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Liberté d’expression et blasphème : que dit le droit ?

Le prof d’histoire-géo du collège de Conflans-Sainte-Honorine a été assassiné parce qu’il avait fait un cours sur la liberté d’expression et présenté des caricatures de Mahomet. Petit rappel des grands principes du droit français.

Gerry Lauzon from Montreal, Canada, CC BY 2.0 <https://creativecommons.org/licenses/by/2.0>, via Wikimedia Commons
Gerry Lauzon from Montreal, Canada, CC BY 2.0 <https://creativecommons.org/licenses/by/2.0>, via Wikimedia Commons

La liberté d’expression c’est le droit de pouvoir dire et faire savoir par quelque moyen que ce soit ce que l’on pense. Ce droit est l’un des piliers de tout régime démocratique. C’est ce même droit sur lequel est fondée la liberté de la presse.
L’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 dispose que “tout citoyen peut parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi.”
La liberté d’expression est définie par la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 qui dispose que « Tout individu a droit à la liberté d’opinion et d’expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considération de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d’expression que ce soit. »
La loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse définit les libertés et responsabilités de la presse française. Elle impose un cadre légal à toute publication, ainsi qu’à l’affichage public, au colportage et à la vente sur la voie publique. Son article 1 dispose que “l’imprimerie et la librairie sont libres”. Mais elle réprime l’injure et la diffamation.

Liberté surveillée

Cette célèbre loi de 1881 a été complétée par la loi Pleven du 1er juillet 1972 relative à la lutte contre le racisme et crée un nouveau délit qui punit la discrimination.
La loi Gayssot du 13 juillet 1990 sanctionne, en outre, la négation des crimes contre l’Humanité perpétrés par le régime nazi.
La 17ème chambre correctionnelle du tribunal Judiciaire de Paris est spécialisée dans les délits de presse.
La liberté d’expression ne doit pas être confondue avec la liberté de conscience. La conscience, c’est ce que je pense. L’expression, c’est ce que je dis. Je pense ce que je veux. Je n’ai pas le droit de dire ce que je veux.
Autrement dit, la liberté d’expression est rigoureusement encadrée par un ensemble de textes législatifs : elle en limite donc l’étendue. Il s’agit donc d’une liberté surveillée. Et c’est une bonne chose dans notre monde où le développement des techniques et des sciences permettent la diffusion des idées à l’échelle de la planète.

Quid du blasphème ?

La révolution française a aboli le délit de blasphème pour consacrer la notion de délit d’opinion. Le droit français ne reconnaît donc pas le blasphème, c’est-à-dire les discours ou les représentations par des dessins, qui outragent une divinité ou une religion.
Sauf, jusqu’à un passé récent, en Alsace et en Moselle où s’appliquait il y a peu le droit local hérité des lois allemandes. L’article 166 du code pénal d’Alsace-Moselle réprimait de trois ans d’emprisonnement ou plus « celui qui aura causé un scandale en blasphémant publiquement contre Dieu par des propos outrageants ou aura publiquement outragé un des cultes » ou commis »des actes injurieux et scandaleux » dans un lieu de culte.
Cette disposition du droit local n’a pratiquement jamais été appliquée depuis que les départements concordataires sont revenus dans le giron de la République française.
Pourtant, c’est en s’appuyant sur ce texte qu’en 2013, la Ligue de défense judiciaire des musulmans avait invoqué le blasphème pour attaquer Charlie Hebdo devant un tribunal strasbourgeois. La procédure avait été déclarée nulle pour vice de forme.
Il a fallu attendre 2017 pour que le délit de blasphème soit abrogé par la loi relative à l’égalité et à la citoyenneté.

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