Voici la lettre que notre planète la terre, Gaïa chez les Grecs, considérée comme un être vivant, écrit en réponse à celle qu’elle a reçue récemment d’une autre planète de l’univers.
Par Gilles Voydeville
Cher lecteur,
Cette autre planète, dénommée Kepler 452b par la NASA, tourne dans la constellation du Cygne à 1400 années lumières d’ici. Elle y a été découverte en 2015 par le satellite observatoire Kepler. Elle a la particularité de posséder des similitudes avec notre Gaïa par sa taille, sa masse, son âge (plus vieille de seulement 1,5 milliards d’années) et par son orbite autour de son soleil. D’après la communauté scientifique, elle pourrait être habitée.
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De Gaïa
3, ronde du Soleil
Superamas de la Vierge
Lanikéa, Voie Lactée
à
Aurore Kepler
452b
Constellation du Cygne
Ma chère Aurore,
J’ai bien reçu ta lettre qui répondait si vite à ma précédente. C’est pourquoi je m’empresse de faire de même. Ta missive m’a fait chaud au cœur – mon petit être charmant dirait qu’il n’est pas le seul à élever ma température – car je n’ai pas d’autre soutien que toi. Mes proches voisines n’ont pas les mêmes sujets d’inquiétude et donc ne me comprennent guère.
Mars, elle, ne s’est pas ennuyée à faire des rejetons. Elle possède pourtant un peu d’eau glacée et sa température pourrait y favoriser une forme de vie. Mais elle n’y est pas favorable et s’agace d’être espionnée par des véhicules que mon petit être charmant n’a pas manqué de lui envoyer. Elle a raison car je sais qu’il a projeté d’y faire une colonie pour me décharger un peu – je ne crois pas que ce soit la vraie raison – ou pour me remplacer au cas où je ne devienne stérile du fait de mes caprices ou de ses expériences dangereuses.
Quant à Vénus, si nous sommes de la même taille, elle a toujours été frileuse et s’est entourée d’un tel manteau qu’il y fait plus que chaud – à la surface de son écorce la chaleur est de quatre fois celle qui m’est nécessaire pour faire bouillir de l’eau. La pression de son manteau y est quatre-vingt-dix fois celle de mon air marin qui sent si bon l’iode et caresse de sa brise.
Vénus ne risque donc pas d’abriter de nombreuses créatures, excepté des spores thermophiles ou des salamandres mutées avec des chromosomes en amiante.
Quant à mon époux Uranus nous ne nous voyons plus depuis que Chronos le dernier de mes titans l’a châtré.
Couronnés de diadèmes
Bon, j’en reviens à ton soutien. Pour amoindrir mon petit humanoïde que j’appelais à ses débuts mon petit être charmant, tu me félicites d’avoir su me faire épauler par une nuée de microbes couronnés de diadèmes. J’en suis fort aise car ce microbe est vaillant et, qui plus est, il est fort mignon. Et quand il se déplace dans mon air, il y fait des arcs dorés qui sont du plus bel effet dans un spectre inconnu pour l’œil de Charmant qui ne le voit pas et donc le respire en toute innocence. Charmant a tant multiplié les provocations en outrepassant les limites que je lui avais tacitement fixées, qu’il méritait bien cette punition. Et cette punition – ça y est, la plupart d’entre les siens a compris qu’elle n’était pas une vengeance de leurs fameuses créatures divines – il essaye de l’éviter en se cachant, en se terrant, pourrais-je dire, en se confinant, dit-il.
Aurore si tu savais combien j’attendais ce jour !
Comme Charmant a déserté mes campagnes et mes forêts toute ma nature redevient merveilleuse. Aux Amériques, les fleurs des magnolias refusent de tomber. Au pied du Mont Fuji, les cerisiers engendrent des brassées de coraux d’un rose plus tendre encore que celui des trémières. Sur la côte levantine, les cèdres odorent d’encens et les daims anémophiles s’y promènent pour humer leurs senteurs. Sur la péninsule italienne, les cochons se roulent au pied des chênes sans la crainte du fusil. Quand le jour tombe à l’orée des bois de la fière Albion, les biches trottinent et broutent paisiblement avec leurs faons. Le pivert pique, la mésange fait des trilles et le rossignol entonne des concerts sylvestres.
