Raphaël Gerson, Ademe (Agence de l’environnement et de la maitrise de l’énergie)
Fin 2017, l’Europe comptait 60 millions de compteurs communicants électriques. En France, ce sont en moyenne 30 000 de ces appareils qui sont mis en place chaque jour par Enedis, le gestionnaire du réseau. Fin 2018, 15 millions de compteurs Linky avaient ainsi été déployés dans les foyers français.
Destinés à mieux connaître la consommation d’énergie (et ainsi la réduire), ces appareils nouvelle génération doivent d’autre part permettre d’intégrer toujours davantage les énergies renouvelables dans la fourniture d’électricité. Ces promesses n’ont cependant pas manqué de susciter des craintes et des refus d’installations dans l’Hexagone.
Près de quatre ans après le démarrage de son déploiement, où en est Linky ?
Les compteurs communicants en Europe
Suivant les conclusions positives d’une analyse sur le rapport coûts/avantages de ces compteurs, seize pays (Suède, Italie, Finlande, Malte, Espagne, Autriche, Pologne, Royaume-Uni, Estonie, Roumanie, Grèce, France, Pays-Bas, Danemark, Luxembourg, Irlande) de l’Union européenne ont décidé d’équiper d’ici 2021 tous leurs foyers en compteurs communicants électricité ; et sept pays (Italie, Autriche, Royaume-Uni, France, Pays-Bas, Luxembourg, Irlande) en compteurs gaz.
Si en Finlande, Suède et Italie, le déploiement de ces nouveaux appareils est achevé depuis plusieurs années, en France, le remplacement des 35 millions de compteurs électriques devrait s’étendre jusqu’en 2022.
La majorité des pays de l’Union européenne a opté pour le déploiement généralisé de ces appareils, en particulier dans le cas de gestionnaires de réseaux de distribution couvrant de larges parties du territoire, comme c’est le cas en France par exemple.
Pour certains pays, le déploiement ne concernera dans un premier temps qu’une sélection de sites. Outre-Rhin, sont d’abord installés des compteurs communicants auprès des plus gros consommateurs d’électricité, soit environ 10 millions d’appareils d’ici 2020, pour atteindre les 44 millions en 2032 et équiper ainsi tous les ménages.
Précisons que les compteurs déployés au niveau européen ou mondial n’apportent pas nécessairement de nouveaux services au consommateur. La France, elle, a décidé de mettre l’accent sur de tels services.
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La question des économies d’énergie
Par rapport aux anciens appareils, les compteurs communicants permettent aux ménages d’être facturés pour leur consommation réelle, sur une base mensuelle. Il ne s’agit plus d’une estimation pour l’année, accompagnée d’une régularisation ponctuelle. Linky permet d’autre part d’accéder à des données plus précises concernant la consommation globale d’un logement (par mois, par semaine, par jour, par heure…).
Les différents études ou projets suivis par l’Ademe montrent que l’accès à une information plus précise est une opportunité pour les consommateurs de mieux connaître, comprendre et potentiellement agir pour réduire leur consommation d’énergie. Pour les particuliers, ces économies d’électricité peuvent aller de quelques pour cent jusqu’à 10 % pour les plus gros consommateurs. Ces performances dépendent toutefois fortement des conditions d’accompagnement des ménages.
En pouvant visualiser et vérifier la puissance souscrite via leur abonnement, les consommateurs peuvent enfin l’adapter auprès de leurs fournisseurs si besoin.
Pour les « petits » professionnels, également concernés par le déploiement du comptage communicant, les services et fonctionnalités proposés sont les mêmes que pour les particuliers. Avec des niveaux de consommations souvent plus élevés, les bénéfices peuvent se montrer d’autant plus intéressants pour eux.
Le rôle de Linky dans l’autoconsommation
Depuis début 2017, toute nouvelle installation PV est équipée automatiquement du compteur Linky : ceci permet environ 600 euros TTC d’économie sur les frais de raccordement. En effet, le compteur communicant peut compter à la fois l’électricité consommée mais également l’électricité produite. Il remplace ainsi deux compteurs.
Tout comme pour la consommation, il est possible de suivre sur son espace personnel sa production par jour, par semaine ou par mois. De la même manière, il est possible d’accéder à des points 30 mn ou 1h (l’équivalent de la courbe de charge pour la consommation) de façon à suivre précisément sa production au sein même d’une journée.
Ces relèves plus fréquentes vont également permettre de mieux prévoir les consommations au niveau national et local. Aujourd’hui, les erreurs de prévisions dans la consommation entraînent le recours à différents mécanismes pour équilibrer le réseau, notamment des moyens de production très émetteurs de gaz à effet de serre. De meilleures prévisions devraient donc permettre de réduire le recours à ces énergies fortement carbonées, et de mieux insérer les énergies renouvelables.
Que deviennent les données des usagers ?
Les compteurs relèvent par défaut une donnée globale par jour pour tout le logement (appelé « index »). Pour aller plus loin, le ménage peut, s’il le souhaite, activer la relève de données horaires (appelées « courbe de charge ») pour mieux comprendre le détail de sa consommation heure par heure. De la même façon que pour les données quotidiennes, ces données horaires sont relevées une fois par jour, dans la nuit ; il est possible d’y accéder le lendemain sur son espace personnel.
