En moins d’une semaine, plusieurs organismes officiels ont tiré la sonnette d’alarme sur la situation financière française, alimentant les craintes d’une intervention extérieure pour redresser les comptes publics. Explications avec l’économiste Marc Touati.
Le FMI durcit le ton sur les finances publiques françaises
Le Fonds Monétaire International vient de lancer un nouvel avertissement à la France concernant le dérapage de ses comptes publics. L’organisation internationale met en garde contre la trajectoire budgétaire française et recommande d’arrêter d’augmenter les impôts — la France étant déjà championne d’Europe en matière de pression fiscale — pour se concentrer sur la réduction des dépenses publiques.
Selon le FMI, sans mesures significatives, le déficit public français restera durablement à 6% du PIB au moins jusqu’en 2030, loin de l’objectif européen de 3%. L’institution révise également à la baisse ses prévisions de croissance pour la France à seulement 0,6% cette année.
La Sécurité sociale menacée de défaut de paiement
La Cour des comptes a publié un rapport particulièrement alarmant sur l’état des finances sociales. L’institution juge « hors de contrôle » la trajectoire des comptes sociaux et évoque un risque de défaut de paiement dès 2027.
Le déficit des comptes sociaux, qui s’élevait à 10 milliards d’euros en 2023, pourrait atteindre 22 à 24 milliards d’euros d’ici 2028. Cette situation critique s’explique notamment par le fait que 90% du déficit provient de la branche maladie. La Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES), créée en 1996 pour une durée initialement prévue jusqu’en 2009, continue d’accumuler les déficits avec un horizon désormais repoussé à 2033.
L’Italie rattrape économiquement la France
Une étude de la Commission européenne révèle qu’en 2025, l’Italie fait désormais jeu égal avec la France en termes de PIB par habitant en parité de pouvoir d’achat. En 2020, la France était pourtant 10,1% au-dessus de son voisin transalpin.
Cette évolution s’explique par des performances économiques contrastées : depuis 2020, le PIB italien a progressé de 6,3% contre seulement 4,2% pour la France. Parallèlement, l’Italie a réduit son déficit public de plus de 7% à 3,4% du PIB, tandis que la France est devenue le « cancre de l’Europe » avec 5,8% de déficit, le plus élevé de la zone euro.
Des indicateurs économiques au rouge
Les indicateurs avancés de l’activité économique française sont particulièrement préoccupants. L’indice composite des directeurs d’achat reste en zone de récession depuis juin 2023, avec un niveau de 48 en mai (en dessous du seuil de 50 qui marque la croissance).
L’industrie française est également en difficulté avec 24 mois consécutifs d’activité en récession, remettant en question les promesses de réindustrialisation. Même les services, traditionnellement le point fort de l’économie française, connaissent leur 24e mois consécutif de récession.
La confiance des ménages au plus bas
L’indicateur de confiance des ménages a chuté de trois points en mai, atteignant des niveaux plus bas que pendant la crise Covid ou le mouvement des Gilets jaunes. Cette défiance s’explique notamment par les inquiétudes sur le pouvoir d’achat et surtout sur l’emploi.
L’indice de perspective du chômage des ménages suggère un possible taux de chômage de 10% d’ici la fin de l’année, un niveau qui n’avait plus été atteint depuis 2014-2015.
Le spectre d’une tutelle internationale
Face à cette accumulation de signaux négatifs, la question d’une possible intervention du FMI à Paris se pose avec une acuité croissante. Une telle situation entraînerait une explosion des taux d’intérêt français, actuellement autour de 3,2-3,3% sur les obligations à 10 ans, qui pourraient monter à 4-5%.
Les conséquences seraient dramatiques : récession économique, baisse potentielle des retraites et des salaires des fonctionnaires, ponction sur l’épargne et limitation possible des retraits d’espèces. Le précédent grec illustre les risques d’une telle spirale.
La dette publique française s’élève officiellement à 3 305 milliards d’euros, mais en incluant les engagements hors bilan (notamment les retraites des fonctionnaires), elle atteindrait environ 7 500 milliards d’euros fin 2025, soit un actif net négatif de 3 000 milliards pour la puissance publique française.