Dans une lettre ouverte aux élus de Nancy suivie d’une pétition, un groupe de défenseurs du patrimoine s’oppose à une opération immobilière sur un site archéologique.
Ils tirent la sonnette d’alarme. Jacques Boulay, représentant de la Société de Protection des Paysages et de l’Esthétique de la France, Christian Laurent, président de l’Union Rempart Grand Est et André Vaxelaire, ancien enseignant de l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Nancy interpellent André Rossinot, président de Nancy-Métropole et Laurent Hénart, maire de Nancy, pour sauvegarder et valoriser les vestiges des fortifications de la ville de Charles III (16ème siècle) menacés par un grand projet immobilier baptisé Nancy Grand-Cœur.
Ils écrivent : « Nous sommes affligés de devoir vous alerter une fois encore, après neuf mois de requêtes répétées, sur le déni de l’Histoire et de la Mémoire et l’atteinte au paysage urbain du secteur sauvegardé qui semblent se confirmer dans le site des vestiges du bastion de Saurupt et de la prison Charles III. Nous venons en effet de découvrir par voie de presse le projet de « Parc des Vestiges » qui serait aménagé dans l’extrémité nord du parc de la Congrégation des Soeurs de la Charité de Saint-Charles et qui accueillerait quelques pierres extraites des vestiges du bastion de Saurupt afin de « maintenir la mémoire de l’histoire de la ville ».
La lame de la guillotine
De quoi s’agit-il ? De déplacer quelques vestiges archéologiques dans un parc dédié aux fortifications afin de faire place à trois projets immobiliers. « Ce projet n’est pas la hauteur d’une ville classée au Patrimoine Mondial de l’Unesco » affirment les signataires de la lettre ouverte et de la pétition. Ils estiment que ces opérations immobilières méprisent ce lieu porteur de mémoire.
En effet, ils se demandent si l’on peut faire vivre des habitants à l’emplacement de l’ancienne prison Charles III (située sur les lieux mêmes des vestiges découverts lors des travaux de démolition), « à l’endroit même où la lame de la guillotine trancha la tête d’une cinquantaine de condamnés à l’exécution capitale (…) ? Ou encore d’implanter leurs constructions sur les lieux mêmes où transitèrent celles et ceux qui furent dirigés vers les trains menant aux camps de concentration et d’extermination ou vers les camions bâchés conduisant aux pelotons d’exécution ? (…) Comment oser effacer une mémoire aussi lourde pour quelques investissements immobiliers qui pourraient se réaliser très facilement ailleurs dans le quartier Nancy Grand-Coeur ? »
Des demandes, une proposition
Que demande le groupe baptisé ‘’avenirsitebastionsaurupt’’ ?
- « De faire procéder au déplacement des opérations immobilières envisagées sur le site qui, en l’état, ruineraient l’ambition de réaliser une « couture » harmonieuse entre le quartier Nancy Grand-Coeur et le centre historique dans ce secteur.
- « D’initier la mise en oeuvre d’un projet d’aménagement qui exploite enfin le potentiel exceptionnel (à l’échelle du centre historique de Nancy) susceptible de révéler et valoriser le paysage de l’enceinte fortifiée de la Ville de Charles III et d’apporter une réponse enfin digne au devoir de Mémoire que l’on doit aux événements liés à la Résistance et à la Déportation qui se sont déroulés dans la prison Charles III dans la France de Vichy.
- « De stopper en conséquence le projet de « Parc des Vestiges.
- « D’envisager enfin, sans que cela mette en cause l’ensemble de la démarche suivie jusqu’alors, une révision partielle du plan d’aménagement du quartier Nancy Grand Cœur qui écarte en particulier deux options inutilement coûteuses et présentant le risque de graves dysfonctionnements urbains : la suppression du boulevard Joffre et la démolition (suivie d’une reconstruction partielle) du Pont des Fusillés. »
Les signataires de la lettre ouverte et de la pétition proposent une solution alternative ainsi commentée :
« vue à l’aplomb du parc de la Congrégation des sœurs de Saint-Charles en direction du nord, les arbres en arc de cercle font partie du parc de la Congrégation (ils entourent une statue monumentale qui n’est pas représentée). Deuxième plan : reconstitution d’une partie du bastion de Saurupt (qui serait menée sous la forme d’un chantier participatif sous l’égide de l’Union Rempart). Sur la droite (à côté de l’arbre) : reconstruction du portail de la prison Charles III (à proximité de son lieu d’implantation d’origine). Dans tout ce secteur : espaces didactiques sur la Résistance et la Déportation – avec positionnement d’un monument pour les cérémonies commémoratives au fond de l’image (face au lycée Cyfflé en gris) : la place des Justes envisagée dans le projet Nancy Grand-Cœur. Les bâtiments en blanc autour du site du bastion correspondent aux projets envisagés dans le cadre du plan d’aménagement Nancy Grand-Cœur. Sauf sur la droite : extension de l’hôpital Saint-Charles en cours de construction. »