Puisque Charmant a arrêté ses machines fumantes – que tes ovoïdes t’ont épargnée – l’air de ses villes a retrouvé la fraicheur des lilas et l’odeur des glycines. L’air est si pur que ma nature n’est plus masquée par ce qu’il appelle la pollution, trace nébuleuse de la souillure de ses turpitudes. Les aigles voient les Alpes en même temps que les Carpates. Du sommet de mes monts, les bouquetins, les chamois, les panthères des neiges peuvent embrasser de leur regard l’immensité de mon œuvre.
Seule la rondeur de mes formes limite l’étendue de leur surprise.
Le silence est d’or, a écrit l’un des poètes de Charmant – un être vraiment charmant celui-là, égaré par sa sensibilité parmi les siens. Comme il dit vrai, tu peux imaginer qu’un nouveau monde m’est apparu, couvert d’une feuille d’or ciselée de mille manières pour revêtir mes tranquilles beautés. S’il y a bien une chose que je ne pouvais plus écouter, c’était bien le silence. À nouveau je jouis de l’inaudible, de la volupté du calme. Ces dernières lunes furent pour moi celles d’un repos sidéral.
De ce fait, durant le jour on pourrait penser que mes milliards de petits Charmants se recueillent ou méditent sur leurs méfaits ; la nuit qu’ils agonisent ou sont trépassés. Quand mon maître le Soleil est au zénith, seul le cœur des cités bat encore d’un faible pouls, et la nuit à l’heure des matines, seuls bruissent les feulements d’ailes des grands ducs. Au point que je m’inquiète parfois de savoir si mes microbes n’ont point trop décimé quantité de Charmants.
Le bruit est une plaie
Aurore, toi tu as été plus avisée ou simplement plus heureuse que moi avec tes ovoïdes ! Rien que le fait qu’ils n’aient pas fabriqué de véhicules, est un bonheur que tu ne peux concevoir. Le bruit est un gong qui agace, crispe, tape, vrille, perfore, assomme, annihile, le bruit est une plaie qui suinte, lance, s’enflamme, s’infeste, le bruit est une torture qui tord, pique, coupe, ampute chaque être sensible qui le subit. Et par le malheur de ma rotondité, quand mes petits êtres charmants vont se reposer au Couchant, leurs frères du Levant se réveillent et entonnent des ordres, démarrent leurs machines à roue et allument leurs écrans qui martèlent et occupent constamment un espace que j’avais fait serein, propice à la méditation, à la contemplation de mes délicates compositions d’échassiers pêchant dans les joncs des étangs, des truites remontant les joyeux ruisseaux et des brocarts sautillants dans les clairières.
Ma chère Aurore, je me perds à t’expliquer les raisons de ma révolte, mais revenons à ma manière qui doit te choquer par sa brutalité. Elle est maligne, je le sais, mais Charmant ne veut jamais rien comprendre et il l’a donc bien méritée. Si je souhaite l’amoindrir, je ne souhaite pas le tuer. Je sais qu’à la fin il va s’en remettre. Enfin, je l’espère, car sans lui, l’ennui me guetterait. En fait, je suis dans l’incertitude car mes microbes me tiennent dans l’ignorance de leurs effets. D’habitude, ils ne m’expliquent comment ils opèrent et quel est leur dessein. Toutefois je sais qu’ils préserveront une bonne partie de mes Charmants car ils en auront besoin pour leur prochaine invasion. Charmant est leur meilleur vecteur car il se mélange tout le temps et traverse mes terres et mes airs avec une telle vélocité qu’il n’a pas son pareil pour augmenter leur aire de jouissance. Auparavant, il n’y a pas plus de trois ou quatre cents cycles autour de mon Soleil, mes microbes mettaient vingt, voire trente cycles pour se propager et se répandre sur seulement le quart de mon écorce. Maintenant en trois lunes, tout est fait, tout est contaminé.
Les aéronefs, nouveaux véhicules de mes Charmants, n’y sont pas étrangers.
Ils s’y entassent les uns sur les autres, s’y soufflent au plus court sur le nez, s’y postillonnent au visage avec application et s’y soulagent à répétition de leurs vents. Tout cela permet à mes Couronnés de se répandre et d’étendre leur habitat avec une facilité qui au début, m’ont-ils dit, les a plus que surpris. Ils n’en croyaient pas leurs membranes de sentir tant de muqueuses s’offrir si gentiment à leur ardeur. Un régal, une aubaine. D’ailleurs ces petits amours de Couronnés arborent un sourire permanent.
