Russie
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La démocratie, la guerre et la Paix

Notre planète Terre, Gaïa chez les Grecs, considérée comme un être vivant, correspond régulièrement avec une autre planète de l’univers, Aurore Kepler 452 b dans la constellation du Cygne. Gilles Voydeville nous fait découvrir cette magnifique correspondance interstellaire. Aujourd’hui, Gaïa, fait part à sa sœur de ses inquiétudes sur la démocratie et sur l’inévitable guerre contre l’Ours brun, devenu un danger pour l’Europe.

Dr Gilles Voydeville
Dr Gilles Voydeville (DR)

Par Gilles Voydeville

Lettre de février 2024 sur Gaïa

Lettre du mois des sarments sacrés 30 302 sur Kepler 452 b

Ma chère Aurore,

Je viens de te lire et je comprends ta crainte de voir les fondations de mes démocraties se fissurer sous le rythme cadencé des fake news qui déjà ébranlent l’édifice social et finiront par effondrer les piliers du vivre ensemble. Aujourd’hui le choix de l’électeur est faussé par une débauche de mensonges et le candidat élu n’est que celui qui a su entretenir un espoir illusoire par des stratagèmes inavouables. La démocratie originelle a vécu. Car le jugement de chacun est orienté, altéré par des manipulations électroniques qui ont le redoutable avantage d’agir à l’insu du discernement du votant ; en lui donnant l’impression de choisir librement, en parfait accord avec ce qu’il estime être honnête, c’est-à-dire avec lui-même, il ne se sait pas manipulé car les algorithmes le confortent dans ses choix en lui présentant la réalité à laquelle il est le plus sensible. Les faux démocrates peuvent prendre le pouvoir par ces artifices et pire, ils peuvent le garder. Car si j’ai déjà exprimé tout comme toi quelques réserves sur les bienfaits de la démocratie, elle permettait jusqu’à présent l’alternance qui est garante d’efficacité pour remplacer les gouvernants inaptes.

De fausses images

Mais cette fameuse alternance est mise en péril par les usurpateurs qui, soit s’installent par un coup d’état pour le conserver jusqu’à la mort, soit gagnent une élection et ensuite faussent les suivantes par différentes petites manipulations comme le bourrage des urnes, les grossières erreurs de calcul, le vote électronique, et donc, depuis peu, par la montée en puissance d’Internet associée à l’Intelligence Artificielle qui fabrique des événements authentifiés par de fausses images. La sagesse populaire dite de St Thomas – je ne crois que ce que je vois – est mise à mal et ne peut plus être considérée comme une preuve suffisante et intangible. Ce remarquable phénomène d’accaparement et de conservation du pouvoir a même failli concerner l’une des plus vieilles démocraties de mon monde, l’Amérique du Nord. On peut donc craindre que la démocratie soit en train de perdre l’un de ses avantages majeurs.

Avantages et inconvénients de la démocratie

Car la démocratie qui est la gouvernance par le δῆμος, le peuple, si elle a l’immense avantage de respecter une majorité qui se dégage à l’occasion d’une élection, présente l’inconvénient d’être constituée de la somme des désirs égoïstes des êtres charmants qui la constitue.

Chaque peuple veut toujours plus d’avantages et moins de contrainte. Il se voudrait au paradis sur ma terre puisqu’il n’y croit plus trop dans l’au-delà. Quand les élections sont honnêtes, on peut constater l’insatisfaction permanente des électeurs qui pratiquent le dégagisme à tout va, et remplacent à la première occasion les majorités par leurs opposants. On pourrait dire que le peuple est connu pour abuser de son pouvoir électif envers ses dirigeants, ce qui incitera certains d’entre eux à le conserver en arguant que le peuple est irresponsable et que mieux vaut le guider que subir ses sautes d’humeur (principe chinois).

Bref, il serait temps que Charmant réfléchisse au mode de scrutin avant qu’il ne se débatte dans des filets, comme un poisson dans la nasse d’un chalut qui ne sait pas que ses ancêtres, sortis il y a fort longtemps de la mer, ont fini par enfanter ses prédateurs du jour et leurs terribles outils.

La loi du plus fort

« J’ai compris que la guerre était naturelle, la trêve une façon de se renforcer, et la paix un état temporaire qui permet d’oublier les horreurs de la guerre pour désirer la refaire… »

Connaissant Charmant et sa nature belliqueuse, je suis étonnée de voir autant d’individus vivre ensemble sans se combattre quotidiennement. Charmant n’est pas encore aussi dévoué à sa race que ne le sont les fourmis à la leur, mais une partie fait preuve de compassion et de dévouement pour compenser les méfaits qu’une autre partie lui inflige.

