo « Collateral murders ». Une vidéo publiée montrait, via une caméra embarquée sur un hélicoptère Apache américain en Irak, le tir délibéré contre des civils par l’armée américaine à Bagdad le 12 juillet 2007. Au moins 18 personnes ont été tuées dans cet épisode, dont deux journalistes de Reuters.
Il est depuis poursuivi par les États-Unis pour conspiration contre les intérêts américains et mise en danger de leurs intérêts. Pas moins de 18 chefs d’accusation sont retenus contre lui. Il risque jusqu’à 175 ans de prison. Chelsea Manning a, elle, été condamnée puis amnistiée par le Président Barack Obama. Elle est libre.
Détruire le fondateur de Wikileaks
Selon le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la torture, le Royaume-Uni et les États-Unis se sont concertés pour détruire publiquement le fondateur de Wikileaks et dissuader d’autres de dénoncer leurs crimes. Depuis, 2019, Nils Melzer, a entrepris d’examiner avec soin non seulement le traitement inique des tribunaux britanniques réservé à Julian Assange depuis cette douzaine d’années, mais aussi et surtout de vérifier si les procédures régulières de l’État de droit ont été respectées. Rassemblées dans un livre (*), il énumère et documente toutes les preuves de ses affirmations.
Selon Nils Melzer, l’objectif n’était pas d’accélérer les poursuites contre le journaliste australien, car il aurait fallu prouver que les accusations suédoises et américaines étaient fondées. L’absence de preuves aurait été trop visible. Il s’agissait plutôt de piéger Julian Assange dans un véritable labyrinthe de poursuites/non-poursuites tout en le maintenant en prison dans des conditions décrites comme « des tortures, attentatoires à la dignité de la personne ». Il s’agissait de le laisser pourrir pour qu’il soit oublié de toutes et tous et qu’ainsi son extradition passe quasiment inaperçue.
Un crime contre la liberté d’informer
Les Américains, le Président Joe Biden en tête, s’indignent avec force des crimes de guerre commis en Ukraine par les armées russes d’invasion et, dans le même temps, veulent anéantir et faire disparaitre un journaliste dont le seul tort est d’avoir exercé sa mission d’informer !
La signature britannique pour l’extradition de Julian Assange vers les États-Unis est un crime contre la liberté d’Informer et d’être informé. Le Syndicat national des journalistes (SNJ), premier et principal syndicat des journalistes français, en liaison avec la fédération internationale des journalistes (FIJ), soutient Julian Assange depuis toutes ses années et dénonce ces procédures émanant directement des raisons d’État. Il appelle toute la profession à se déclarer solidaire et à informer complètement sur la situation de leur confrère et les enjeux mondiaux pour tous les journalistes de ce qui se joue actuellement entre la Grande-Bretagne et les États-Unis.
Chaque journaliste doit se sentir concerné. Resterions-nous indifférents si de telles accusations étaient portées à l’encontre des consœurs et confrères qui permettent, au péril de leur vie, de documenter ce qui se passe aujourd’hui en Ukraine ou avant cela, en Syrie ?
Informer n’est ni un crime ni délit, mais un droit pour tous les citoyens!