Les écailles de pangolin
J’ai constaté que l’impudence de Charmant ne s’arrêtait pas seulement à sa façon de voyager. Sa vergogne lui fait croire qu’il a des droits, surtout celui de supprimer d’autres êtres que j’ai pourtant pris le soin d’élever. Charmant se croit tout puissant et se permet toute sorte de caprices et de fantaisies. C’est aussi sa faiblesse car je l’ai feinté grâce à cet irrespect de – dixit Charmant – la biodiversité. Comme tu le sais, j’élève mes microbes dans le giron de créatures mi- terriennes, mi- célestes, les chiroptères qui les abritent sans dommage ni pour eux ni pour elles. Au lieu de se méfier, Charmant l’invincible se permet de les chasser et de s’en nourrir. Il suffit de quelques jolis murins aux ailes craquantes pour infester son assiette.
Dans le cas présent mon Couronné s’est servi des crocs de mes pipistrelles pour abuser Charmant sans qu’il le sache.
Voilà, je dois te dire que le mâle Charmant craint toujours pour son érection, un gonflement sporadique du petit tube entre ses cuisses qui lui permet de déposer sa semence dans sa femelle. Tes ovoïdes n’ont pas ces problèmes : eux se sautent dans le sac alors que Charmant doit agrandir de son tube pour féconder Charmante. Quand Charmant est jeune, tout va bien, mais comme Charmant veut toujours être jeune, il doit trouver la façon de le rester. Et là, je l’ai bluffé. Pour obtenir une belle tumescence quand nombre de ses printemps ont déjà passé, je sais qu’il utilise les écailles d’un de mes petits mammifères, le pangolin. J’ai donc ordonné à mes murins d’aller sucer quelques pangolins pour que mon Couronné puisse s’y abriter. Et quand Charmant a voulu se raffermir, il a été doublement puni. Il est tombé malade et l’effet de mon mignon Couronné l’a privé de sa jouissance alors qu’il avait dépensé le prix de l’or (c’est son étalon, comme toi, la bille de nacre) pour l’acquérir.
N’oublions pas un autre gros défaut de Charmant, le mensonge. Au lieu d’avouer qu’il avait été contaminé par ces écailles qui lui avaient auparavant valu les compliments de Charmante, fier comme un paon et menteur comme goupil, il a nié avoir eu recours à cet artifice qui le grandissait doublement. Ainsi ses crédules frères ont-ils continué à se gaver d’écailles pour créer l’ébahissement des autres Charmantes qui ne voulaient pas rester sur leur faim.
Ainsi se répandirent mes Couronnés.
Mais ma punition, je l’avoue, a été un peu injuste. Car elle a fait crever non pas ceux qui profitaient des écailles, mais les plus vieux qui n’en usaient plus par décence ou par désintérêt. De ce fait, Charmant y a souvent perdu ses vieux parents. Mais pas ses enfants. La cruauté de mes Couronnés a été mesurée. Et Charmant se demande encore pourquoi ? En fait mon Couronné a usé de son expérience et, après que j’aie insisté, m’en a expliqué les raisons.
Avec le temps, il a appris que la flore des intestins des vieux Charmants n’a plus beaucoup de petits champignons adorables et laiteux qu’on nomme les lactobacilles, mais qu’il y héberge beaucoup de vieilles bactéries tordues, jaunes et chauves, les prévotelles. C’est exactement l’inverse pour les jeunes Charmants. Mon Couronné est malin. Sur notre planète, on dirait qu’il ne veut pas tuer la poule aux œufs d’or – un animalcule qui chez toi chierait de la nacre. Mon Couronné n’aime pas les lactobacilles, mais il adore les prévotelles qu’il utilise pour se cacher quand notre Charmant lui envoie ses défenses. Ainsi quand on le cherche, il n’est pas là. On le croit disparu et vaincu. Il attend son heure et hop, il sort de ses caches et déclenche des orages chez son hôte quand il s’y attend le moins. Et ses amies les prévotelles deviennent elles-mêmes virulentes et attaquent les poumons de Charmant. Charmant meurt mais pas mon Couronné, qui vit longtemps dans ses étrons.
