« C’est un endroit formidable, tout prend vie pour le théâtre et les planches », constate l’acteur, qui joue dans le film de Johann Dionnet. Une enthousiasmante comédie, très romantique, qui se déroule pendant le fameux Festival. Interview de Baptiste Lecaplain lors de sa venue aux Rencontres du Cinéma de Gérardmer.

Grand Prix et coup de cœur du Festival de l’Alpe d’Huez, le premier long-métrage réalisé par l’acteur Johann Dionnet, « Avignon » (sortie le 18 juin), fut également le coup de cœur des Rencontres du Cinéma de Gérardmer, où Baptiste Lecaplain était venu le présenter en avant-première. Le comédien y incarne Stéphane, un intermittent du spectacle qui galère et reprend un rôle dans son ancienne compagnie, les Cannibales, dans « Ma sœur s’incruste », une comédie jouée au Festival d’Avignon.
Retrouvant sur place la charmante et souriante Fanny, comédienne et chanteuse jouée par Elisa Erka, Stéphane lui laisse croire qu’il joue Rodrigue dans « Le Cid ». Pour les beaux yeux de cette Chimène, le quiproquo devient un gros mensonge. Dans cette enthousiasmante comédie, Johann Dionnet a mis une partie de son vécu lors de plusieurs Festivals d’Avignon, une expérience dont il avait tiré un court-métrage « Je joue Rodrigue ».
« Le film parle de la place de la comédie »
Le réalisateur, qui joue également un comédien dans son film, a pu tourner quelques plans en juillet pendant le Festival d’Avignon, l’essentiel étant filmé en août dans les rues de la ville, les remparts, le Pont… reconstituant l’ambiance festivalière avec artistes à tous les coins de rue, affiches sur les murs, parades, distribution de tracts, soleil, chaleur… « Les troupes vont là-bas en espérant se faire remarquer », précise Baptiste Lecaplain, qui a lui aussi « fait » Avignon, « J’ai démarré par le one-man-show, j’ai appris en regardant les humoristes à la télé, je n’ai jamais pris de cours ».
« Le film parle de la place de la comédie », ajoute-t-il, et notamment de deux mondes qui se toisent, le théâtre classique et le populaire, le subventionné et le boulevard. « Faire un film sur le théâtre est un pari risqué, mais c’est avant tout une comédie romantique », ajoute Lecaplain, « J’ai beaucoup regardé les comédies romantiques quand j’étais adolescent, je trouve ça chouette, et je rêvais d’en faire une belle ».
« Je me rends compte que l’année de mes quarante ans est extraordinaire, elle est vraiment folle », confie Baptiste Lecaplain, qui était en tête d’affiche récemment de « Jamais sans mon psy » avec Christian Clavier, est au générique de « Bref 2 », a fait une folle tournée des Zénith avec Jérémy Ferrari et Arnaud Tsamère, a été complimenté par Jugnot à l’Alpe d’Huez, flatté d’être sollicité par Denis Podalydès… et bientôt sur vos écrans dans « Avignon ».

Baptiste Lecaplain : « J’ai toujours voulu faire des films »
L’originalité de ce film c’est notamment de montrer le Festival d’Avignon de l’intérieur ?
Baptiste Lecaplain : Oui, ça n’a pas été beaucoup fait, parce que c’est très compliqué de tourner pendant le Festival d’Avignon, même si beaucoup de gens le connaissent, peu y vont, ça reste un truc très boutique, très métier, ça a pu faire peur à pas mal de producteurs de cinéma. Paradoxalement, les gens du théâtre qui avaient accédé au cinéma n’avaient peut-être pas envie de raconter ça et de passer à autre chose. Il fallait un jeune réalisateur comme Johann Dionnet pour en parler, parce que lui l’a vécu de l’intérieur.
Il y évoque d’ailleurs l’éternelle concurrence entre le théâtre public et le théâtre privé…
Bien sûr, ça va même au-delà du théâtre, c’est la considération de la comédie populaire. Tous les ans ça revient aux Césars, est-ce que la comédie populaire est assez mise en avant et assez considérée… Il y a de ça aussi, c’est ce qu’a très bien réussi à faire Johann Dionnet à l’écriture, parce qu’il a participé au festival off d’Avignon mais il a fait aussi un peu du in, il a pu voir les deux côtés du festival. Et mine de rien, on reste des comédiens qui faisons Avignon, on est logés à la même enseigne, c’est deux mondes extrêmement proches.
« Je me suis retrouvé dans le scénario »
C’est une différence que l’on sent aussi au cinéma quand on vient du one-man-show ?
Je ne l’ai pas vécu personnellement, mais je sais que des copains humoristes ont pu avoir des remarques lorsqu’ils sont arrivés sur des films, où on leur demandait ce qu’ils venaient faire au cinéma. C’est plus de la défiance de la part de gens qui ne sont pas forcément sensibles à ce qu’on peut faire sur scène, ce sont des gens qui ne se connaissent pas, une fois qu’on se rencontre on est des comédiens, tout le monde vient du théâtre, du Conservatoire, d’une troupe d’improvisation, d’une troupe amateur, ou du one-man-show… on est obligé de taper des planches.

