Moselle
Partager
S'abonner
Ajoutez IDJ à vos Favoris Google News

Histoire cachée de l’Alsace et de la Moselle

Par Jean-Philippe MAURER, député du Bas-Rhin

La réforme territoriale soulève de vives tensions en France et particulièrement en Alsace. La France donne des leçons de patriotisme aux Alsaciens. Inacceptable. Voici pourquoi.

L’histoire de l’Alsace est entachée par de multiples exactions de la part de la République française. Je commence à 1870, sans développer les drames de la Révolution française et le massacre lorrain de la guerre des Paysans.En 1871 Napoléon III perd la guerre qu’il mène contre la Prusse.
S’ensuit un armistice et le Traité de Francfort où l’Alsace et la Moselle ont été « données » à l’Allemagne à la suite de négociations.
On a négocié et « donné » l’Alsace-Moselle, contre leur gré, à l’Allemagne. Contre des avantages.La France nous a *« vendus »* à l’Allemagne.

C’est suite à un vote de l’assemblée nationale, quasi-unanime ! que nos trois départements sont devenus allemands. Pour la petite histoire, quand les trois députés sont sortis de l’Assemblée nationale dans l’indifférence générale parce qu’ils n’étaient plus Français, un seul député a pris la peine de se lever pour les saluer.

Alsace et Moselle sont alors restées 47 ans Allemandes.
Tout à fait logique donc que l’Alsace qui était germanophone autant que francophone déjà avant 1870 s’est progressivement sentie allemande, tout comme elle se sent aujourd’hui française.

De la première à la seconde guerre mondiale

Arrive la guerre de 14-18. Là, comme les poilus, les Alsaciens et les Mosellans, se battant pour l’Allemagne, ils découvrent l’horreur de la guerre des tranchées entre autres au Hartmannswillerkopf (le Vieil Armand, « la mangeuse d’hommes »).
La plupart des alsaciens qui y sont morts, sont morts sous les balles françaises.
Si on nous a accueillis les bras ouverts pendant quelques jours, la réalité a très vite changé et on nous a fait payer d’avoir été Allemands (pourtant c’est la France qui nous a vendus à l’Allemagne).
A cette époque-là, la France a commis d’innombrables exactions, pour franciser brutalement, les territoires retrouvés.
On mettait par exemple les habitants de l’Alsace-Moselle dans différentes catégories en fonction de leur degré de germanisme qui était marqué sur leur carte d’identité.Je vois là une certaine analogie avec l’étoile jaune qu’on faisait porter au Juifs, plus tard.
Ceux qui faisaient partie de la pire « race », la catégorie D, ont carrément été expulsés vers l’Allemagne, même s’ils étaient nés en Alsace.
Ça s’appelle de l’épuration ethnique !
Pour ceux qui ont eu l’honneur de rester en France, le pays des Droits de l’Homme et du Citoyen, qui s’est battu pour nous sauver de l’oppression allemande, ils ont connu une véritable politique visant à leur arracher tout ce qu’il y avait en eux pouvant rappeler un quelconque germanisme.
Il fallait faire d’eux des parfaits petits Français sur le modèle parisien.
La seconde guerre mondiale : on en arrive à 1939-40, le plus gros traumatisme commence.

« Comme des lièvres… »

Les civils Alsaciens et Lorrains sont évacués vers le sud-ouest de la France, où ils sont souvent très mal accueillis parce qu’on les considère Allemands.
La guerre éclate. L’armée française fuit et oppose très peu de résistance à l’envahisseur, ce qui déçoit énormément les Alsaciens par rapport à la France valeureuse qu’on leur a vantée depuis 1918 à coups de propagande.
Revenant sur leurs terres, ils constatent le fait accompli, l’annexion se préparait.
Cet épisode vaut aujourd’hui encore le surnom de « Hàsebock » (lièvre) au reste des français, de la part des Alsaciens et des Mosellans, parce que l’armée française a détalé comme des lièvres, devant l’armée allemande.
Quelques mois après, la France n’a montré aucune réticence à laisser les Allemands annexer Alsace et Moselle. Ce qui apparait pour les Alsaciens une nouvelle fois comme un abandon.Seuls, une fois de plus, les Alsaciens ont donc dû vivre occupés, dans des conditions bien pires que le reste de la France. Il leur était par exemple interdit de parler français ou alsacien.
On avait notre camp de concentration rien que pour nous : le Struthof et Le camp de Schirmeck, en allemand Sicherungslager Vorbruck-Schirmeck. Ce fut un camp de redressement tristement célèbre, tant d’Alsaciens y ont séjourné parce qu’ils ont osé, à un moment ou à un autre, se montrer hostiles au régime nazi.
Il était destiné aux Alsaciens et Mosellans réfractaires au régime nazi, hommes et femmes, ainsi qu’aux représailles sur leurs familles.