Deuxième vague
Tout cela n’a qu’un but : épargner les enfants de Charmant pour qu’ils puissent vieillir et satisfaire à leur tour l’appétit de mon Couronné ou de ses descendants. Il gère le bougre. Et le mensonge à nouveau lui vient en aide. Les Charmants qui ont usé du pangolin et répandu leur mal, claironnent qu’ils ont vaincu l’invasion des Couronnés et triomphent au lieu de se taire. On veut les croire, même si les autres Charmants se méfient des premiers qui sont réputés trop charmants, c’est à dire souriants et trompeurs. Cela permet à mon Couronné de préparer une deuxième vague d’attaque qui est en cours.
Vaincu mon Couronné le sera, je le sais.
Mais avant cela, je voudrais surtout que Charmant comprenne mon message. Il y a deux ou trois millions de cycles, Charmant – que j’appelais alors mon petit être charmant par amour et pas encore par dérision, quand il vivait au bord de mes failles, se baignait dans l’eau de mes roches, parcourrait de ses longues jambes ma savane et y cueillait mes fruits délicieux – me semblait intelligent, joueur et généreux. Je me suis trompée sur lui, car être intelligent veut dire regarder, écouter, sentir pour enfin analyser et pouvoir s’adapter. Maintenant, Charmant ne manifeste plus aucun de ces comportements, sauf celui d’analyser qu’il utilise à des fins bizarres. Il faut qu’il change, qu’il retrouve sa nature joueuse et drôle, son amour des autres et de sa terre. Il doit comprendre ce que je lui réserve s’il persévère dans son erreur.
Revenons à sa récente stratégie de défense. Pour mon plus grand bien, il se terre, il se confine. Mais le résultat qu’il en attendait n’est pas là, car semaine après semaine, il meurt encore beaucoup de vieux Charmants. Dans son choix de faire vivre ensemble les familles, il a enfermé ceux qui étaient infectés et ceux qui ne l’étaient pas. Il n’est pas facile de lutter contre mon Couronné. Mais Charmant a fait pire, il a fermé les portes des asiles où il entasse ses vieux parents et leur a interdit l’hôpital. Dès que l’un succombait, les autres l’odoraient et puis tombaient comme tombent les abeilles qui butinent les pollens viciés par ces pestes d’engrais.
Il ne faut pas être pauvre sur Gaïa
Mais toi ma chère Aurore, je me demande encore comment as-tu pu stériliser tes pouloïdes qui nourrissaient tes petits ovoïdes ? Avec ton herbe dormitive, tu les as d’abord privés de la joie d’enfanter puis de celle de nourrir des millions de petits ovoïdes ? Et ces derniers sont si doux que cela a dû te glacer d’horreur. Certes tu ne les as pas tués directement comme mes Couronnés l’ont fait, mais tu les as affamés !
Laisser mourir de faim des êtres sensibles est très courant chez moi, sur ma terre. Il suffit de quelques mauvaises récoltes. L’histoire est toujours la même, la rareté des denrées fait monter les prix et seuls les riches peuvent se les payer. Il ne faut pas être pauvre sur Gaïa.
Mais chez toi où tout le monde est si calme et si prévenant, provoquer une famine ne doit pas être aisé ! Tu as dû passer de bien tristes moments quand tu l’as décidé et quand tu leur as fait subir cette nécessité. Je suis certaine que tu me répondras qu’ils t’ont aidée, que certains ont cessé d’eux même de s’alimenter et que d’autres se sont fait découper la coquille en offrant leur blanc en pâture à leurs semblables. Comme tu as de la chance d’avoir des habitants coopératifs ! Ça n’est pas mon cas.
Un dénommé Pascal
Pour mes prochains jours, j’ai des craintes. Il semblerait que Charmant va sortir de son confinement malgré la douceur du climat que je lui avais octroyée pour cette saison par pure mansuétude. Pourtant l’un de ses sages, un dénommé Pascal qui a vécu il y a environ trois cents cycles, avait bien expliqué que le malheur de Charmant venait du fait qu’il ne savait pas rester dans sa chambre. La vraie question aujourd’hui serait de savoir si Charmant a été heureux en y restant ? J’en doute car, quelques soient les événements ou aventures qui lui arrivent, il se plaint. Sa nature est ainsi faite. Est-ce la notion qu’il a de sa finitude qui lui embrume la pensée d’une éternelle mélancolie ? Moi, je suis très satisfaite de savoir que je vais m’arrêter de tourner un jour, quand mon Soleil cessera de briller. Quand il deviendra une géante rouge, je me fondrai à lui avec un immense soulagement.
