Aurore Kepler 452 B répond immédiatement à la lettre de Gaïa reçue le jour-même, où il est question de ce petit être cha
Par Gilles Voydeville
Voici la supposée lettre qu’une planète de notre Voie Lactée, dénommée Kepler 452b pourrait, en réponse à sa précédente missive, adresser à notre terre Gaïa, fille d’Éther et d’Hemera.
Cette planète Kepler 452b se situe dans la constellation du Cygne à 1400 années lumières de la nôtre.
Elle y a été découverte en 2015 par le satellite observatoire Kepler.
Par les similitudes qu’elle présente – taille, âge, orbite, distance de son soleil – avec notre Gaïa, Kepler 452b aurait la particularité de pouvoir être habitée. Les Grecs considéraient Gaïa comme un ensemble vivant.
de Aurore Kepler
452b
Constellation du Cygne
Bras d’Orion
Voie Lactée
Superamas de la Vierge
à Gaïa
3 Ronde du Soleil
Bras d’Orion
Voie Lactée
Superamas de la Vierge
Ma très chère Gaïa,
Comme je suis ravie de recevoir à nouveau de tes nouvelles. Même si j’ai un peu honte de ne t’avoir pas assez vite répondu et que tu dusses te fendre d’une seconde missive pour obtenir celle-ci.
Je suis assez troublée car je te sens très inquiète pour ton avenir. Tu ne l’as jamais autant été. Je ne peux mettre cela sur le compte de ton âge car tu es encore bien jeune – en tous cas je suis ton ainée d’un milliard et demi de tes cycles. Je vais tenter de te rassurer.
Ton petit humanoïde que nous appelons maintenant Charmant n’est pas encore sur la voie de la sagesse mais le pire n’est jamais certain avec des êtres intelligents. C’est une qualité qu’on peut lui attribuer au vu de sa domination sur le reste de tes êtres. Charmant vient donc de démontrer des signes de raison en se retirant dans ses demeures. D’accord, tu lui as fait peur ! Mais il a prouvé qu’il pouvait se contraindre en cas de nécessité ultime. Il n’est pas raisonnable, mais il est craintif. Il va falloir que tu en joues. Je sais qu’il a du mal à comprendre que tu n’es pas au dessus des lois de la physique et que tu as des limites. Le vrai problème est qu’il te croit invulnérable. Tu es si bonne mère que tu lui as tout donné sans compter. Il croit donc que tes réserves sont infinies et qu’il peut en abuser.
Les limites à ne pas dépasser
Sans vouloir t’offenser, il s’agit quand même d’un petit problème d’éducation. Si tu lui avais manifesté du ressentiment dès ses premières incartades, il saurait que tu peux te fâcher. C’est encore un enfant et comme tous les enfants il agira jusqu’à ce que tu l’arrêtes. C’est à toi de lui monter les limites qu’il ne doit pas dépasser. Car lui essayera toujours d’en faire un peu plus. Il n’a pas la bonne notion du danger. Il pense même que tu lui diras quand il faudra s’arrêter.
Il aime les petits pas en avant, mais il ne sait pas que l’ultime le projettera dans l’abîme sidéral.
Essaye de te souvenir de sa première incartade, des conditions dans lesquelles elle s’est faite, et de ta réaction. Ainsi tu pourrais lui rappeler depuis quand il exagère. Et lui dire que tu es coresponsable et regrettes de l’avoir laissé agir à sa façon sans lui avoir expliqué qu’il te mettait en danger. De cette manière vous partagerez la responsabilité de son dévoiement et il te sera moins opposé.
J’essaie de me souvenir pour toi.
Tu m’écrivais qu’il y a environ cent cinquante cycles autour de ton astre, tu l’avais vu construire de grandes maisons avec des toitures bizarres. Et que ces maisons étaient gardées par de hautes cheminées pour faire de grands feux. Et que ces cheminées crachaient des fumées toutes noires et puantes. N’était-ce pas le début de ses bêtises ?
Si tu avais secoué ton écorce à cette époque, tu aurais fait tomber les cheminées et il aurait compris que cela ne te convenait pas du tout.
Quand il fit, comme tes adorables petits rongeurs à large queue, des barrières sur les cours d’eau, tu aurais pu le dorloter par une vie sans nuage, mais qui fatalement aurait abouti à une sécheresse qui aurait tari tes fleuves. Il n’aurait peut-être pas insister pour user de la force de l’eau pour produire l’énergie dont il a tant besoin pour te polluer.
