La Ville de Nancy va acquérir le vase Endormeuses Saisons, de l’artisan verrier Emile Gallé (Nancy, 1846- Nancy, 1904), après un vote en conseil municipal ce lundi 9 décembre. Ce vase en verre multicouche, décor gravé et patine mesure 44,5 cm de haut et 17,5 cm de diamètre au niveau de la panse.
Le vase Endormeuses Saisons a été présenté lors de l’Exposition Universelle de 1900 à Paris. Émile Gallé avait soigneusement préparé cette manifestation et avait conçu pour cette dernière, un ensemble de verreries et de pièces de mobilier nouvelles et inédites, témoignant de ses dernières recherches et innovations techniques.
À partir d’un poème de Baudelaire
Le décor de ce vase est assez inhabituel dans l’œuvre de Gallé autour de 1900, où l’inspiration naturaliste domine. Ce vase est orné de trois femmes : l’une à la longue chevelure cueille des feuilles, une autre danse avec une large écharpe alors que le visage de la troisième apparaît à l’arrière-plan. Elles se situent dans un paysage, évoqué par un arbre et des feuilles sur les parties haute et basse du vase. L’ensemble est dominé par les lignes courbes dans le décor — chevelure, écharpe, robe ondoyant jusqu’au tronc penché de l’arbre – mais également dans la forme du vase. Le dessin est attribué à Louis Hestaux (1858-1919), responsable de l’atelier de dessin de l’usine d’art Gallé. Son nom est en effet mentionné dans la légende accompagnant la reproduction de cette verrerie dans une revue d’art en 1901. Cependant, la composition a surement été définie par l’artiste-verrier lui-même à partir d’un poème de Baudelaire. Les citations poétiques l’aidaient à concevoir de futurs décors.
Un brevet déposé
Le vase est en verre coloré, avec les motifs repris à la gravure et associé en partie basse et haute à des traces de patine. Cette technique a fait l’objet d’un brevet déposé par Gallé en 1898. Elle consiste à inclure dans le verre, les poussières de combustion des fours, ce que les verriers tentaient d’éviter depuis des siècles. Ces poussières donnent alors des effets de surface assez étonnants, irréguliers et plutôt mats. La technique de la patine a été utilisée dans cette pièce, pour restituer la décrépitude des feuilles à l’automne. La tonalité orangée du vase et les motifs évoquent clairement cette saison. Le titre Endormeuses Saisons confirme ce sujet. Il est emprunté à la première strophe du poème « Brumes et pluies » des Fleurs du mal de Charles Baudelaire.
En deux exemplaires
Le vase Endormeuses Saisons a été réalisé en deux exemplaires, Gallé exécutant souvent deux modèles pour les verreries conçues pour des manifestations importantes ou à l’occasion de commandes majeures. Le deuxième exemplaire est conservé dans une collection privée.
Ce vase s’avère intéressant pour le Musée de l’École de Nancy en raison de son décor assez rare associant des femmes à un paysage. Ce thème n’a pas souvent été abordé dans la production verrière d’Émile Gallé, mais à l’approche de 1900, il propose quelques vases ornés de paysage. Ce décor est fréquemment associé à une période de la journée ou à une saison particulière, traduites à partir de sensations ou d’impressions. Le décor symboliste assez évocateur du vase Endormeuses Saisons se révèle caractéristique des dernières œuvres de verre du chef de file de l’École de Nancy où il essaye de transcrire à l’aide de motifs et d’effets de matière, une ambiance plus poétique que réaliste, ici empreinte d’une grande douceur.
Cette pièce a été vendue lors de la vente Collection Francis Meyer – L’Âme du Verre organisée par Sotheby’s à Paris, le 8 octobre 2024, pour un montant de 14 245 € TTC.