Auteur de nombreux articles scientifiques, le virologue Etienne Decroly organise avec son collègue Jacques Van Helden un cycle de cours à l’université populaire de Marseille intitulé « Approches scientifiques et enjeux sociétaux. » Décryptage.
Où en est la science un an après l’apparition du SARS-CoV-2 en Chine ? Que sait-on vraiment de ce coronavirus qui, en douze mois, a infecté près de 45 millions de personnes dans le monde, provoqué la mort de 1,2 million d’individus et détruit des pans entiers de l’économie mondiale ? Les chercheurs s’interrogent toujours sur l’origine du virus et son mode de transmission alors que les autorités politiques et sanitaires de nombreux pays restent désemparées face à cette pandémie incontrôlable.
Le pangolin n’y est pour rien
Le virologue Etienne Decroly, chargé de recherche à l’université d’Aix-Marseille (« Identification et caractérisation d’enzymes virales impliquées dans la formation de la coiffe de virus à ARN ») est l’auteur de nombreux articles scientifiques sur le SARS-CoV-2. Dans un entretien au journal du CNRS avec le journaliste scientifique Yaroslav Pigenet, il explique que « l’étude des mécanismes d’évolution et des processus moléculaires impliqués dans l’émergence de ce virus pandémique est essentielle pour mieux nous prémunir des émergences potentielles de ces virus, et pour élaborer des stratégies thérapeutiques et vaccinales. »
Pour lui le SARS-CoV-2 « ne descend pas de souches humaines connues et n’a acquis que récemment la capacité de sortir de son réservoir animal naturel qui est probablement la chauve-souris. » Mais il faut ensuite un hôte intermédiaire. Le Pangolin? » Une majorité de chercheurs estime désormais que le pangolin n’a probablement pas joué de rôle dans l’émergence de SARS-CoV2, ajoute le scientifique. L’hypothèse actuellement privilégiée est qu’il s’agit plutôt d’une évolution convergente et indépendante du domaine RBD dans les deux lignées virales. »
RBD ? Pour comprendre » Il faut pour cela revenir aux caractéristiques biologiques des coronavirus. Leur génome contient un gène S codant pour la protéine Spike, qui entre dans la composition de l’enveloppe du virus et donne aux coronavirus leur forme typique de couronne. La protéine Spike joue un rôle fondamental dans la capacité d’infection du virus car elle contient un domaine, appelé RBD, qui a pour caractéristique de se lier spécifiquement à certains récepteurs (ACE2) situés à la surface des cellules infectables. » Chez les humains, ces récepteurs se trouvent essentiellement à la surface des cellules pulmonaires ou intestinales.
Virus échappé d’un laboratoire?
Peu probable, mais pas impossible. En effet, le Pr Luc Montagnier, prix Nobel de médecine, a affirmé que le SARS-CoV-2 résultait « d’un travail génétique effectué intentionnellement, vraisemblablement dans le cadre de recherches visant à développer des vaccins contre le VIH. » A l’appui de ses affirmations, le célèbre professeur note que le gène contient quatre insertions que l’on ne retrouve pas chez les CoV humains.
Certes, reconnaît Etienne Decroly, « la manipulation du génome de virus potentiellement pathogènes est une pratique courante, notamment pour étudier les mécanismes de franchissement de la barrière d’espèces… Tant qu’on n’aura pas trouvé l’hôte intermédiaire, cette hypothèse d’un échappement accidentel ne peut être écartée par la communauté scientifique. »
En vidéos : les conférences à l’université populaire d’Aix-Marseille.