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« La fille d’Albino Rodrigue » cherche son père, désespérément

Conquise par « la présence d’un passé proche industriel », c’est en Moselle que Christine Dory a tourné ce film captivant, interprété par Galatéa Bellugi et Emilie Dequenne, et qui avait été présenté aux Rencontres du Cinéma de Gérardmer.

Révélée dans « L’Apparition » de Xavier Giannoli, Galatéa Bellugi incarne Rosemay, « La fille d’Albino Rodrigue », qui s’inquiète de la disparition de son père.

Sur le parvis de la gare de Metz, Rosemay attend en vain que son père vienne la chercher. Incarnée par Galatéa Bellugi, Rosemay est « La fille d’Albino Rodrigue », personnage principal du film de Christine Dory (sortie le 10 mai), présenté par sa réalisatrice lors d’une toute première projection publique aux Rencontres du Cinéma de Gérardmer. C’est donc en bus que la jeune fille de 16 ans, bientôt 17, rejoint la maison familiale à Rosselange, où est fixée sur la façade une plaque au nom du père, Albino Rodrigue, brocanteur, dit Billy.

Mais à la maison non plus, pas de père. « Il est où Billy ? », demande la fille à sa mère. Pas revenue depuis quelque temps (elle vit ailleurs dans une famille d’accueil), Rosemay s’inquiète. Christine Dory a fait un casting pour trouver une inconnue dans le rôle de la fille : « Je cherchais une Sandrine Bonnaire », confie-t-elle, « Je pensais que Galatéa Bellugi n’avait pas l’âge du rôle ». Finalement, la cinéaste a été conquise (et les spectateurs le seront aussi) par la jeune actrice révélée dans « L’Apparition » de Xavier Giannoli.

« Une certaine France abandonnée »

« C’est un film où il faut bosser quand on le regarde, tout n’est pas clairement exprimé », précisait la réalisatrice Christine Dory, lors des Rencontres de Gérardmer.

« On s’attache à une fille de seize ans qui est confrontée à une adversité assez rude, sa mère », ajoute Christine Dory, qui a écrit le rôle de mère indigne pour Emilie Dequenne, la « Rosetta » des frères Dardenne. « En fait, ça l’amusait de jouer un personnage méchant, je lui ait dit ‘’Tu vas jouer un monstre’’ », dit-elle, « C’est une mère qui n’a jamais eu une attitude maternelle ». Menteuse, glaçante, manipulatrice, désinvolte, effrayante, elle improvise ses réponses aux questions de sa fille : son père est malade, à l’hôpital, à Mâcon, puis à Metz, en fait non, parti avec une jeunette, et puis non plus, il se cache, il a des ennuis… « Elle est tout le temps au bord du gouffre, elle a beaucoup d’à-propos », dit la réalisatrice.

Après avoir tourné son premier film « Les Inséparables » à Strasbourg, Christine Dory est revenue en Grand-Est (la Région participe pour un quart au financement du film) et particulièrement en Moselle où elle a tourné « La fille d’Albino Rodrigue ». « Je voulais tourner chez moi, en Rhône-Alpes, dans la vallée de Saint-Etienne, mais j’ai trouvé les mêmes décors post-industriels dans le Grand-Est, y sentir une certaine France abandonnée par les pouvoirs publics et politiques », dit-elle, « La présence d’un passé proche industriel, la paysage est marqué, c’est ça que j’avais envie de filmer. Arcelor-Mittal a fait espérer les gens, les personnages de mon film appartenaient à ce monde, ils sont marqués par ce paysage. Ils sont au chômage depuis quinze ans, la vie est dure, ils sont abandonnés, avec l’usine en face de la maison, et le cimetière de l’autre côté. Emilie Dequenne est l’équivalent en chair humaine de ce paysage, c’est l’anti-sophistication ».

« Le potentiel tragique des faits-divers »

La fille d’Albino Rodrigue sent bien qu’elle se fait baratiner par sa mère et ses versions aussi différentes qu’improbables ; faussement rassurée, elle rentre pourtant dans sa sympathique famille d’accueil (Romane Bohringer et Samir Guesmi), où arrive une nouvelle « petite sœur ». Mais elle suit son intuition, fait part de ses soupçons : « Elle est seule, elle a beau appeler au secours, ça ne répond pas, personne ne s’est jamais inquiété de la disparition de son père », dit la réalisatrice, qui s’est « librement » inspirée de deux faits-divers imbriqués. « J’ai beaucoup simplifié », assure Christine Dory, qui fut un temps « très accro » aux émissions de faits-divers ; « La plupart n’ont aucun intérêt mais, de temps en temps, il y a un potentiel tragique », dit-elle, « La vraie Rosemay, que j’ai vue à la télé raconter son histoire, m’a bouleversée, elle a réussi à s’extraire d’un milieu toxique. Elle avait le regard de celle qui a survécu à un truc mortel, elle était marquée physiquement ».

« C’est un film où il faut bosser quand on le regarde, tout n’est pas clairement exprimé », précise la réalisatrice, qui a tourné un récit captivant, impeccablement interprété par Galatéa Bellugi en ado timide mais entêtée qui cherche son père désespérément, et Emilie Dequenne en menteuse pathologique, incarnation de « la banalité du mal » ; et où le décor du nord de la Lorraine, paysage industriel et hauts-fourneaux, apporte tout son poids dans la lourdeur de l’atmosphère.

Patrick TARDIT

« La fille d’Albino Rodrigue », un film de Christine Dory, avec Galatéa Bellugi et Emilie Dequenne (sortie le 10 mai).

Emilie Dequenne interprète une mère menteuse, glaçante, manipulatrice, désinvolte, effrayante : « C’est une mère qui n’a jamais eu une attitude maternelle », précise le réalisatrice.
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