Le tout nouveau plan de transport entré en vigueur le 1er septembre comporte de nombreuses carences : arrêts supprimés, correspondances rompues, desserte allégées ou amputée… Certains éléments donnent à penser que ces problèmes sont les dégâts collatéraux d’une décision du SMITU*.
Par Bernard AUBIN
Ainsi, il est fort probable que les élus du Syndicat Mixte Intercommunal des Transports Urbains de Thionville et de la Fensch aient délibérément décidé d’alléger les dessertes de son réseau de bus historique afin de dégager une marge permettant de financer Citézen, le projet de bus à haut niveau de service de l’Agglomération Portes de France. Cette orientation ne va pas sans rappeler la politique longtemps menée par la SNCF qui privilégiait le tout TGV aux trains du quotidien. A ce jour, deux pétitions pour un retour à l’ancien plan de transport sont en ligne dont une qui récolte 2200 signatures et un millier de récriminations contre le nouveau plan de Transport. La page Facebook de Citéline comprend plus de 560 commentaires hostiles à la nouvelle organisation des transports en commun.
« Sans concertation »Desserte Citéline (Facebook) Début Août, le collectif DEFY (Défendons Ensemble le Foncier Yussois) rencontrait la nouvelle équipe municipale de Yutz. Nous avions subsidiairement évoqué les dessertes en bus de notre ville, dont le périmètre avait été restreint les années passées. Nous avons découvert à cette occasion que certaines lignes allaient encore être amputées et avons lancé l’alerte.
Nous étions loin de penser que ce que nous avions découvert était l’arbre qui cache la forêt. En fait, c’est la totalité du plan de transport de Thionville et de sa périphérie qui a été entièrement remanié, plus exactement drastiquement revu à la baisse. Toutes les lignes du réseau Citéline (Trans-Fensch) ont été entièrement refondues sans la moindre concertation avec les usagers. Ces derniers ont été placés devant le fait accompli un jour seulement avant l’entrée en vigueur des nouveaux horaires.
Le site de Citéline croule depuis hier sous les récriminations et autres demandes d’appel à l’aide, face à la déstructuration des dessertes : 560 commentaires au moment où nous écrivons cet article. Ironie du sort, plusieurs clients qui s’étaient abonnés avant la rentrée ont découvert hier qu’ils n’ont pas de bus, ou que les temps de parcours et autres itinéraires à pieds rendent désormais les transports en commun inaccessibles ou rédhibitoires.
Deux pétitions
A notre connaissance, deux pétitions ont été mises en ligne. L’une récolte déjà près de 2200 signatures en faveur d’un retour à l’ancien plan de transport, assorties d’un millier de commentaires hostiles aux dessertes actuelles. Une seconde possède une vocation plus locale, et démontre que la grogne est générale.
Il nous est impossible de dresser un inventaire exhaustif des carences et autres aberrations apparues dans les nouvelles dessertes, tant la liste est longue. Une situation ainsi résumée par un internaute : « c’est le gros bordel je voudrais connaître l’abruti qui a pondu ça encore un connard qui ne prend pas le bus qui n en a rien a foutre des usagers ».
Question, qui est ce « connard » ou plutôt quels sont les vrais responsables de cette situation ? Citéline ? Citéline n’est qu’un prestataire de service ayant pour devoir de mettre en œuvre les directives votées par le SMITU. Ce syndicat mixte des transports urbains est composé d’élus locaux dont certains siègent également à la Communauté d’Agglomération Portes de France.
Qui prend le bus?
Comment a-t-on pu en arriver là ? La première réponse qui vient à l’esprit, c’est la compétence, ou plutôt l’incompétence d’une partie grandissante des élus. Lesquels ont vraiment étudié le nouveau plan de transport avant de le valider ? Qui en a mesuré les impacts sur les usagers ? Et qui d’entre-eux prend le bus, comme s’interroge à juste titre l’internaute ?
Il y a fort à parier que le SMITU a délégué la mission de recomposition des dessertes à son prestataire Citéline. Celui ci dispose de l’expertise nécessaire. Mais au-delà, les élus se sont-ils préoccupé de l’impact de leur décision sur les usagers ? Il semble que non !