Enrôlés de force

En 1943, 100 000 Alsaciens et 30 000 Mosellans sont enrôlés de force dans la Wehrmart et dans la SS. Ceux qui prétendent que les SS étaient tous volontaires se trompent donc également.
Cet enrôlement fait malheureusement participer treize d’entre eux au massacre d’Oradour, un quatorzième qui a été reconnu volontaire dans la SS a été exécuté tandis que les treize autres ont bénéficié d’une amnistie.
Oui ce qui s’est passé à Oradour est d’une horreur terrifiante, un crime de guerre, une honte inqualifiable. Mais qu’il en résulte des phrases du type « de toute façon la plupart des Malgré-nous étaient volontaires », est inacceptable. Il y a un fossé abyssal avec la réalité et ce dont on en pense trop souvent en France.
Dois-je rappeler que la plupart des Malgré-nous étaient envoyés au front russe, que s’ils refusaient de servir l’armée allemande, ils étaient fusillés, et leur famille tout entière pouvait l’être, ou au mieux, internée au Struthof en représailles ?
Parmi les héros qui ont essayé de se rendre aux Russes, la plupart étaient exécutés sur le champ parce qu’ils étaient incapables d’expliquer leur situation aux soldats russes.
Dois-je rappeler aussi que pendant que la France fêtait sa victoire, 18 000 Malgré-nous étaient retenus prisonniers dans des conditions épouvantables (on parle d’une ration alimentaire journalière deux fois moindre qu’à Auschwitz) jusqu’en 1955 !
Dix ans de captivité dans des camps de concentrations alors que le reste de la France a connu moins de 5 ans de guerre.
Dois-je rappeler encore que ce sont les autorités françaises qui insistaient auprès de l’URSS pour que ces prisonniers soient libérés, évitant ainsi de produire des témoignages négatifs sur le communisme?
La République française prend soin de censurer cette réalité, comme beaucoup de pages sombres de l’histoire de France, en ne la faisant pas figurer dans ses ouvrages scolaires ou alors très peu.
Il est très facile de critiquer les Malgré-nous en 2015 dans une France en paix, derrière son ordinateur.
Je n’ai pas la prétention de pouvoir affirmer avec certitude que j’aurais fait quelque chose d’héroïque pour me révolter, si j’avais été à leur place.

Et aujourd’hui ?

Après la guerre, on pourrait penser que là c’était la fin des problèmes pour les alsaciens, mais non ! La réintégration à la France s’est faite elle aussi dans la douleur !
Depuis 1945 la France essaie à nouveau de nous « franciser » pour nous fondre dans la masse (comme les troufions en Algérie), n’ayant pas compris sa grossière erreur de l’entre-deux guerres.
Et aujourd’hui ? Aujourd’hui la France a pratiquement réussi à faire ce que l’Allemagne nazie n’a pas réussi à faire de nous : anéantir notre identité (moins de 3% des moins de 17 ans alsaciens comprennent encore la langue régionale, la quasi-totalité d’entre eux ignorent partiellement ou totalement les faits historiques.
J’aime cette Alsace des vallons, des plaines, des montagnes et des petits recoins qui ne se retrouvent dans nulle autre région française.
J’aime Strasbourg avec ses quartiers si différents et si riches de cœurs coeurs gros, fiers d’appartenir à cette métropole capitale chargée d’Histoire.
Et surtout, j’aime les Alsaciens car ils ne ressemblent à personne.
Ce sont des dizaines de nationalités qui ont creusé cette terre et pourtant tous ceux qui restent en Alsace l’aiment et la défendent.Qu’est-ce qui fait que nous sommes ce que nous sommes ?
Notre géographie bien sûr, mais d’abord notre Histoire.
Aujourd’hui, un président de gauche veut définitivement rendre notre région  » normale « .
Monsieur Hollande, puisqu’il s’agit bien de vous, il y a déjà quelque mois, Jean-Luc Mélenchon, votre ancien ami et votre futur allié demandait la suppression du Concordat.
Je lui avais écrit mon opposition. Il n’a jamais daigné me répondre.
Peut-être un député alsacien de la République ne mérite pas qu’il s’abaisse à cela ?
Aujourd’hui vous voulez inscrire la loi de 1905 de séparation des Eglises et de l’état cité en son article 1.
Cela ne laisse aucun doute sur votre objectif : vendre l’histoire de l’Alsace à une alliance électorale avec cette extrême gauche qui a toujours haï les Alsaciens parce qu’ils sont profondément modérés, républicains, démocrates et travailleurs.
Sachez, Monsieur Hollande que si vous ne l’êtes pas, nous, nous sommes lucides sur les conséquences de votre choix.
La suppression des textes dit concordataires, malgré la bonne volonté de mon collègue député socialiste de Strasbourg, sera le premier échelon d’un engrenage fatal.
Au nom de l’égalité, il faudra supprimer bientôt aussi le droit local, le bilinguisme et, enfin, le régime local de la sécurité sociale d’Alsace-Moselle (car non déficitaire).
Est-ce de l’exagération de ma part ? Malheureusement, je ne le crois pas !
C’est en partie sur ces acquis de l’histoire que notre région a bâti sa richesse, ses universités, qu’elle a pu accueillir les entreprises étrangères conscientes de tous ces avantages qui permettent le maintien de la cohésion sociale.

Soyez conscients que les Alsaciens et les Mosellans ne vous suivront pas.
Nous les Alsaciens, avons un coeur mais aussi une tête.
Elle est bien faite et vous ne la couperez pas aussi facilement.

Alsace Europe France Lorraine Moselle