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Quand les chercheurs se libèrent des revues scientifiques au coût exorbitant

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Les serveurs informatiques : nouvelle bibliothèque du chercheur.
Argonne National Laboratory, CC BY-SA

Corinne Leyval, Université de Lorraine et Pierre-yves ARNOULD, Université de Lorraine

Le chercheur d’aujourd’hui, au moins dans les domaines des sciences dites « dures », ne va plus beaucoup dans les bibliothèques pour accéder aux travaux de ses collègues. Il trouve quasiment tout en ligne sur Internet et peut utiliser de multiples sources de données numériques. Par ailleurs, le nombre de publications dans chaque domaine est devenu considérable.

La recherche scientifique mondiale produit ainsi un nombre croissant de publications : à titre d’exemple entre 2008 et 2014 le nombre d’articles scientifiques inclus dans l’index de citations scientifiques de Thomson Reuters (Science Citation Index of Thomson Reuters’ Web of Science) a augmenté de 23 %, passant de 1 029 471 articles à 1 270 425.

Face à cette multiplication des données issues de la recherche, et des sources de données, le chercheur est confronté au problème de l’identification des publications pertinentes pour un thème de recherche donné. On peut aussi souligner la question de l’accès à ces données, la plupart du temps payant, qui représente des sommes considérables au profit des éditeurs.

Payer pour lire ses propres articles…

Ainsi le chercheur doit financer ses travaux de recherche avec des contrats, ce qui lui permet de publier ses résultats, qui deviennent la propriété des éditeurs de journaux scientifiques, à qui il doit ensuite payer un droit d’accès à ses propres travaux !

Par ailleurs, les abonnements aux ressources électroniques ne cessent d’augmenter. Ainsi en 2017, le coût des abonnements électroniques aux revues a atteint 2,1 millions d’euros pour l’Université de Lorraine. Cette main mise des éditeurs de revues sur les données de la recherche est aujourd’hui remise en question. L’accès libre aux données de la recherche est fortement revendiqué, avec le développement de revues en accès libre, d’archives ouvertes, ou le refus d’organismes (CNRS) ou d’universités (Universités de Montréal, Danemark) d’accepter l’augmentation des budgets de documentation scientifique, qui a récemment conduit à une rupture d’accès aux revues de Springer à partir d’avril 2018 : soit une perte de presque 3 000 titres !

Afin de réaliser une bibliographie pertinente, de qualité et d’exploiter de grosses masses de données dans un domaine scientifique donné, le chercheur utilise des outils, comme web of science ou google scholar, mais d’autres outils de fouille de données se développent également pour les exploiter au mieux. Ils permettent de réaliser des analyses par mots-clés, par auteur, par année, par pays, et d’analyser l’ensemble du texte et de pouvoir bénéficier ainsi d’indicateurs précieux sur une thématique pour analyser l’état des connaissances mais aussi, par exemple, envisager des collaborations pertinentes.

Dans le cadre d’un projet financé par le programme national PIA (Programme d’Investissements d’Avenir) des chercheurs et enseignants-chercheurs de l’Université de Lorraine et du CNRS s’intéressent aux Ressources stratégiques du XXIe siècle (LabEX Ressources 21), depuis la compréhension de la formation des gisements jusqu’à l’impact environnemental de leur exploitation.

Parmi ces métaux stratégiques figurent les terres rares. Dans la classification périodique des éléments, les terres rares sont des éléments qui ont un numéro atomique entre 57 et 71, auxquels on ajoute l’Yttrium et le Scandium, et qui ont des propriétés électroniques, magnétiques, optiques très intéressantes pour l’industrie. Elles comportent 17 éléments dont les besoins ont augmenté dans de nombreux secteurs industriels. Elles font aujourd’hui partie de notre quotidien, puisqu’elles sont utilisées dans de nombreuses technologies modernes : batteries des téléphones portables, éoliennes, ampoules basse consommation, batteries de véhicule électrique. Ainsi, la demande en terres rares est croissante, et représente un enjeu stratégique en termes d’approvisionnement, car leur production est faible et la quasi-totalité de la production mondiale est en Chine (risque de rupture ou de pénurie), mais aussi en termes de recyclage.

De nouvelles solutions pour publier

Avec le soutien du programme d’investissement d’avenir ISTEX (Initiative d’excellence de l’information scientifique et technique), OTELo a réalisé une application d’exploration des données bibliographiques accessible à la communauté de l’enseignement supérieur et de la recherche sur le thème des terres rares et de visualisation sur une carte des pays impliqués. Un travail de développement informatique de traitement des affiliations des auteurs mené par Pierre-Yves Arnould et Anthony Guiot a permis la mise en œuvre de l’application carto-istex.

Celle-ci permet aujourd’hui d’explorer l’ensemble des publications (21 millions) de la plate-forme bibliographique ISTEX et de produire des cartographies d’informations sur les pays, laboratoires et auteurs qui publient sur la thématique des terres rares. Cette visualisation des données a permis de montrer que sur la période de 1882 à 2015 les pays qui publient des travaux de recherche sur les terres rares sont les États-Unis, suivis de l’Allemagne, de l’Angleterre, puis le Japon et la France, alors que la Chine arrive en 6e position. Si l’on s’intéresse à l’impact environnemental des ces terres rares, qui concerne seulement environ 10 % des publications précédentes, la Chine est alors en 3e position, mais la prise en compte de cet impact environnemental lié à l’exploitation des terres rares est sans doute en augmentation depuis 2015.

Figure 1 : Nombre de publications scientifiques avec le mot-clé « terres rares » par pays d’après la base de données ISTEX (1973-2013).
Corinne Leyval, Author provided

Au-delà de l’intérêt scientifique sur une thématique définie, cette application présente un intérêt pour la valorisation des publications scientifiques des chercheurs et des collaborations entre chercheurs. La récente loi pour une république numérique portant sur une politique d’ouverture des données et des connaissances encourage les universités et organismes de recherche à utiliser et développer des archives ouvertes.

Ainsi, l’Université de Lorraine a choisi les archives ouvertes pluridisciplinaires HAL pour archiver ses publications. Le module de cartographie qui a été développé et associé à HAL permet de visualiser sur une carte les collaborations internationales des chercheurs et enseignants-chercheurs d’un laboratoire, d’un Pôle scientifique d’une Université, ou de toute une Université. Et cette application est en libre accès.

The ConversationDevant ces nouveaux enjeux, que fera le chercheur de demain ? L’accès libre aux publications scientifiques est un objectif qui pourrait sans doute être atteint, mais la capacité à analyser toutes ces données restera un challenge…

Illustration de la cartographie des publications et des collaborations internationales (exemple de l’Université de Lorraine).
Corinne Leyval, Author provided

Corinne Leyval, Directrice de recherche au CNRS, directrice d’OTELo (Observatoire Terre et Environnement de Lorraine), Université de Lorraine et Pierre-yves ARNOULD, Responsable des systèmes d’informations d’OTELo (Observatoire Terre Environnement de Lorraine), Université de Lorraine

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

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