Cri d’alarme de l’équipe du CHRU de Nancy qui porte l’étude clinique baptisée »Predynamiques » : les femmes atteintes d’hypertension artérielle, une maladie silencieuse et chronique, se mettent en danger si elles ne suivent pas leur traitement.
Les effets de l’hypertension artérielle non soignée sont multiples : risques cardiovasculaires (infarctus du myocarde, insuffisance cardiaque), cérébrovasculaires (AVC, démence) et rénaux (insuffisance rénale)… C’est pour les accompagner, répondre à toutes leurs questions et leur apporter des solutions concrètes et personnalisées, que les infirmières, du Centre d’Investigation Clinique Plurithématique de Brabois, conduisent ce travail scientifique porté par Edith Dauchy, afin d’évaluer, auprès d’un panel de volontaires, l’efficacité d’un coaching infirmier téléphonique pendant 6 mois.
L’inobservance des traitements d’hypertension : la France, mauvaise élève
Le Pr Jean Marc Boivin, hypertensiologue, qui intervient en tant qu’expert spécialiste en hypertension, souligne que « La difficulté de cette étude est qu’elle s’intéresse à l’inobservance des patientes. L’objectif étant d’améliorer leur comportement. Or, le défaut d’observance n’est pas une chose admise spontanément : la personne hypertendue a très souvent des arguments pour le justifier. C’est une réalité dont nous ne mesurions pas l’ampleur quand nous avons lancé PREDYNAMIQUES : c’est un enseignement pour nous tous, professionnels de santé. »
Des études menées en Europe explorent cette question de l’inobservance des traitements contre l’hypertension. En France, elle relève de la Santé publique puisque, sur la population globale touchée par la pathologie, seulement moins de la moitié des patients traités voit sa maladie contrôlée (c’est-à-dire avoir des chiffres de tension artérielle dans la norme), et correctement traitée, ce qui place l’hexagone en queue des classements dans la spécialité.
Des interprétations erronées
Les causes d’inobservance sont multiples selon les travaux du néphrologue suisse, Michel Burnier, sur la non adhérence aux traitements (2013) et concernent différentes formes de défaut d’adhésion médicamenteuse et par conséquent différents types de comportements : les « distraits », qui sont préoccupés par autre chose et oublient les conseils de prise ou alors les « intermittents » qui prennent leur traitement de manière irrégulière, sans doute en lien avec la récurrence de leurs symptômes.
À cela viennent s’ajouter des interprétations erronées sur l’hypertension artérielle répandues dans le grand public. Il est fréquent d’entendre des malades l’associer au stress. Or, sur ce point le Pr Boivin est catégorique : « Le stress n’entraîne pas d’hypertension ! Il augmente ponctuellement les mesures tensionnelles à l’occasion d’événements qui favorisent la sécrétion de cortisol et d’adrénaline (le réveil, rater un bus, …) et c’est physiologique. Mais cela n’a rien à voir avec la maladie hypertensive. »
Reste, enfin, les effets secondaires indésirables possiblement liés aux médicaments non évoqués au médecin par certains patients qui préfèrent « s’autoprescrire » un abandon partiel ou total de leur traitement. Un médicament contre l’hypertension ne doit pas entraîner d’effets indésirables et, si c’est le cas, le médecin a le devoir d’adapter la pharmacopée, encore doit-il en être informé…
Suivre un traitement sur l’hypertension artérielle, c’est à vie !
Jocelyne souffre d’hypertension artérielle depuis de nombreuses années. Traitée au CHRU de Nancy, cette femme dynamique et de tempérament est observante de son traitement pour sa maladie détectée de façon fortuite : « Je n’avais aucun symptôme : pas stressée, active avec plutôt de la bonne énergie quand le diagnostic est tombé et que je suis passée au statut de malade chronique ! Je comprends que l’on puisse ne pas être observante parce que c’est une maladie à bas bruit. Ce n’est pas évident d’adhérer à un traitement quand on ne se sent pas malade alors qu’il doit devenir un rituel quotidien à vie à ne pas oublier ! Mais face aux complications cardiovasculaires de la maladie mal traitée, on n’a pas le choix. Les symptômes atypiques chez la femme sont mieux connus aujourd’hui. Par exemple, l’infarctus du myocarde peut se manifester par de la fatigue et des nausées, mais pas par une sensation d’oppression ou une douleur dans le bras comme chez les hommes. Être observante permet d’éviter ces complications. » Jocelyne insiste sur la rigueur et la discipline nécessaires au suivi régulier du traitement au quotidien et reconnaît que le soutien d’un coach peut être stimulant.
S’engager volontairement dans l’étude PREDYNAMIQUES
Les femmes, dont la tension est au-delà de la norme 140/90, qui veulent expérimenter ce soutien par coaching téléphonique pour les aider à suivre leur traitement, peuvent se faire connaître au 03 83 15 73 10 ou 03 83 15 73 05 ou par mail infirmieres-cic@chru-nancy.fr Pour Edith Dauchy, c’est, là aussi, une autre contrainte spécifique à PREDYNAMIQUES : « Les femmes qui nous intéressent sont, certes, en recherche d’un soutien efficient et professionnel, mais elles doivent nous contacter. Nous ne voulons pas les solliciter systématiquement au cours d’une consultation par exemple. Cet acte d’engagement volontaire est essentiel à la réussite du travail scientifique et aux résultats que nous en attendons. Les femmes, aidées par les infirmières du CIC P, deviendront actrices de leur pathologie. Grâce au suivi par téléphone, elles apprendront à automesurer leur tension, organiser leur quotidien pour soigner l’hypertension artérielle et, ainsi, mieux gérer leur vie et celles de leurs proches. »
Avant le mois d’avril 2022, PREDYNAMIQUES a besoin d’une quarantaine de candidatures de femmes hypertendues, volontaires pour se faire aider dans le suivi de leur traitement. Cet engagement est une contribution essentielle à la lutte contre la maladie et en faveur de l’autonomisation des patientes.