Le président jupitérien a perdu de sa superbe depuis son élection. Il ne gouverne plus le ciel et la terre. Nicolas Sarkozy l’annonce sans nuance : « Ça va très mal finir » pour lui.
« Le président est quand même bien dans la merde. Ça va très mal finir » répète Nicolas Sarkozy à son entourage (selon le magazine people Gala). Et si c’est un fin connaisseur de la fonction présidentielle qui le dit…
Il est loin le temps où Jupiter régnait en maître absolu sur l’Olympe. Lors de son élection en mai 2017, le Dieu des dieux voulait rompre avec la présidence « normale » de François Hollande. Il voulait incarner un pouvoir fort. Vertical.
C’était il y a presque trois ans, le jour de son investiture, ce fringant jeune-homme de 39 ans remonte les Champs-Elysées sur un command-car de l’armée. Son discours, il le fait au Louvre, devant la pyramide, après une marche solitaire de trois minutes. La musique, c’est l’Hymne à la Joie de Beethoven. Des symboles de toute puissance. A la veille du 14 juillet, face aux militaires qui contestent les restrictions budgétaires, Emmanuel Macron tranche : « Je suis votre chef ». Rompez !
Les vieillards au rancard
Il était jeune, il était beau, il incarnait le monde nouveau. Celui de la jeunesse hyperbranchée, qui parle anglais, qui sort des grandes écoles, qui a rompu avec les codes anciens, culturels, sexuels, vestimentaires. Celui des golden boys de la finance internationale, des start-up capables de construire des fortunes en peu de temps et de forger des destins en quelques mois.
Emmanuel Macron a préparé son affaire dans le secret de Bercy. Puis, le temps d’une campagne électorale, tous les vieillards de la politique ont été mis au rancard. Exit le clivage droite-gauche, exit les partis politiques à l’ancienne. Fini l’UMP, fini le PS. Des vieilleries d’un autre âge. Voici venu le temps de la République En Marche.
Gonflé d’orgueil et de suffisance, Emmanuel Macron entend réussir là où tous les autres ont échoué. Il veut réformer le pays. A coups de trique. La réforme du Code du Travail donnera lieu à la première poussée de fièvre sociale.
« Qu’ils viennent me chercher »
Du haut de l’Olympe, Jupiter ne voit pas les Français, il n’entend pas leur souffrance. Le ministre de l’Action et des Comptes publics, Gérald Darmanin, constatera plus tard le divorce entre le peuple et les élites. Il le dira à sa façon : « Il manque sans doute autour de lui [Emmanuel Macron] des personnes qui parlent à la France populaire, des gens qui boivent de la bière et mangent avec les doigts. »
Le 1er mai 2018, il y a des heurts entre manifestants et forces de l’ordre en marge du défilé. L’affaire Benalla défraye la chronique et ébranle l’Elysée. Macron, agacé, fait de la provoc : « Le seul responsable, c’est moi, qu’ils viennent me chercher ».
Ce n’est pas l’opposition qui ira le chercher, ce sont les Gilets jaunes. La contestation s’organise autour des ronds-points à partir du 17 novembre 2018. La France d’en bas, celle des 9 millions de pauvres, celle des zones rurales, des oubliés, des invisibles, hurlera sa colère. Elle manifestera tous les samedis, cassera aussi quelques symboles de la République. Les flics riposteront. 3.000 blessés parmi les manifestants, 152 graves, 17 éborgnés, quatre mains arrachées.
« On est lààà… »
Pour donner le change, le gouvernement engage un Grand débat national. Le président lui-même entame un tour de France d’explication de sa politique. Quatorze débats, plus de 100 heures de blabla. Une interminable logorrhée devant des élus et des personnalités triées sur le volet. Cette diarrhée verbale diffusée en direct sur les grandes chaînes de télé ennuie tout le monde.
Ni les grands discours ni les gros chèques ne parviendront à calmer les Gilets jaunes. « On est là, on est lààà… même si Macron ne le veut paaas… » (air connu).
C’est dans ce climat insurrectionnel qu’est lancée la réforme du système des retraites. Un texte élaboré à la hâte et supervisé par Jean-Paul Delevoye, obligé de démissionner le 17 décembre 2019 pour n’avoir pas déclaré à la Haute-Autorité pour la Transparence de la Vie Publique (HATVP) treize de ses mandats dont certains étaient rémunérés. Le comble du cynisme.
Délit de blasphème
Les trains et les métros ne marchent plus. Les grèves et les manifs s’enchaînent. Les avocats et les médecins sont dans la rue. La République est en marche, la France est à l’arrêt. Pour couronner le tout, le Conseil d’Etat dénonce « les projections lacunaires » du texte dont il ne peut garantir « la sécurité juridique ». Jupiter ne cède rien. A moins de deux mois des municipales, les choses s’enveniment. Cédric Villani refuse de céder aux injonctions du président. Pas question de rejoindre Benjamin Griveaux.
Puis viendront une série de couacs, de polémiques et de malentendus. La circulaire Castaner sur le « nuançage politique » aux élections est retoquée par le Conseil d’Etat. Puis vient l’affaire Mila du nom de cette gamine de 16 ans menacée de mort pour avoir critiqué l’islam. La Garde des Sceaux, Nicole Belloubet s’illustre en estimant qu’ « une insulte à la religion est une atteinte à la liberté de conscience ». Le retour du délit de blasphème ?
Macron lui-même crée la polémique en s’affichant avec le dessinateur Jul qui tient un T-shirt où l’on voit un chat éborgné et les mots « LBD 2020 ». Les policiers apprécient.
Au bout d’une pique
Mais le pire, c’est cette affaire de congés après la perte d’un enfant. Les députés de la majorité, suivant l’avis du gouvernement, ont rejeté une proposition UDI-Agir visant à porter de 5 à 12 jours ce congé parental. Tollé général. Macron demande au gouvernement de « faire preuve d’humanité ». Le gouvernement revient sur sa décision. Les députés LREM passent pour des cons. Ou des godillots. Ou les deux.
En ce début d’année 2020 et à la veille d’échéances électorales, toute la macronie est affaiblie. La France est en lambeaux.
Jupiter est tombé de l’Olympe. Une majorité de Français (66%) rejette désormais de ce monarque hautain et autoritaire dont le portrait grimé en Louis XVI est porté au bout d’une pique.
C’est Sarkozy qui a raison. Le président est dans la merde. Cela va mal finir pour lui.
Le plus dur reste à venir.