Plongez dans le grand bain de cette comédie joyeuse avec une équipe gay de water-polo, et ses « valeurs positives, d’amitié, de liberté et de tolérance ».
« Je voulais montrer des personnages joyeux qui mettent des paillettes dans la vie pour la rendre plus gaie », confiait Cédric Le Gallo, lors des Rencontres du Cinéma de Gérardmer, où il était venu présenter en avant-première le film qu’il a co-réalisé avec Maxime Govare, « Les Crevettes Pailletées » (sortie le 8 mai). Il était alors accompagné de plusieurs acteurs (Alban Lenoir, Michaël Abiteboul, Roland Menou, Félix Martinez…) qui forment à l’écran cette équipe gay de water-polo, Les Crevettes Pailletées.
« C’est le vrai monde de notre équipe dont je fais partie depuis huit ans, le seul point commun c’est d’être gay. Tout n’est pas vrai, mais il y a beaucoup de vrai et beaucoup de fiction. Les acteurs se sont entraînés avec les vraies Crevettes Pailletées, c’était une immersion totale », ajoute Cédric Le Gallo, « L’idée c’est d’amener tout le monde dans cet univers très coloré, sportif, c’est rare un groupe de gens qui n’ont en commun que d’être gay ».
C’est donc pour entraîner cette équipe turbulente, qui pense plus à la fête qu’à la compéte, qu’est envoyé malgré lui un champion de natation (joué par Nicolas Gob) ; après s’être énervé envers un journaliste, et suspecté d’homophobie, le nageur macho est condamné à un travail d’intérêt général, il doit préparer pour les Gay Games cette bande de joyeux lurons dont le cri de guerre est : « On va vous décortiquer ! ».
« On jongle entre le rire et l’émotion »
Une bande de mecs, une piscine, des entraînements, une compétition… Bien sûr, on pense vite au film de Gilles Lellouche, « Le grand bain », et sa bande de loosers qui deviennent champions de natation synchronisée. « On a écrit le film bien avant, c’est vraiment un hasard », assure Cédric Le Gallo, « Le grand bain est un film formidable, mais très différent, l’humour est différent, ce sont des personnages dépressifs alors qu’on est grosso modo des trentenaires extrêmement joyeux ».
Autre point commun pourtant, l’esprit d’équipe, qui soude l’hétéroclite troupe dans l’adversité. Loin de la version sinistre ou caricaturale de l’homosexualité dans le cinéma français, « Les Crevettes Pailletées » est une comédie positive, dont la gravité du propos est gaiement emballée dans la légèreté de la forme, on se laisse emporter par la joyeuse folie de ces mecs qui organisent du showtime délirant jusqu’à un enterrement. « C’est facile d’être léger dans une fête, mais ils viennent aussi injecter de la légèreté là, c’était important d’apporter de l’humanité à des personnages qui sont extravagants », assure Cédric Le Gallo.
Le film ayant reçu le soutien de la Région Grand Est, une grande séquence de fête aux allures de bacchanale a d’ailleurs été tournée aux Bains Romains de Mulhouse (« Un endroit magnifique »). Le duo de réalisateurs revendique les influences du cinéma anglo-saxon et de films tels que « Pride », « Short bus », et bien sûr « Priscilla, folle du désert » (« C’est un film culte dans la communauté gay, un road-trip initiatique ») ; une bonne partie de leur film se déroule d’ailleurs lors d’un voyage en bus jusqu’aux Gay Games en Croatie.
« Ce n’est pas un film complétement figé dans un genre, pas une comédie cent pour cent gaudriole, pas un drame total, on jongle entre du rire et de l’émotion, différents genres de rire, du rire assez sain parfois, carrément border line par moments où on se permet des choses excessives. Comme le font très bien les Anglais, parfois dans un film très élégant tout d’un coup il y a un truc complètement exagéré qui arrive et puis ça passe », précise Cédric Le Gallo.
« Sublime, festif, plein d’amour, de joie »
« Pas de levrette entre Crevettes », provoc ou culture queer, les vannes fusent : « C’est la culture de vestiaires, que ce soit hétéro ou gay, je serais très malheureux dans un vestiaire hétéro parce que je passerai un peu à côté des blagues grivoises, en revanche on est tout aussi lourds, dans un vestiaire on parle aussi de cul, sauf qu’on parle de mecs », assure le coréalisateur. « Quand on a préparé le film, on a rencontré les vraies Crevettes Pailletées », ajoute l’acteur Alban Lenoir, « Nous sommes allés dans leurs vestiaires où on a découvert ce truc, les vraies blagues, les vraies musiques, il y a une ambiance, on s’est inspirés de ce qu’on a vu qui était sublime, festif, plein d’amour, de joie ».
Acteurs et réalisateurs avaient été confortés par l’accueil du Festival de l’Alpe d’Huez où le film « à peine fini » avait été montré, et où il avait reçu le Prix Spécial du jury : « Il y avait quand même une interrogation de la part des partenaires, mais les gens ont vraiment adhéré à cette bande de potes et à ses valeurs positives, d’amitié, de liberté et de tolérance », constate Cédric Le Gallo. La comédie permet aussi d’évoquer le rejet, l’agressivité : « On n’est pas des Bisounours, on n’est pas naïfs, même si on vit dans notre bulle de tolérance, on sait que tout le monde ne l’est pas », dit le co-réalisateur.
Une mauvaise rencontre avec des lourdauds va ainsi se terminer en agression homophobe : « C’est terrible de voir, chaque semaine sur les réseaux sociaux, des photos de gays à la gueule cassée en sortie de bar ou dans la rue. Est-ce que c’est en augmentation ou pas, je ne sais pas, en tout cas les gens ont moins honte de le dire et le dénoncent », observe Cédric Le Gallo, « La porte d’entrée du film c’est le rire, la promesse du rire, mais à l’intérieur bien sûr il y a des thèmes profonds comme l’homophobie, ce qu’on peut vivre encore aujourd’hui malheureusement, c’est important d’en avoir conscience et de le montrer ».
« Souvent, le mépris et la haine viennent de l’ignorance », ajoute Alban Lenoir. « A la cérémonie d’ouverture des Gay Games à laquelle on a participé, il y avait des pays comme les Etats-Unis avec une délégation immense, mais il n’y avait qu’une seule personne pour représenter l’Egypte », constate l’acteur Félix Martinez.
Patrick TARDIT
« Les crevettes pailletées », un film de Cédric Le Gallo et Maxime Govare (sortie le 8 mai).