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IRIS² : La nouvelle constellation de satellites européenne

Satellites de communication (photo d'illustration, Unlimphotos)
Satellites de communication (photo d’illustration, Unlimphotos)

Jean-Pierre Diris, Centre national d’études spatiales (CNES)

Le programme IRIS2 (Infrastructure de résilience, d’inter-connectivité et de sécurité par satellite) constituera le premier réseau de satellites multi-orbitaux en Europe. Cette constellation sera constituée d’environ 300 satellites et devrait voir le jour en 2030.


La transition de plus en plus forte vers l’économie numérique a une conséquence déjà observable : une augmentation forte du besoin de connectivité permettant la transmission rapide des données. Sur un marché mondial où les offres de connectivité évoluent rapidement, le satellite atteint désormais aujourd’hui des performances techniques (débit, latence en orbite basse) et économiques proches des solutions terrestres (fibre optique). L’énorme avantage est son coût de déploiement constant, quelle que soit la zone géographique, et notamment pour les zones « blanches » non couvertes par les infrastructures terrestres.

La constellation européenne IRIS2 s’inscrit dans cette transition, qui nécessite de plus en plus d’infrastructures de partage de données, dominées actuellement par des acteurs américains. Une constellation de satellites permet de connecter différents utilisateurs au travers de multiples satellites, offrant ainsi une couverture instantanée permanente de la planète.

Les télécommunications : enjeu stratégique pour l’Europe

Dans le contexte actuel de développement et de mise en service de plusieurs initiatives de constellations tant publiques (Chine et États-Unis) que privées (Oneweb, Starlink, Kuiper) répondant aux besoins actuels de traitement de données et de connectivité découlant de la transition numérique, le secteur des télécommunications est plus que jamais stratégique pour la France et l’Europe. Le programme IRIS2 vise à répondre à cet enjeu.

Après des tentatives au début des années 2000, les constellations ont enfin émergé et les projets sont désormais crédibles et largement financés par des fonds publics et privés. Plusieurs facteurs ont permis leur émergence, les progrès en matière de miniaturisation électronique, les performances des composants numériques intégrés, la diminution drastique des coûts de lancement et la capacité industrielle de produire en petite série des satellites à moindre coût.

Face au développement des télécommunications par satellites en orbite basse (zone de l’orbite terrestre allant jusqu’à 2 000 kilomètres d’altitude), l’approche adoptée par la Commission européenne associant le secteur public et le secteur privé a pour objectif de renforcer l’Europe dans la course aux constellations au bénéfice des usages du citoyen européen et de ses institutions.

Une constellation de 300 satellites

Le programme de l’Union européenne (UE) de constellation satellitaire de connectivité sécurisée a été décidé en mars 2023. Ce programme, appelé IRIS2 (Infrastructure de résilience, d’interconnectivité et de sécurité par satellite) constituera le premier réseau de satellites multi-orbitaux en Europe. Cette constellation sera constituée d’environ 300 satellites.

Cette constellation fournira une infrastructure de communication sécurisée aux organismes et agences gouvernementales de l’UE. Les différents liens de communication entre utilisateurs et les liens de commande et contrôle des satellites seront protégés, les infrastructures sol sécurisées.

Le dispositif garantira l’autonomie stratégique de l’UE dans le domaine des communications gouvernementales sécurisées. La constellation devra également fournir des services commerciaux et cherchera à maximiser les synergies entre les infrastructures gouvernementales et commerciales. Enfin, la constellation devra permettre le renforcement du positionnement de l’Europe, de son industrie et de ses opérateurs dans le monde.

IRIS2 est associé au programme existant GOVSATCOM de l’UE qui consiste à fournir des communications gouvernementales sécurisées sur la base de capacités provenant d’opérateurs agréés ou des États membres.

