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Covid-19 : les dégâts du confinement

Professeur de physiologie à Université de Paris, directeur de l’Institut de Recherche bioMédicale et d’Épidémiologie du Sport, Jean-François Toussaint ne croit pas à une ‘’deuxième vague’’ et s’inquiète de l’absence de soins de certains patients.

Pr Jean-François Toussaint à CNews
Pr Jean-François Toussaint à CNews

« Le pic de l’épidémie de Covid-19 a été franchi début avril ». C’est le Pr Jean-François Toussaint, professeur de physiologie à l’Université Paris-Descartes, directeur de l’Institut de recherche biomédicale et d’épidémiologie du sport qui l’affirme. Pour lui, une deuxième vague, tant redoutée par les autorités françaises après le 11 mai n’aura pas lieu. Elle ne s’est produite dans aucun des pays plus avancés que nous dans l’épidémie.

La réalité des chiffres

Le Pr Toussaint appuie son analyse sur les chiffres publiés chaque jour par Santé Publique France mais aussi par des instituts réputés comme celui de Johns Hopkins University (JHU), aux Etats-Unis, ou CSSEGISandData.
Même les États-Unis, pays le plus touché par cette vague, ont franchi leur pic de contamination et de létalité fin avril 2020, affirme Jean-François Toussaint dans un article publié dans « Université de Paris »
Le nombre de décès quotidiens était de 4.590 le 16 avril, il est de 1.806 le 26 avril. Dans le monde, on comptait le 16 avril 9.620 décès en une journée. Dix jours plus tard, il était de 5.842. Seuls étaient en phase d’extension le Brésil, l’Équateur et le Mexique.
En France, le nombre maximal de décès hospitaliers est constaté le 6 avril : 605 décès en une journée ; ce nombre est de 152 le 26 avril. Le nombre maximal de décès dans les maisons de retraite et les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) est constaté le 9 avril : 929 décès en une journée ; il est de 90 aujourd’hui. Avec 20 319 décès à ce jour, le Royaume Uni a également franchi son pic de mortalité (le nombre maximal de décès quotidien était de 980 le 10 avril ; il est de 768 dix jours plus tard. Les Pays-Bas (234 décès le 7 avril, 120 le 26 avril) et l’Allemagne (550 décès le 15 avril, 117 le 26 avril) sont dans la même situation.
« La plupart des pays basculent ou ont basculé l’un après l’autre vers une phase de ralentissement épidémique » ajoute le médecin.

Le confinement peu efficace

Or, tous les pays n’ont pas confiné la population, comme ce fut le cas en France. Et ils n’ont pas davantage de morts. L’idée du confinement revient à « un groupe de chercheurs de l’Imperial College de Londres qui a conseillé, avec l’appui de l’Organisation Mondiale de la Santé, une réponse commune à l’expansion du virus, celle du confinement généralisé ». Il s’agissait d’éviter la saturation des urgences dans les hôpitaux. En effet, le 30 mars 2020, l’Imperial Collège prédisait une véritable catastrophe, des morts par millions dans le monde (entre 300 et 500.000 en France !). Certes, on déplore plus de 250.000 morts dans le monde (au 5 mai 2020) et c’est déjà beaucoup. Mais rien à voir avec l’hécatombe annoncée.
« Les contaminations ne diminuent pas dès le premier jour du confinement » écrivent Jean-François Toussaint, et Andy Marc, chercheur en biostatistiques dans La Recherche. Les cibles du SARS-CoV-2 sont souvent des patients à risque métabolique ou cardio-vasculaire (homme, sédentaire, obèse, diabétique ou hypertendu), ce qui explique les ravages actuels aux États-Unis. »
Ils ajoutent : « Les pays qui n’ont pas adopté la voie du confinement généralisé montrent une évolution épidémique similaire : les Pays-Bas ont en effet amorcé une décrue le 7 avril, la Suède franchit à son tour le sommet de la vague, tandis que l’Allemagne l’a passé depuis 8 jours. »

Paradoxe

Autrement dit, le confinement pratiqué de façon systématique n’était pas la bonne solution. Mieux aurait-il valu agir de façon « ciblée » et appliquer les gestes barrière au Covid-19 de façon rigoureuse. Avec des masques, notamment.
Car, disent-ils, le confinement a conduit à la destruction d’une partie de notre économie, mais aussi à l’absence de soins pour les patients souffrant de pathologies non diagnostiquées à temps. « Paradoxe que de tenter de sauver des vies par des moyens qui en auront peut-être tout autant détruit. »

 

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