Ce qui m’étonne le plus, c’est qu’il n’y ait pas plus de guerres.

Car mes petits humanoïdes grouillent à ma surface et il est étonnant que le combat ne soit pas déjà général. Ce sont les bienfaits de la civilisation disent-ils, mais quand on en connait l’autre aspect hégémonique, je ne suis pas certaine que ce soit la juste raison. Mais je dois constater que certains Charmants ont essayé de remplacer la loi du plus fort par celle du respect du plus faible. Et je dois avouer que ça marche tant qu’il y en a assez pour tous et tant que la jalousie ne se met pas de la partie. Mais la pénurie étant toujours la conséquence du vivant qui épuise sa terre, un jour ou l’autre advient le besoin de partager les restes et donc les désaccords. Ma chère Aurore, mes richesses n’étant pas illimitées, j’ai compris que la guerre était naturelle, la trêve une façon de se renforcer et la paix un état temporaire qui permet d’oublier les horreurs de la guerre pour désirer la refaire. Je m’étonne presque de sa rareté liée sans doute à la pertinence, à la prévoyance des meilleurs gouvernants qui essayent de faire mentir cette règle simple que je viens d’édicter. Il en existe bien évidemment de médiocres qui n’ont pas suffisamment de talent pour éviter les massacres, ceux qui se croient dépositaires du savoir vivre mais ne connaissent que le faire mourir.

L’Ours maléfique

Par exemple, tout comme l’était l’oncle Adolf vecteur de la terrifique peste brune, l’Ours brun est un spécialiste de la décimation.

Il veut régner de sa voix de fausset, depuis l’Europe jusqu’aux confins des immenses steppes gelées de l’Arctique. Il pense accroitre son pouvoir par la mise à mort d’une partie de son peuple qu’il mobilise et envoie à l’abattoir pour agrandir son territoire et combattre un ennemi qui s’ignorait nazi et menaçant. Il parfait le tableau en enfermant les réfractaires à sa politique et en les faisant lâchement assassiner. Tout cela pour préserver son peuple d’un danger hypothétique. Grande prudence fort dévastatrice…

Et je ne suis pas certaine que cet Ours maléfique fasse tout cela pour préserver ma nature en diminuant sa population. Il n’a pas la phronesis adéquate pour gouverner. Mais, comme il a consulté quelques livres, sa prétention va jusqu’à se prendre pour un grand historien ; et comme il a assez facilement obtenu le pouvoir, il se sait grand politique. Son pays dispose donc du redoutable atout de connaître le passé, d’apprécier le présent et d’infléchir l’avenir par l’incroyable chance d’avoir à sa tête et un historien et un politique de haute lignée. La vanité, la prétention, la fatuité, l’ignorance et la bêtise sont des qualités assez largement répandues dans la race charmante. Elles font plus de dégâts quand elles se conjuguent en un seul esprit qui a du pouvoir.

Les affres de deux guerres mondiales

« On n’évite pas la guerre, on la diffère à l’avantage d’autrui ».

Le fringant président de l’Etat de France vient de s’attirer les foudres de ses alliés pour avoir oser dire que son pays était prêt à envoyer des troupes sur le sol de l’Ukraine. Ceci sans doute parce que la vieille Europe n’a pas eu le temps d’oublier les affres des deux guerres mondiales qui se sont principalement déroulées sur son sol. Ce Charmant lucide s’est fait traiter de va-t-en guerre par son opposition et d’inconscient par nombre de chef d’Etats européens dont l’Allemand. Pourtant Nicolas Machiavel nous rappelle (Le Prince § 3) que « les Romains savaient qu’on n’évite pas la guerre mais qu’on la diffère à l’avantage d’autrui. C’est pourquoi ils voulurent la faire en Grèce contre Philippe de Macédoine et Antiochus, pour ne pas avoir à les affronter en Italie… Et que jamais ne leur plut de jouir du bénéfice du temps. » Le temps qui passe aggravera l’amertume du fruit pourri qui de toute façon tombera… Autant l’éliminer avant qu’il ne contamine la récolte.

Les prince et les esclaves

« Quand on acquiert une province différente par la langue, les coutumes et les ordres, là sont les difficultés ».

Donc selon Machiavel l’Ours brun, dans sa frénésie de restaurer l’Empire Soviétique en envahissant l’Ukraine, n’avait pas fait un si mauvais choix. En tentant d’investir la Kiev russophone, il ne s’attendait pas à de telles difficultés car il la pensait encore régie par les mêmes coutumes et les mêmes ordres que la Sainte Russie.