Quand il a commencé à voler de ses propres ailes et qu’avec une frêle machine l’un d’entre eux a traversé l’un de tes grands océans, tu aurais dû déchainer tes foudres pour que son aéronef n’arrivât point et qu’il redoutât encore de braver et l’air et l’eau. Maintenant qu’il sillonne tes airs comme les charrues tes longues plaines, d’un côté rejetant du carbone et d’un autre empestant ta terre, tu sais que tu as failli dans son éducation.
Champignon géant
Quand il a joué avec les atomes et créé ce maudit champignon géant, tu aurais dû te fendre d’une crevasse abyssale engloutissant un continent grand comme une Atlantide, afin qu’un mystère terrible planât pour longtemps sur l’usage dévoyé de ta matière. Une légende serait née, cachée dans les fumeroles de ta volonté, assourdissant silence de ton insondable vengeance, horrible témoin de ta puissance colossale, fosse ahurissante pour ensevelir sa prétention ancestrale à vouloir tout régenter.
Vois-tu, j’ai eu plus de chance avec les inventions de mon ovoïde. J’adore sa façon de se téléporter. Pas de sillon céleste, pas de fumée blanche, pas de vrombissement inopportun, pas d’immense hangar où erre une gent hébétée en quête de l’illusion d’un bonheur que devrait lui apporter ses aéronefs. Mon ciel est désert et l’on peut discerner mes montagnes de si loin que l’on les croit toujours plus proches qu’elles ne le sont.
Quant à la nourriture de mes Ovoïdes, comme tu le sais, ils boivent le lait de mes pouloïdes qui sont herbivores et que je régule par le sommeil. Il n’existe pas d’engrais sur mon sol : les herbes poussent et s’il en manque, il n’est venu à l’idée de personne d’en faire pousser avec des artifices. Si fait que ma terre ne recèle aucun poison, l’eau de mes fleuves est transparente comme celle de tes torrents printaniers et mon oxygène pur comme un rayon cosmique.
Récemment, il faut dire que j’ai bénéficié de la collision de deux petites galaxies dans le voisinage du Nuage de Magellan. Elles ont fait naître une planète géante, immense bleuité aux confins du visible. Elle a généré tant d’oxygène que mon atmosphère en a été revigorée comme jamais. Je ne sais si cet oxygène est parvenu jusqu’à toi, mais chez moi il y en a tellement que mes volatiles, à voler dans un air plus lucide qu’un cristal de roche, se grisent par la vitesse de fabuleux piqués imitant la chute des météorites, s’étourdissent en se redressant par des arabesques défiant ma gravité et puis planent au firmament de mes horizons comme des sages en voile blanc. Ceux là chantent et piaillent leur joie et j’ai l’impression qu’ils règnent sur mon ciel comme certains de tes fils sur l’empyrée de tes sphères.
Diaphanes zébrures
Malgré ta pollution, ne crains pas trop pour ton oxygène, car je sais que la galaxie d’Andromède se rapproche de notre Voie Lactée et que cela produira sans aucun doute quelques collisions assez proches qui oxygéneront nos atmosphères. Mais je crains toujours que derrière ces apparents cadeaux, ne se cachent les folies d’Éther notre père, fils des Ténèbres et de la Nuit, dont l’effet inattendu peut engendrer des merveilles comme des désastres.
Au fait, as-tu observé récemment la formation d’une supernova d’un bleu céleste traversé de diaphanes zébrures, cernée d’une robe écarlate et de joyaux rubiconds ? Elle n’est pas tout à fait aussi belle que la Nébuleuse du Crabe que tes savants Chinois ont observée il y a près de mille de tes cycles, mais je sais par expérience qu’une telle déflagration est porteuse de tant d’oxygène, de fer, de soufre et de néon qu’elle va ensemencer mon air et peut-être permettre encore quelques naissances inattendues. Heureusement qu’elle était assez éloignée car sa lumière était de quelques milliards de fois celle de ton astre solaire !
A chaque fois que je vois une implosion d’astre dans le lointain Univers, je suis partagée entre la crainte d’être emportée par un souffle infini et le plaisir d’être ensemencée par des nuées d’atomes qui me généreront des espèces nouvelles. Je les espère toujours douces, caressantes, veloutées, chantantes et virevoltantes, attentives à ma vieillesse. Peut-être sauront-elles, quand je disparaîtrai, essaimer au loin pour rapporter l’histoire de ma bienveillance, de ma bonté, conter ma geste et mon passé, et me combler d’une légende planétaire qui voyagera avec la lumière sur l’éternelle étendue des milliards de nos sœurs les planètes et de leurs astres rayonnants.
