Point-de-vue- Alors que 2 millions de Français défilaient jeudi 19 janvier dans les rues, Emmanuel Macron affirmait depuis l’étranger que la réforme des retraites se fera avec »détermination » parce qu’elle figurait dans son programme électoral. Une vraie provoc.
Par Bernard Aubin
Les stratégies et attitudes du passé ressurgissent. Au niveau du chef de l’État, de celui de ses partenaires ou des gouvernements successifs. Plus de 70% des Français se sont exprimés contre la réforme des retraites. Entre 1,12 (chiffre officiel) et 2 millions ont manifesté le 19 janvier. La SNCF, l’Éducation Nationale, EDF, la Fonction Publique, les personnels des raffineries ont connu des taux de grève record. Mais pas de quoi émouvoir le Pouvoir : circulez, y a rien à voir ! La stratégie mise en œuvre par Emmanuel Macron pour réformer la SNCF se répète en tout point.
Quelle concertation ?
Concertation : Aucune véritable concertation n’a eu lieu avec les partenaires sociaux. Le cœur de la réforme des retraites fut imposé par le gouvernement avant toute rencontre, à savoir l’allongement de la durée de travail. Une approche comparable à celle mise en œuvre il y a quatre ans à la SNCF (abolition du statut des cheminots, transformation de l’entreprise en SA…). Le champ des « négociations » se limitait déjà à la longueur de la corde destinée pendre les « victimes » de la réforme.
Argumentation, explication : les termes employés par le pouvoir sont récurrents et délibérément galvaudés, tels la « recherche de justice et d’équité ». L’hostilité aux réformes ne serait que le fruit de l’incompréhension ou d’une carence pédagogique : « Continuons à débattre et à convaincre » déclarait hier Elisabeth Borne qui décrit la réforme comme un « porteur de progrès social ». Pour Emmanuel Macron, il s’agit d’un « projet juste et responsable ». « Déployez-vous dans vos secteurs pour expliquer, expliquer, et encore expliquer les enjeux de la réforme », martèle le Chef de l’État à ses troupes.
Responsables, irresponsables
Provocation : « On ne peut pas avoir une poignée de personnes qui génèrent une pagaille pour des millions de Français » déclarait Aurore Bergé le 15 janvier sur RTL. Une phrase qui ne va pas sans rappeler, face à l’ampleur des manifestations d’hier, celle de Nicolas Sarkozy, prononcée en 2008 : «Désormais, quand il y a une grève en France, personne ne s’en aperçoit ». Pour Emmanuel Macron et son gouvernement, les opposants sont « irresponsables » : le Chef de l’État refuse de croire « à la victoire de l’irresponsabilité ».
Détermination : Macron en 2019 (retraites) : « Je veux aller au bout de cette réforme, je pense qu’elle est nécessaire pour le pays donc je la défendrai ». Macron en 2022 : « Il faut que les choses soient dites au moment où les choix démocratiques sont faits… les choses ont été dites clairement ». «… Il faut procéder à cette réforme. Et donc nous le ferons avec respect, esprit de dialogue, mais détermination et esprit de responsabilité» affirme le chef de l’État.
Désinvolture
Dédain : Où se trouvaient Emmanuel Macron et 11 ministres le jour des grandes manifestations ? Ils se seraient rendus à Barcelone pour « parler de l’amitié franco-espagnole ». Une rencontre « arrêtée de longue date ». Voilà où se situe la priorité d’un chef d’État, le jour où l’indignation contre son projet atteint des sommets. Une fois encore, l’histoire se répète. Il y a 4 ans, durant trois mois de grèves « grille du loto » (plusieurs journées étalées sur 3 mois en 2018) et alors que des millions de voyageurs étaient privés de trains suite à la réforme de la SNCF, le couple Macron affichait ostensiblement sa désinvolture en parcourant le monde.
Conclusion : reculs sociaux, stop ou encore ? La suite du bras de fer sera déterminante. Il appartiendra aux Français d’en décider le 31 janvier, une seconde action organisée après celle du 19 janvier, qualifiée d’ « historique » par la gauche et de « succès » et de « mobilisation massive » par les syndicats.