Quant à l’opportunité pour les Européens de contre-attaquer aujourd’hui la Russie, on peut encore s’en remettre à l’illustre Florentin. Celui-ci étudie les différents types de gouvernements qu’il appelle les « principats ». Il y en a deux, ceux gouvernés par un prince entouré de serviteurs et d’esclaves et ceux gouvernés par un prince et des barons qui tiennent ce rang par ancienneté du sang dans leurs provinces. Dans le premier principat qui pourrait correspondre à la Fédération de Russie, l’ennemi ne peut être appelé par les barons qui n’existent pas car ceux qui en font office sont les obligés du prince. Mais en revanche, « Le prince étant anéanti, il ne reste personne à craindre, car tout comme le vainqueur avant la victoire ne pouvait placer d’espoir en les serviteurs du régime, de même il ne doit pas après les craindre. »

La peur est mauvaise conseillère

Il faudra donc être sûr de ses forces pour affronter la Russie, mais il n’y aura pas de difficulté pour établir un changement de régime après la victoire.

Et si la peur de la guerre unit encore la plupart des Occidentaux, il faut savoir qu’elle n’évite pas le danger et qu’elle est mauvaise conseillère. Et on peut être certain qu’un front belliqueux surprendra ce despote qui prend les Occidentaux pour des lavettes. Il peut déjà s’alarmer que l’un d’entre eux ait compris les ressorts des rapports de force : Si vis pacem, para bellum (Si tu veux la paix, prépare la guerre).

L’Amérique a encore ici toute sa place dans la mauvaise approche du conflit. Aux prémisses du conflit, celui que je qualifiais de chèvre avait proclamé à hue et à dia qu’il n’enverrait pas un seul soldat américain sur le sol ukrainien : si cela n’est pas un encouragement à la forfanterie de l’adversaire, dis-moi ma chère Aurore comment qualifier une telle bévue.

Le retour de la diaspora

La haine se rapproche de l’amour…

Quand je t’explique que la guerre est naturelle, je pourrais prendre de nombreux exemples, mais je vais me contenter d’illustrer mes propos par la prorogation d’un conflit ancien qui est celui entre les Hébreux et les Palestiniens. Il commence il y a 3000 ans quand reviennent les Hébreux d’Égypte. Ils découvrent l’installation sur le rivage de Canaan d’un Peuple de la Mer appelé Philistin. Il s’ensuit des guerres rapportées par les historiens et illustrées par l’Ancien Testament qui rapporte l’épopée du combat du juif David contre l’ogre philistin Goliath. Les trêves entre les deux peuples ont été surtout la conséquence des déportations du peuple juif, la première en Mésopotamie par les Babyloniens, la plus conséquente orchestrée par les Romains, le retour de la diaspora ne s’étant effectué que depuis un peu plus d’un siècle. L’acharnement des deux parties à vouloir détruire l’autre dépasse l’entendement et je ne comprends pas comment deux peuples brillants ne peuvent pas trouver un terrain d’entente raisonnable. Ils y laissent tous les jours des morts que seule la vengeance apaisera pour relancer le massacre. La haine se rapproche de l’amour dans sa façon d’exclure toute modération sentimentale. C’est dire si cette guerre multi millénaire a des racines profondes et des raisons de se perpétuer. Surtout si l’Amérique entretient et soutient l’Etat hébreux au-delà de la légitime défense.

Netanyahou se trompe

Et si Netanyahou a lui aussi lu Machiavel et pense que Ismail Haniyeh est un prince entouré d’esclaves et d’obligés, il se trompe. Ses cheiks et ses chefs de guerres, ses barons sont aimés par son peuple. Et il faudra attendre l’anéantissement de la mémoire dans le principat palestinien pour que les Palestiniens se reconnaissent dans le principat israélien : autant dire jamais.

Voici ma chère Aurore mes dernières pensées.

Je m’éclaire des meilleurs penseurs Charmants qui, tout comme le soleil d’hiver, m’éclairent mais ne me réchauffent pas car ils m’annoncent des guerres par nécessité et même par amour de la haine. Je suis même étonnée que cette haine ne soit pas citée dans les Évangiles comme l’un des sept péchés capitaux. Ceux-ci sont considérés comme capitaux car s’ils sont généralisés, ils aboutissent à l’extinction de la race charmante. La colère qui appartient à cette triste liste n‘est pas la haine, elle est ponctuelle, fruit d’un emportement qui s’éteint avec la résurgence de la raison. Pas la haine…

Je t’enlace de mille aurores boréales.

Ta Gaïa

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