De poudreux pollens
Le problème des nouvelles espèces est que si elles naissent trop aimables, elles se font dévorer par les autres déjà sur place. Même si chez moi la lutte est moindre car peu de mes créatures sont carnivores. Ce sont plutôt mes plantes qui souffrent d’extinction car la plupart de mes créatures mobiles sont herbivores. Mes plantes ont dû inventer des tas de systèmes pour survivre. Le camouflage, l’odeur pestilentielle, les feuilles urticariantes, les sucs empoisonnés et la chair tueuse. J’en ai même qui sont devenues carnivores et se referment sur les six cents ailes de mes moucherons naïfs qui se laissent séduire par de poudreux pollens qui ne sont que des leurres.
Ah ! Ce que j’aimerais te présenter quelques habitants de mon écorce. Ils sont si mignons que tu craquerais et pourrais peut-être en recueillir quelques uns pour qu’ils initient ton Charmant à la téléportation. Je ne sais pas s’ils peuvent se téléporter jusqu’à toi mais je sais que les tiens, même avec un engin spatial naviguant à 60 000 kilomètres par heure, mettraient 25 millions de tes cycles avant de m’atteindre. La communication entre nous deux n’est pas aisée. S’il n’y avait ces rayons supra cosmiques pour correspondre, nous ne pourrions que nous regarder et encore seulement à travers ces télescopes que tes Charmants ont envoyé aux limites de ton système solaire ou des capteurs anaérobiques que les miens ont créés.
Un vaccin
Au fait, je ne sais si tes Charmants ont réussi a inventé un vaccin contre ton Couronné, mais je te raconte mon histoire. Tu transmettras mes indications à tes Charmants en fonction de leur sagesse. Ici sur Kepler 452b, il y a donc quelques cycles mes Ovoïdes ont subi une invasion de microbes inconnus qu’ils ont dénommé Zikoun. Ces Zikouns provenaient certainement d’une queue de comète que nous avions croisée peu auparavant. Ceci m’effraye toujours de savoir qu’il y a du vivant dans l’espace de notre Univers, mais ceci me donne aussi de l’espoir car la vie des microbes n’existe que s’il y a des vecteurs pour les porter et donc de la vie ailleurs. Nous sommes sans aucun doute plus que deux à générer, à porter des vies. Donc, j’en reviens à mon épidémie – un terme que je t’emprunte car dans une de tes langues ancienne epidemos signifie « qui circule dans le peuple » – et je vois mes Ovoïdes décrépir et certains mourir du Zikoun. C’est injuste car ce peuple est délicieux mais ma nature a aussi ses contradictions. Mes Ovoïdes cherchent alors à faire un vaccin, mais le temps les presse et ils ne peuvent refaire toutes les procédures pour le valider. Donc il leur vient l’idée de se servir d’un vaccin largement utilisé dans la prévention d’une autre maladie, celle de l’Œuf Rouge. Le virus est vivant mais atténué et, par génie génétique, ils lui font produire des fragments de Zikoun. Et ils ont réintroduit le virus de l’Œuf Rouge dans le corps des Ovoïdes dont le système immunitaire a alors acquis un effet protecteur, et sans effets secondaires notables car le vaccin contre l’Œuf Rouge était très répandu et connu pour son innocuité.
Et ça a marché.
Ici, que ce soit pour les vaccins ou les traitements par génie génétique utilisant des anticorps ovoïdisés, ils détournent souvent les traitements d’une maladie vers une autre.
Pas de planète
Mais moi aussi j’ai mes angoisses. Parfois j’ai peur. Il y a à ma surface trois milliards d’Ovoïdes et, comme tu le sais, je ne suffis pas toujours à les nourrir avec mes pouloïdes qui s’épuisent après 27 traites de lait et meurent si l’on attend pas qu’ils se régénèrent. Et je ne vois pas de planète autour de moi pour les accueillir. Celles de mon étoile sont inhabitables car trop chaudes ou trop froides, un peu comme Vénus et Mars pour toi. S’il y a bien 300 millions d’étoiles sœurs des nôtres dans le joli bras d’Orion que nous habitons toutes les deux, adorable spirale de notre Voie Lactée faite de 300 milliards d’étoiles, peu me semblent compatibles avec la vie. Mais c’est surtout la distance qui m’interpelle : ma plus proche, Proxi, m’est éloignée de 4 années lumière.
Presque comme entre toi et l’étoile Proxima du Centaure.