Mes angoisses partiront avec moi.
Ce qui me réjouit sans doute aussi, c’est de savoir qu’avant de partir, j’aurais un ou deux milliards de cycles à faire sans Charmant. Il aura disparu avant moi, par évaporation de l’eau…
J’ai peu d’espoir que mon Couronné puisse reprendre le dessus. Quand il se sent menacé, Charmant est tenace, opiniâtre et sérieux. Je crains qu’il ne gagne encore ce combat comme il l’a souvent prouvé. Tu sais sans doute que je possède cinq continents.
En Australie qui est une île et un continent à la fois, trente cycles ont déjà passé qu’un proche de mon Couronné, Hendra, usa des pipistrelles pour mordre le cou des chevaux sauvages qui galopaient dans le bush. Mais il ne tarda pas à disparaître après seulement quelques victimes.
En Asie, il y a moins de 20 cycles, l’un des cousins de mon Couronné dit le SRAS, avait fait un beau parcours. Il avait incité la souris volante aux blanches canines, son hôtesse qui l’héberge avec abnégation depuis si longtemps, à saigner des civettes, sorte de petit chat musqué à l’odeur putride mais dont Charmant raffole. Eh bien le cousin s’était fait repérer et ne fut pas assez communicatif pour se répandre vite. Ce qui fait qu’il est resté en Asie.
Peu après un autre cousin de mon Couronné appelé le MERS, usa pour se répandre des succions de belles rhinolophes sur les jugulaires des dromadaires ; mais son succès n’eut qu’un temps.
En Afrique, j’avais fait émerger une merveilleuse Filoviride, que j’avais fait naître sur les berges de la rivière Ébola en faisant mordre de petits singes par ma roussette au poil ardent. Elle donnait des fièvres transcendantes et des diarrhées ô combien sanglantes : et bien Charmant me l’a piégée par un vaccin.
En Europe et en Amérique, j’espère que mes microbes auront plus de succès qu’ils n’en ont rencontré auparavant. Mais j’ai des doutes. Je digresse sur mes histoires de microbes pour recueillir tes suggestions.
Un silence abyssal
J’en reviens à ces trois merveilleuses lunes que je viens de passer. J’y ai tourné dans un silence abyssal que je pourrais comparer à l’Éther de mon père, qu’il m’a dit être avant ma naissance. Je me suis mise à rêver à d’autres choses comme d’être admirée tel mon petit-fils Jupiter, majestueusement enroulée dans des bandes nuageuses diaprées de mille couleurs, laissant l’univers se poser des questions sur la blancheur de mes pôles comme on le fait sur la rougeur de sa tâche. Ah ! Laisse-moi croire encore un peu à la prolongation d’une ou deux lunes de paix, de miel et de repos. À la sérénité de mon climat, à la régulation de mes chaleurs, à de longs cycles de béatitude autour de mon astre adoré.
Mais avec ce déconfinement, je crains de plutôt subir les ellipses des nuages de pollution et d’être plongée dans la noirceur de ces nuits en plein jour. Mes animaux sauvages ne le savent pas encore mais leurs jeux, vagabondages, cabrioles, parades, brames, seront bientôt à nouveau soumis au bon vouloir de Charmant. Finis les tranquilles pâturages, les roulades dans les bauges, les entrechocs des trophées à l’orée des forêts, les accouplements sous les graciles frondaisons et les courses folles au fond des vallons.
Ma chère Aurore, j’en ai fini pour ce jour. Je te souhaite, astre somptueux et fière ambassadrice du Cygne Blanc dont le chant merveilleux est un digne hommage à ta beauté, de tourner dans le temps serein de ta constellation et la paix sidérale de notre Univers.
Ta Gaïa
Lettre d’Aurore Kleper 452B à Gaïa (conte poétique d’actualité -1- )
Lettre de Gaïa à Aurore Kepler 452B (conte poétique d’actualité – 2- )
Lettre de Gaïa à Aurore Kepler 452B (conte poétique d’actualité – 3- )
Réponse d’Aurore Kepler 452 B à Gaïa (conte poétique d’actualité -4- )