A moins d’un mois du premier tour, le 23 avril 2017, François Fillon semble être définitivement écarté du second tour de l’élection présidentielle si l’on en croit les sondages. Comment en est-il arrivé là ?
Du jamais vu ! Cette élection présidentielle ne ressemble décidément à aucune autre. Le parcours du candidat François Fillon est si baroque dans les annales de la 5ème République, qu’il restera dans les livres d’histoire.
Résumons. François Fillon a réussi l’exploit d’éliminer tous ses rivaux lors de la primaire à droite. Sarkozy et Juppé évincés de la course à l’Elysée, c’était inimaginable il y a encore six mois. Le père-la-vertu s’est imposé sur la seule idée qu’il fallait combattre la corruption en politique, tordre le cou aux vieilles pratiques malsaines : « Il ne sert à rien de parler d’autorité quand on n’est pas soi-même irréprochable. Qui imaginerait un instant le général de Gaulle mis en examen ? »
On connaît la suite.
Donc, le 27 novembre 2016, François Fillon élimine Alain Juppé sur le score de 70% contre 30%. Alors qu’un boulevard vers l’Elysée s’ouvre à lui, le candidat est rattrapé par de méchantes affaires d’argent. Le 24 janvier 2017, le Canard Enchaîné publie une série d’articles sur les salaires fictifs de Pénélope, son épouse. Le lendemain (!), le parquet national financier ouvre une enquête préliminaire. Puis une information judiciaire est confiée à trois juges dont l’excellent Serge Tournaire pour « détournements de fonds publics, abus de biens sociaux et recel, trafic d’influence et manquement aux obligations de déclaration à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique. » Plus récemment agrémenté d’un réquisitoire supplétif pour « faux ».
Ca fait beaucoup. Chaque jour qui passe rapproche d’avantage François Fillon de la case prison que du palais de l’Elysée.
Deux questions : Qui ? Pourquoi ?
On ne peut évidemment pas suivre le candidat quand il accuse de « machination » un hypothétique « cabinet noir de l’Elysée » aux ordres de François Hollande. La théorie du complot n’est pas recevable.
Reste que les journalistes, qu’ils écrivent pour le Canard ou pour tout autre publication, n’inventent pas les informations qu’ils donnent à leurs lecteurs. Pas plus celles qui visent la famille Fillon que les autres. Les journalistes s’abreuvent forcément à des sources. Il faut donc qu’on leur donne accès à certains dossiers. On peut -et même on doit- s’interroger sur les sources à l’origine de ce scénario juridico-médiatique si finement ciselé, publié après les primaires à droite. Car il ne peut pas être le fruit du hasard.
Alors qui ? Et pourquoi ?
Il y a fort à parier que si Fillon n’avait pas remporté la primaire à droite, on n’aurait jamais entendu parler des salaires mirobolants de son épouse et de ses enfants, de ses costards de luxe offerts par un avocat, de ses montres à 15.000 balles et autres menus avantages scandaleux. Seulement voilà, il a gagné. Et tout semblait le conduire sur le perron de l’Elysée, le 7 mai prochain.
Pourquoi lui barrer la route ?
Pour chercher une réponse, il faut regarder son projet et ses amitiés politiques. François Fillon est un candidat de la droite républicaine la plus classique. A 63 ans, l’ancien Premier ministre, a construit son programme sur le libéralisme pur et dur : suppression de 500.000 fonctionnaires, suppression des 35 heures, réduction de la dépense publique de 100 milliards en 5 ans. Bref, rien de réjouissant pour les Français. Mais rien non plus d’extravagant.
Ami de la Russie
Là où Fillon se distingue, c’est en matière de politique étrangère. On le sait, l’ancien Premier ministre est « un ami » de la Russie. Et plus particulièrement de Vladimir Poutine. Les deux hommes s’apprécient. Par les temps qui courent, ça fait désordre. Si François Fillon admet désormais « la dérive russe », le candidat à l’Elysée prône toujours un rapprochement politique, économique et culturel avec Moscou. L’Europe de l’Atlantique à l’Oural chère au général. C’est aussi pour lui, catholique pratiquant, une façon de protéger les chrétiens d’Orient persécutés.
Cette ligne diplomatique aux antipodes de celle conduite par Paris depuis longtemps, déplaît à la communauté internationale qui a pris des sanctions contre la Russie après l’annexion de la Crimée et la crise en Ukraine.
Pire. Pour mettre fin à la guerre en Syrie, le candidat à l’Elysée prône une alliance avec Bachar El-Assad. Et il propose d’associer l’Iran et la Russie à la recherche d’une solution car, dit-il, « leur influence sur les mouvements chiites et sur l’évolution du régime de Damas est cruciale. »
Dans tous les états-majors de la coalition on s’étrangle de rage. Et dans les chancelleries du monde on s’inquiète des positions du futur président français.
Enfin, François Fillon a proposé à Angela Merkel une coopération militaire fondée sur la mise en commun de moyens nationaux et la création d ‘une industrie européenne de la Défense. Un pied de nez à l’OTAN qui installe ses missiles dans le sud de la Roumanie au grand dam de la Russie.
Cette nouvelle politique de la France, en rupture totale avec l’organisation du monde conçue par « la communauté internationale » n’est pas acceptable aux yeux de ceux qui veulent se débarrasser de Bachar El-Assad et ramener la Russie à la raison. Il fallait coûte que coûte la contrer.
Dès lors, les choses deviennent plus simples à comprendre. Il a suffi à l’une des nombreuses « officines » qui grouillent dans notre beau pays de rendre public via la presse « le dossier Fillon » connu de tous les services étrangers, pour éliminer « le » candidat indésirable. Selon un timing serré, un scénario millimétré et un feuilletonnage digne des meilleures séries télévisuelles.
Un travail de pros. Qui peut dire le contraire ?
Marcel GAY
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