Comme mon orbite est un peu plus grande, une année lumière est chez moi un peu plus longue que chez toi. Mais à 300 000 km par seconde, multipliés par le nombre de secondes dans une année, c’est colossal. Et j’ai du mal à savoir si Proxi est habitable. Donc, si mes Ovoïdes font des bêtises, ils seront comme les tiens coincés sur ma terre. Je sais que les miens font déjà des expéditions téléportées sur mes deux lunes. D’après ce que je vois, ils ne s’y plaisent pas car le climat y est gris et les paysages fort tristes.
Nos lunes sont des filles difficiles à marier.
Car elles sont changeantes, stériles et froides. Elles finiront comme nous, absorbées par la géante rouge que deviendra notre astre à sa fin mais elle n’auront pas eu la belle vie. Car ma chère Gaïa, même si tu te plains de tes Charmants, ils t’auront distraite, énervée, comblée, affolée, mais il t’auront fait vivre des moments d’anthologie. J’aimerais que nous partagions plus de ces épisodes de la saga de nos créatures, pour nous distraire ou leur donner des idées. Il n’y a pas de jalousie entre nous deux car nous avons tant de distance que nous ne nous gênerons jamais, ni ne pourrons malheureusement nous entraider. Enfin…
Des milliards d’étoiles
Tu sais qu’il y a autant de milliards de galaxies dans l’Univers que d’étoiles dans la nôtre, c’est à dire qu’il existe dans notre Univers des milliards de milliards d’étoiles qui peuvent avoir plusieurs planètes habitables. On devrait pouvoir y trouver des sœurs habitées et si l’on croit à la transmission des virus par le ciel, comme je te l’expliquais, il y a de la vie ailleurs. Mais tout est si loin ! Et la lumière est trop lente pour tout nous montrer… Mais il y a forcément d’autres planètes qui ont aussi été balayée par des vents cosmiques chargés de carbone, d’oxygène, d’hydrogène, de lourds métaux tous nécessaires et suffisants pour constituer des êtres vivants. Statistiquement, nous ne pouvons être les deux seules à héberger la vie. Ce qu’il y a de drôle avec tes Charmants et mes Ovoïdes c’est qu’avec les mêmes atomes que les astres ont expulsés de leur matière dans l’Éther, ils se sont construits une pensée, une intelligence qui comprend d’où ils viennent. Leur matière est autoréflexive. Comme la tienne et la mienne. Mais parfois égoïste…
Bref ma chère Gaïa, il nous faut éduquer nos habitants, surtout toi. À nous respecter, pour nous bien conserver car je ne suis pas certaine qu’ils aient une chance de trouver refuge ailleurs. À moins qu’ils ne créent d’immenses vaisseaux intergalactiques pour y faire habiter et s’y succéder des millions de générations ? Générations qui si elles survivent, atteindront d’autres planètes où elles pourront s’implanter. Mais imagines-tu ton Charmant vivre cinq fois le temps qu’il a déjà vécu sur ton écorce, se confiner à l’intérieur de navires sidéraux aussi larges soient-ils, sans faillir, se révolter, se massacrer ou se supprimer une seule fois, pour pouvoir me visiter ? Enfin, s’il se décide préviens moi que je prépare les miens à sa visite.
Voilà, j’en ai fini.
Si tu n’y avais déjà songé, tu pourras expliquer tout cela à Charmant. Moi je vais continuer à explorer notre espace, car le temps m’est linéaire et sans surprise. Mais je n’ai pas encore tout compris du temps et il semblerait que mes certitudes de ce côté là puissent être révisées. Et peut-être m’ouvrir à un monde qui nous permettrait malgré la distance de faire se rencontrer nos créatures.
Crois ma délicieuse Gaïa, saphir de notre galaxie, splendeur inégalée de notre spirale azurée d’Orion, en ma tendresse et en mon affection.
Tu es si loin et si proche à la fois que de penser à toi me fait monter des larmes d’écumes et me provoque des sanglots d’une lave si fluide qu’elle en illumine mon ciel d’un feu plus étoilé que l’Éther.
Universellement et à jamais ton amie.
Ton Aurore
Lettre d’Aurore Kleper 452B à Gaïa (conte poétique d’actualité -1- )
Lettre de Gaïa à Aurore Kepler 452B (conte poétique d’actualité – 2- )
Lettre de Gaïa à Aurore Kepler 452B (conte poétique d’actualité – 3- )
Réponse d’Aurore Kepler 452 B à Gaïa (conte poétique d’actualité -4- )