Il reste une question fondamentale : quelle véritable raison a motivé un tel bouleversement ? La réponse tient sans doute dans le dernier journal de la Communauté d’agglomération Portes de France. Dans son édito, son Président fixe comme troisième priorité « faire de l’agglo l’animateur de notre territoire en matière de transition écologique : mobilité, BHNS, pistes cyclables… ». Le BHNS ? vous savez ce que c’est ?
Il s’agit du « projet de Bus à Haut Niveau de Services porté par le SMITU, l’autorité organisatrice des transports sur les agglomérations de Thionville et de la Fensch ». Plusieurs chantiers devraient démarrer avant la fin de l’année, nous précise le journal. Un projet qui « cristallise depuis des mois toute l’attention des élus du SMITU et du territoire ».
Bien sûr, il n’y a pas lieu de condamner a priori les nouveaux projets de transports en commun, mais il reste bon de s’interroger sur l’ensemble de leurs impacts, et éventuellement les dégâts collatéraux qu’ils sont susceptibles d’engendrer.
Comment financer ce projet pharaonique estimé entre 140 et 181 millions d’euros hors taxes ?
Qui paiera?
Bien sûr, la Communauté d’agglo bénéficiera d’un certain nombre de subventions (Etat : 10 M€, Région 6,7 M€, éventuellement subventions européennes dont le montant n’est pas connu). Mais « Portes de France » devra sérieusement mettre la main à la poche pour réaliser son joujou. L’avenir nous apprendra s’il relève du gadget comme on les aime à Thionville ou d’une réponse adaptée à un réel besoin.
Pour la petite histoire, rappelons que cette ville s’apprête déjà à jeter sur la Moselle une passerelle piétons située à quelques dizaines de mètres du Pont des Alliés… Citézen, le bus à haut niveau de service, nécessite la construction d’un nouvel ouvrage d’art sur la rivière ! Au diable l’avarice !
Revenons-en au financement. Qui paiera ? Le contribuable, bien sûr, mais peut-être aussi l’usager du réseau Citéline. Il semble bien que les économies générées par la réduction des dessertes du réseau historique ont pour finalité de financer en partie les 32 kilomètres des 2 nouvelles lignes ! L’impôt n’étant ni extensible, ni populaire, il y a fort à parier que nos élus du SMITU aient discrètement décidé de sacrifier le réseau conventionnel pour contribuer au financement de leur nouvelle lubie !
Décalage
Cela ne va pas sans rappeler la SNCF qui, avec l’accord des Gouvernement successifs, a sacrifié les dessertes quotidiennes et le réseau classique au tout TGV. Cette politique désormais contestée semble encore plébiscitée par nos élus locaux…
Tout cela démontre, s’il le faut encore, le décalage qui s’instaure peu à peu entre les projets bling-bling et les besoins du quotidien. Cela pose aussi la question de la compétence de nos élus et le sens du service qu’ils doivent aux citoyens.
Les choses ne pourront évoluer que s’il y a forte mobilisation des usagers. A bon entendeur !
Malgré plusieurs appels, nous n’avons pas réussi à joindre M. Jérôme Barbe, vice-président réseau au SMITU et Président de Trans-Fensch. Nous lui donnerons volontiers la parole dès qu’il souhaitera réagir.
Dans un article publié chez nos confrères du Républicain Lorrain, M. Barbe « reconnaît quelques couacs au démarrage et promet de rectifier le tir, à Algrange notamment « où l’on sait qu’il y a un loupé […] la mise en musique n’est jamais un exercice facile ». Il ajoute : « Cette refonte découle d’une opération démarrée il y a plus d’un an ; nous avons tenu compte de la fréquentation et des besoins à venir. Tout a été validé en conseil syndical ; nous n’avons rien fait dans le dos des gens. »
La pétition pour le retour à l’ancien plan de transport sur mes opinions
Une autre pétition lancée sur Fameck
*SMITU (Syndicat Mixte des Transports Urbains de Thionville Fensch)