IRIS2 est un programme financé par l’UE à hauteur de 2,4 milliards d’euros sur le Cadre financier pluriannuel (CFP) 2021-2027 ; des financements additionnels sont envisagés sur le CFP suivant 2028-2035. Ce financement est abondé par l’ESA à hauteur de 600M€ (souscription au Conseil ministériel de novembre 2022) et des acteurs privés commerciaux dans le cadre d’un contrat de concession.

Après validation du règlement de l’Union européenne sur l’initiative de constellation de connectivité sécurisée dès mars 2023, la Commission européenne a lancé l’appel d’offres relatif au contrat principal de développement de la constellation IRIS2 en mai 2023. L’appel d’offres a été finalisé avec un consortium de 3 opérateurs (Eutelsat, SES, Hispasat) associé à des partenaires industriels sous-traitants (Airbus, Thales, OHB, Deutsche Telekom, Orange) pour une remise d’offre le 2 septembre 2024. Cette offre est en cours d’examen par la Commission européenne dans l’objectif de signer le contrat de concession IRIS2 d’une durée de 12 ans, avant la fin 2024.

Un service de télécommunications toujours accessible

La Commission européenne a lancé à l’été 2023 un appel à candidatures pour l’hébergement d’infrastructures sol de la constellation et a retenu en Avril 2024 pour les centres de contrôle d’IRIS2 la France (Toulouse), l’Italie (Fucino) et le Luxembourg (Bettembourg).

La Première ministre, Elisabeth Borne, a décidé d’établir en France une coordination interministérielle sur IRIS2 et GOVSATCOM, dont il m’a été confié la mission avec la participation des représentants des différents ministères et agences.

Ce point focal national a pour objectifs principaux de coordonner l’ensemble des activités françaises contribuant au développement et à l’exploitation de ces programmes, d’assurer une relation permanente avec les interlocuteurs européens (UE, ESA, EUSPA), d’animer la communauté française des utilisateurs de la connectivité sécurisée fournie par ces programmes.

En termes d’usages l’objectif d’IRIS2 est de fournir un service digital autonome et souverain à chaque État membre de l’Union européenne. De nos jours, la connectivité spatiale est indispensable, celle-ci étant l’option la plus fiable en l’absence de systèmes de télécommunication terrestres (lorsqu’ils n’existent pas ou ont été endommagés par un conflit ou une catastrophe naturelle par exemple).

Le programme fournira une large variété de services aux gouvernements et citoyens européens. Le système permet la surveillance des frontières et des zones reculées. Le programme est indispensable à la protection civile, notamment en cas de crise ou de catastrophe naturelle. Il améliore l’envoi d’aide humanitaire et la gestion des urgences maritimes, que ce soit pour la recherche ou le sauvetage. De nombreux réseaux intelligents connectés – énergie, finance, santé, centres de données, etc. – seront contrôlés grâce à la connectivité fournie par IRIS2.

Le système permettra également de gérer différentes infrastructures : air, rail, route, trafic automobile. À cela s’ajoutent des services de télécommunications institutionnels par exemple pour les ambassades, et de nouveaux services de télémédecine pour l’intervention dans des zones isolées. Enfin IRIS2 améliorera la connectivité de zones d’intérêt stratégique dans le cadre de la politique étrangère de sécurité et de défense : Europe, Moyen-Orient, Afrique, Arctique, Atlantique et les régions de la Baltique, la mer Noire et Méditerranée.

Du côté architecture environ 300 satellites pourraient être conçus, fabriqués et déployés dans un premier temps. Les satellites seront placés sur deux orbites différentes : basse (jusqu’à 2 000 km) et moyenne (entre 2 000 et 35 786 km). En couvrant cette large gamme, la constellation sera en mesure de fournir des services de communication à faible latence – soit une transmission ultra-rapide des informations comparable aux performances des réseaux terrestres – et de compléter les autres programmes spatiaux européens.The Conversation

Jean-Pierre Diris, Sous-directeur des projets de télécommunications et navigation, Centre national d’études spatiales (CNES)

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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