Comme pour les anciens compteurs, les données sont collectées par les distributeurs dans le cadre de leurs missions de service public. Ces données appartiennent au particulier, qui est le seul à pouvoir y donner accès. Même son fournisseur n’a accès qu’à une donnée mensuelle pour la facturation. Pour pouvoir lui proposer des services sur la base de ses données plus précise, comme pour tous les fournisseurs de services, il est nécessaire d’obtenir un consentement clair et éclairé de la part du particulier.
Ces accords sont conclus pour des durées bien définies, maximum un an pour des données horaires (courbe de charge) et deux ans pour des données quotidiennes (index). Les particuliers peuvent vérifier et révoquer à tout moment l’accès qu’ils ont consenti à un ou différents acteurs tiers, toujours via leur espace personnel.
Les distributeurs veillent à la sécurité des données et au respect de la vie privée, en totale application des lois et en respectant les recommandations de la CNIL.
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À propos des ondes émises
Pour transférer ses données de comptage au concentrateur de « quartier », un compteur communicant électrique n’utilise pas d’ondes radio mais directement le câble et le courant électriques (technologie dite des « courants porteurs en ligne » ou CPL). Cette technologie est déjà utilisée, pour l’électricité, dans la transmission des signaux heures pleines/heures creuses, et également pour des applications Internet domestiques (communications entre la « box Internet » et la « box télé » d’un logement, par exemple).
Comme tout appareil ou signal électrique, le compteur et le signal CPL produisent un champ électromagnétique qui se dissipe avec la distance. Les compteurs Linky « ne sont donc pas des émetteurs radioélectriques », rappelle l’Agence nationale des fréquences (ANFR), agence publique reconnue, spécialiste des champs électromagnétiques, pour qui « le compteur Linky ne conduit pas à une augmentation significative du niveau de champ électromagnétique ambiant ».
Les campagnes de mesure réalisées sur les compteurs communicants par l’ANFR ont mis en évidence des niveaux d’exposition aux champs électromagnétiques très faibles et très inférieurs aux valeurs limites réglementaires. Ils sont ainsi comparables à ceux émis par les dispositifs électriques ou électroniques domestiques.
En effet, en effectuant des mesures d’ondes à 50 cm du compteur dans des situations réelles, l’ANFR mesure des expositions à des champs électriques de 0,1 V/m pour les compteurs communicants, ce qui est par exemple comparable aux champs d’un téléphone sans fil de maison, d’un ordinateur portable ou d’une tablette en wifi (0,4 V/m), et inférieur à une box wifi (2,8 V/m) ou une plaque à induction (30 V/m), toujours à 50 cm.
Ceci confirme les conclusions de l’Anses qui indique une « faible probabilité » que l’exposition aux champs électromagnétiques émis par les compteurs communicants, dans l’actuelle configuration de déploiement, engendre des effets sanitaires à court ou long terme.
Comme l’a rappelé le Conseil d’État en mars 2013, le compteur Linky respecte l’ensemble des normes en vigueur concernant l’exposition aux champs électromagnétiques et notamment les seuils fixés par l’OMS. L’ANFR l’a confirmé récemment. Les mesures qu’elle a réalisées en laboratoire et chez des particuliers montrent que le champ électrique varie entre 0,25 et 0,8 volt par mètre (V/m) à 20 cm, même en communication, soit très en dessous de la valeur limite réglementaire de 87 V/m et d’autres équipements du logement.
Des points à faire évoluer
Aujourd’hui la seule communication régulière de l’index de consommation n’est pas suffisante pour déclencher des évolutions de comportement des ménages en matière d’économies d’énergie. En effet, la consommation quotidienne est le résultat de contraintes sociales (modes de vie) et matérielles (dispositifs techniques, qualité du bâti…) qui limitent fortement les marges de manœuvre des ménages.
Les fournisseurs de services, les gestionnaires de réseau, les collectivités et l’État doivent donc améliorer les dispositifs d’information (espace en ligne, applications, affichage « déporté »…) mais aussi d’accompagnement pour permettre aux ménages de tout d’abord mieux évaluer sa consommation. La piste de l’autocomparaison, c’est-à-dire la comparaison avec sa consommation des périodes (années, mois…) précédentes, semble ici un recours intéressant.
Pour encourager les consommateurs à faire des économies d’énergie, les sources de motivation peuvent être multiples (confort, économie financière, engagement écologique…). Enfin, ils doivent pouvoir bénéficier de conseils personnalisés sur la façon de réaliser des économies d’énergie. Les études s’accordent sur le besoin de conseils très précis sur ce que le ménage peut faire dans sa situation (étant donné ses contraintes propres).
Pour les compteurs communicants, la prise en main doit ainsi parvenir à être simple et en bonne adéquation avec les besoins des particuliers.
Raphaël Gerson, Chef adjoint du service « Réseaux énergies renouvelables », Ademe (Agence de l’environnement et de la maitrise de l’énergie)
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.