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Bras de fer entre Dupond-Moretti et les magistrats

Eric Dupond-Moretti, garde des Sceaux (site du gouvernement)
Eric Dupond-Moretti, garde des Sceaux (site du gouvernement)

Les syndicats de magistrats accusent le Garde des sceaux de vouloir « affaiblir l’institution judiciaire » et appellent à une manifestation, jeudi 24 septembre, devant chaque juridiction.

Il fallait s’y attendre. Depuis sa nomination place Vendôme, le 6 juillet 2020, Eric Dupond-Moretti donne des aigreurs aux magistrats. Cet avocat pénaliste de renom, champion de France des acquittements aux assises, n’a jamais fait mystère d’une réelle répulsion pour la magistrature, « institution de faux-culs, petit monde de l’entre soi et de l’irresponsabilité » dira-t-il. A leur tour, les magistrats qualifient Dupond-Moretti de « terroriste des prétoires ». Bref, le grand amour, entre ceux qui jugent et celui qui défend (avec talent) délinquants et criminels.
Cette aversion pour les magistrats date peut-être de cette vieille affaire de 1993 lorsque, jeune avocat, il fut inquiété dans une sombre histoire de cocaïne dont on a retrouvé des traces dans sa voiture. Ce qui lui valut une perquisition et une garde à vue. Il n’a pas aimé.
Pourtant, « le Gros » comme le surnomment amicalement ses confrères, a continué sa carrière jusqu’à devenir l’un des ténors mythiques du barreau.
Sa nomination comme Garde des sceaux a été ressentie par les magistrats comme une provocation de la part du Président de la République. « Tout le monde l’attend à l’orée du bois avec un fusil à pompe » dira même un magistrat.

Applaudi par les détenus

Il est vrai que le tout nouveau ministre de la Justice, et grand chasseur devant l’Eternel, n’a rien fait pour calmer le jeu. Sa première visite officielle, il l’a réservée à la prison de Fresnes où il fut chaudement applaudi par les détenus. De quoi surprendre.
Mais surtout, les magistrats ont vécu comme un véritable affront deux décisions récentes du ministre de la Justice. L’une consiste à ouvrir une enquête administrative contre trois magistrats du parquet national financier (PNF) nommément désignés ; l’autre à nommer à la tête de la prestigieuse École Nationale de la Magistrature (ENM) de Bordeaux non pas un ou une magistrat (e) comme c’est le cas depuis sa création en 1958, mais une avocate pénaliste, Nathalie Roret. Il est vrai que, lorsqu’il était encore avocat, Dupond-Moretti plaidait pour la suppression de l’ENM pour la remplacer par une école formant à la fois avocats et magistrats.

Lettre au Président

Cette double humiliation ne passe pas aux yeux des magistrats des deux syndicats : l’Union Syndicale des Magistrats (USM) que préside Cécile Parisot et le Syndicat de la Magistrature (SM), présidé par Katia Dubreuil. Ils ont adressé une lettre ouverte commune au Président de la République par laquelle ils dénoncent « la situation de conflit d’intérêts » du ministre de la Justice rappelant que celui-ci avait déposé plainte contre le PNF dans l’affaire des écoutes de Nicolas Sarkozy. « La saisine de l’IGJ constitue une atteinte inédite à l’indépendance de la Justice, qui plus est par un ministre directement concerné par cette affaire. »
Dans un communiqué commun, les deux syndicats de magistrats constatent que « l’institution judiciaire est attaquée par son sommet…. [et qu’elles] existent en réalité pour masquer des conflits d’intérêts majeurs, non résolus à ce jour et à l’aube d’un procès éminemment sensible impliquant notamment un ancien président de la République et son entourage ». Les magistrats ajoutent : « Parce que ces attaques sont dangereuses dans un Etat de droit, nous appelons l’ensemble du personnel de la justice à réagir collectivement en se rassemblant devant chaque juridiction le jeudi 24 septembre 2020 à 13h ».
Cette fois, la guerre est déclarée. Ça va saigner.

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