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Affaire Djokovic : Le « ya pas de raison » comme nouvelle justification sanitaire

Point-de-vue. Le joueur de tennis serbe, Novak Djokovic, a été expulsé d’Australie parce que non vacciné contre la Covid-19. Le problème des sportifs récalcitrants se pose aussi en France à l’approche, notamment, de Roland Garros.

Jean-Michel Claverie (DR)
Jean-Michel Claverie (DR)

Par Jean-Michel Claverie*

“L’affaire Djokovic” a déclenché un torrent de haine populaire, devant ce rebelle “qui se croit au-dessus des lois” (de l’Australie, mais aussi maintenant des autres pays occidentaux).
Dans un étonnant retournement d’opinion des médias français, l’Australie est passée de modèle de dictature sanitaire (pendant quelques jours), à un modèle de vertu républicaine : « force doit rester à la loi ! », entonnent-ils désormais à l’unisson.

Pourquoi nous et pas eux ?

Dans la foulée, notre ministre des Sports à fait promptement machine arrière à propos de la « bulle sanitaire » qui était prévue autour des joueurs du prochain tournoi de Roland Garros, pour épouser la doxa populaire réclamant la vaccination anti-covid pour tous les joueurs.
D’après une information abondamment relayée sur les radios ce matin, les organisateurs du tournoi feraient face à une bronca des futurs spectateurs, s’indignant de l’injustice : « nous on est forcé d’y passer, alors il n’y a pas de raison, les joueurs AUSSI »
Personnellement, je trouve l’argument « ya pas de raison » (c’est-à-dire, « on en a bavé, eux aussi ») comme particulièrement puérile (on se croirait dans une cour de récréation du primaire), mais surtout désormais exempt de toute considération médicale et sanitaire : puisque nous sommes soumis à l’arbitraire, alors eux aussi !
Car, pour être sûr de ne pas « importer » un virus en France, ne suffit-il pas de demander un test négatif ? Alors que tout le monde s’accorde sur le fait que les vaccinés n-doses peuvent aussi être porteurs. Et quel danger supplémentaire représenterait un porteur de virus de plus, dans un pays qui compte déjà des centaines de milliers de personnes infectées (malades ou asymptomatiques) ? Il y aurait probablement plus de spectateurs positifs que de joueurs dans tout le tournoi.
Il s’agit donc bien d’obliger les joueurs étrangers à se faire vacciner pour des raisons purement légales (et ne pas faire de jaloux !), et non pas sanitaire.

L’arbitraire des sanctions

Mais alors, qu’en est-il des autres vaccins ? Beaucoup sont obligatoires en France, mais pas du tout dans d’autres pays.
À titre d’exemple, j’ai joint un tableau des réglementations extrêmement disparates (ce qui tendrait à prouver leur caractère arbitraire plutôt que scientifiquement justifié) qui concerne seulement l’Europe.

Tableau
Tableau

Surlignés en jaune, on voit que beaucoup de pays n’appliquent absolument pas les mêmes obligations vaccinales que nous. Il y a donc à parier que beaucoup de joueurs de ces pays ne sont pas « à jour » de leurs vaccinations « à la Française ».
Si c’est le cas, pourquoi ne pas ÉGALEMENT les obliger à se mettre en règle ?
Sinon, exit Raphaël Nadal (Espagne), Stéphanos Tsitsipas (Grèce), Alexander Zverev (Allemagne), Andy Murray (UK), etc. Tous les pays que je cite ont des politiques vaccinales très peu autoritaires (en jaune dans le tableau).
Un juriste pourrait-il approcher l’équipe de Novak Djokovic pour lui suggérer ce type de défense ? Défense qui aurait l’énorme utilité de faire apparaître l’arbitraire des sanctions qui le frappe aujourd’hui, comme des contraintes qui seront désormais appliquées à tous les adultes de notre pays, transformant un acte médical – la vaccination anti-Covid-, en un acte d’État Civil pour une durée indéfinie.

Jean-Michel Claverie, le 17 janvier 2022

*PU-PH émérite (professeur en Santé Publique & virologue) à l’université d’Aix-Marseille, Jean-Michel Claverie a été cofondateur et ancien vice-président de la Société française de virologie et lauréat de plusieurs prix scientifiques, dont la médaille d’argent du CNRS en 2003 et le prix Jaffé de l’Institut de France, en 2019

 

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