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Sécurité sociale : la Cour des comptes alerte sur un risque de crise de liquidité d’ici 2027

Dans son dernier rapport, la Cour des comptes tire la sonnette d’alarme : le déficit croissant de la Sécurité sociale menace la viabilité de ses financements à court terme.

La Cour des comptes
Cour des comptes (wikipedia)

Un déficit hors de contrôle

Dans son rapport annuel sur l’application des lois de financement de la Sécurité sociale, publié lundi 26 mai, la Cour des comptes livre un constat particulièrement inquiétant : les comptes sociaux s’enfoncent dans un déficit structurel profond. En 2024, ce dernier atteint 15,3 milliards d’euros, soit près de 5 milliards de plus que prévu initialement. Et les projections pour 2025 ne sont guère plus rassurantes : 22,1 milliards d’euros de déficit attendus, selon la juridiction financière.
Pierre Moscovici, président de la Cour des comptes, résume la gravité de la situation : « Nous avons perdu le contrôle de nos finances publiques en 2023 et 2024. »

Vers une crise de liquidité dès 2027 ?

La principale alerte concerne le risque croissant d’une « crise de liquidité ». En cause : l’incapacité structurelle du système à équilibrer ses recettes et ses dépenses. Le besoin de financement de l’Agence centrale des organismes de Sécurité sociale (Acoss), qui assure la trésorerie de la Sécu, pourrait quadrupler, passant de 20 milliards d’euros en 2024 à 89 milliards en 2027.
Or, l’Acoss ne peut emprunter qu’à court terme, contrairement à la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades), qui assurait jusque-là une partie de la dette à plus long terme, mais a atteint sa limite d’endettement.
« L’Acoss ne peut pas s’endetter indéfiniment », prévient la Cour.

Une dette structurelle, plus seulement conjoncturelle

L’économiste Mathieu Plane, de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), confirme le changement de nature du déficit :
« Ce qui est alarmant, c’est que le rapport fait état d’une hausse structurelle du déficit, alors qu’il était jusque-là conjoncturel, lié notamment à la pandémie de Covid-19. »
Les dépenses de santé, notamment dans la branche maladie, dépassent largement les objectifs fixés, tandis que les recettes fiscales progressent moins que prévu. À cela s’ajoute une prévision de croissance optimiste (+0,9%) sur laquelle reposent les calculs, alors que le gouvernement table sur +0,7% dans un contexte international tendu.

Des solutions législatives complexes à mettre en œuvre

Pour sortir de l’impasse, la Cour des comptes évoque une possible « recharge » de la Cades via une loi organique, comme cela a déjà été fait par le passé. Mais l’absence de majorité stable à l’Assemblée nationale rend cette option politiquement délicate.
En l’absence de réforme, la Cour avertit d’un risque croissant sur le financement des prestations sociales, qui pourrait nécessiter une intervention directe de l’État pour éviter un effondrement du système.

Les pistes de redressement évoquées

Parmi les mesures proposées par la Cour des comptes :

  • Un meilleur contrôle de l’intérim paramédical, dont les coûts ont triplé entre 2019 et 2023 ;
  • Un renforcement du contrôle des pensions de retraite versées à l’étranger ;
  • La distribution gratuite des masques restants de la crise sanitaire aux hôpitaux et Ehpad avant leur péremption ;
  • Et surtout, une réduction des exonérations de cotisations patronales, qui ont presque quadruplé entre 2014 et 2024.

Un signal d’alarme pour les finances publiques françaises

Au-delà de la Sécurité sociale, cette situation met en lumière les fragilités plus larges des finances publiques françaises. La France s’est engagée à ramener son déficit global sous la barre des 3 % du PIB d’ici 2029, contre 5,8 % en 2024.
« Ce rapport renvoie à un problème plus global de finances publiques, conclut Mathieu Plane. Et le redressement passera inévitablement par des efforts, y compris sur le budget de la Sécu. »

Rapport de la Cour des comptes

 

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