C’est une analyse longue et sans concession à laquelle se livre ici Bernard Aubin, secrétaire général du syndicat des cheminots First. Il décortique les tenants et les aboutissants de la réforme de la SNCF. Dernier épisode.
Le déminage a commencé.
A la recette « comment détruire la SNCF et son personnel pour les Nuls » manquait un ingrédient. L’inévitable « concertation ». En résumé, tout a été décidé, nous irons jusqu’au bout mais, comme disait Valls, « la porte reste ouverte »… Celle du bureau des pleurs sans doute ! Pour le reste, notamment l’espoir de voir évoluer significativement les orientations du rapport Spinetta, personne n’y croit… Certaines broutilles seront lâchées çà et là pour faire bonne figure et offrir un alibi à ceux qui ne voudront pas se battre après avoir vociféré. Inutile de s’étendre plus en avant sur le sujet.
A la SNCF, le déminage a commencé… De même que la stratégie Macron est copie conforme de la Stratégie Sarkozy, la SNCF est identique à elle-même. L’Entreprise s’appuie sur une communication interne biaisée et fallacieuse, exactement comme en 2014. Elle communique son approche sur le rapport Spinetta sur un mode INFO-INTOX plus proche de l’intox de l’info.
Non, le statut ne serait pas menacé !? Mais il ne serait plus décliné aux nouveaux embauchés et évoluerait pour ses derniers bénéficiaires… La dette infra ? Elle relève de la responsabilité exclusive de l’Etat. Et pourtant, Spinetta n’en propose qu’une reprise partielle, justement au moment où le réseau s’ouvre à la concurrence… Avant, le système nationalisé pouvait crever.
La transformation de la SNCF en EPIC relèverait d’une évolution indolore des statuts de l’entreprise en « Société Nationale » ? C’est quoi une « société nationale » ? Une société dont l’Etat possède exclusivement les parts mais qui ne bénéficie pas des avantages financiers d’un EPIC. La concurrence ? « C’est une bonne chose » ! On en a mesuré les effets sur le fret : 8000 postes supprimés ! Quant aux cheminots transférés chez les opérateurs privés, ils perdraient bien leur Statut, dans la mesure où les seules garanties offertes porteraient sur l’hypothétique maintien d’un régime spécial de retraite lui-même compromis, une garantie de l’emploi qui à terme risque d’être remise en cause et des facilités de circulation bientôt remises à plat…
Conséquences ferroviaires
Outre les conséquences sociales de la réforme envisagées, celle-ci provoquera également de nombreux dégâts en termes de consistance du réseau et de périmètres de desserte. Il serait projeté de renouer avec la politique de casse du rail abandonnée depuis 2002, lors de la régionalisation des TER.
Avant cette date, la SNCF ne connaissait majoritairement que suppression de dessertes et de lignes, et de réduction d’un parc régional vieillissant et proche de l’état de ferraille. L’implication des Régions, conjuguée à celle de la SNCF et de ses cheminots, avait permis de renouveler l’ensemble des parcs TER, d’améliorer et de développer les relations et les tarifications. Certaines régions sont même allées jusqu’à financer la réouverture de lignes…
Avec Spinetta, c’est machine arrière toutes et retour aux politiques de récession… Si l’on ferme les petites lignes, que devient le matériel roulant payé par le contribuable ? On le met sur pneus ? Si l’on assèche les ruisseaux, que deviennent les rivières sachant que les clients détestent les ruptures de charge… On perdrait entre 30 et 40% des trafics comme l’aurait confié Spinetta à un interlocuteur ! Quid des dessertes capillaires, de l’aménagement des territoires, des trains de fret qui empruntent encore les lignes dans le collimateur ?
Le Gouvernement évoquera une nouvelle fois son attachement au « développement durable » et fera crever dans le même temps un moyen de transport écologique et économique, pour peu que ses coûts soient correctement évalués. Les préconisations des rapports Spinetta et Duron visent à supprimer le train partout sauf pour des transports de masse ou de longue distance qui le rendent irremplaçable. Ailleurs, on ferme.
Que peut-on espérer ?
Les cheminots se mobiliseront pour défendre leur entreprise et leurs acquis. Ils devront s’attendre à être confrontés à une stratégie de dénigrement destinée à rendre leur mouvement impopulaire. Le « racisme professionnel » inventé par Sarkozy et testé sur les cheminots en 2008 a fait ses preuves et refera surface. Il stimule les bas instincts qui sommeillent en chaque Homme.
Tenir des propos racistes, c’est proscrit. Mais adopter une attitude tout à fait comparable vis à vis des membres d’une profession, c’est permis… Parfois même encouragé… Et il faut bien avouer que les diverses interdictions n’ont guère fait évoluer la sagesse de l’Homme, tout au plus l’empêchent-elles d’exprimer ses déviances…. Alors, la bête resurgit. Les Gouvernants connaissent à merveille les travers de l’Homme. Ils ont su les exploiter pour le pire au cours de l’Histoire et n’hésitent parfois pas à passer un pacte avec le Diable. Qu’ils se méfient, ce dernier est souvent plus malin qu’eux !
L’espoir pourrait cependant naître de 3 facteurs :
1- Une convergence des actions et mobilisations entre salariés du public, et entre public et privé
2- Une mobilisation des usagers et de leurs représentants en vue de défendre leurs trains et leurs lignes
3- Une réaction d’ampleur des élus régionaux et locaux en faveur du maintien su service public ferroviaire
En revanche, rappelons que l’origine du mal réside bien dans les choix démocratiques des citoyens français et des cheminots… Le choix du Président de la République, sur la base d’un programme clair est connu, n’est pas le fruit du hasard. L’accompagnement systématique et sans réserve notoire des réformes a été rendue possible par le résultat des urnes aux élections professionnelles. Les élections des députés européens, sans doute les plus importantes de toutes au vu de l’impact des législations votées à ce niveau, ont connu un taux d’abstention de 56 % en 2014… Pour ce qui reste, les français ont majoritairement soutenu des Parlementaires libéraux. Certains d’entre nous n’ont pas la moindre légitimité à se plaindre aujourd’hui, car ils ne récoltent que ce qu’ils ont semé… ou pas.
Pour les autres, au vu des menaces qui pèsent sur la SNCF et son personnel, le seul combat qui jamais gagné est celui qui n’a pas été livré.
Alors, osons espérer ! Et demain, osons changer !
FIN.