Comme on le voit dans le film, comédien c’est une profession de menteur, c’est un interdit d’utiliser son talent dans la vie privée ?
Je ne sais pas si c’est un interdit, je ne pense pas. Je suis très différent du personnage public, quand j’arrive à la maison, je n’ai pas envie de faire des blagues parce que je suis fatigué. Le scénario m’a rappelé les longues marches que j’ai pu faire ado, j’étais triste, mélancolique, parce que je n’étais pas aimé de mes amoureuses, frustré de ma condition de collégien, ou parce que je ne savais pas quoi faire de ma vie ; toutes ces heures passées à marcher tout seul, j’ai essayé de les retranscrire et de les ramener dans le film. C’est pour ça que ça m’a tout de suite parlé, on a tous quelque chose à voir avec les personnages, c’est un acteur qui doute et même si on a des carrières qui marchent plutôt bien, on est tout le temps en train de douter, de se remettre en question. Je me suis retrouvé à plein d’endroits dans ce scénario, des films j’ai toujours voulu en faire, quand j’ai démarré comme humoriste des castings j’en ai ratés, des rôles j’en ai ratés, je n’ai pas tourné pendant longtemps, mais vous espérez toujours séduire un réalisateur, une réalisatrice, arriver à le convaincre, je me suis retrouvé plein de fois dans la situation de Stéphane et je me retrouverai certainement dans cette position.
« Avignon, c’est un endroit formidable »
L’année où vous aviez joué au Festival d’Avignon pour la première fois, ça avait changé quelque chose dans votre carrière ?
Avignon, je le voyais comme un exercice de travail, ça me permettait de jouer tous les jours, et de faire progresser mon one-man-show très vite. Pour travailler, c’est formidable, tous les jours je ne pensais à rien d’autre, j’écrivais mes blagues, je les jouais, je les corrigeais, je ne faisais que ça, c’était trop bien. Avignon, c’est un endroit formidable, on joue dans des églises, des fonds de garage, des appartements… tout prend vie pour le théâtre et les planches. Je l’ai vécu en tant que privilégié grâce à mon producteur Thierry Suc qui m’a mis dans des conditions incroyables, mais j’ai pu voir ce que c’était que la galère des comédiens, épuisés de fatigue, rouges à cause du soleil, l’inventivité dans la galère. C’est l’humilité à chaque coin de rue, vous ne pouvez pas y fanfaronner, Avignon vous apprend ça.
Au cinéma, on vous a aussi vu dans 400 salles où était retransmis en direct depuis Paris le spectacle de votre tournée avec Arnaud Tsamère et Jérémy Ferrari…
C’est un truc assez fou, c’est une idée de Jérémy Ferrari, qui avait fait ça pour son précédent spectacle ; ce qui est fou, c’est de se dire qu’en une séance on va faire plus d’entrées que j’ai fait sur deux films, c’est assez prodigieux. On avait surtout envie de le faire, pas pour la performance, le record ou l’aspect financier, mais parce qu’énormément de gens ne parvenaient pas à avoir de billet pour la tournée et on ne pouvait plus rajouter de dates. Au début, on devait en faire trente ou quarante, et on en fait plus de quatre-vingts, on a même doublé des jours à Paris, comme ‘’Le Roi Lion’’.
Propos recueillis par Patrick TARDIT
« Avignon », un film de Johann Dionnet, avec Baptiste Lecaplain (sortie le 18 juin).