Après son enfance dans « My Little Princess », Eva Ionesco fait dans ce film la chronique de son adolescence et des années Palace.
Dans un film, « My Little Princess », et un roman, « Innocence », Eva Ionesco avait raconté son enfance abîmée de Lolita surexposée par sa mère photographe Irina Ionesco. Le second film qu’elle réalise, « Une jeunesse dorée » (sortie le 16 janvier), est la suite, avec une nouvelle fois une fille qui pourrait être elle, « sans être directement » elle. C’est Rose, une môme de 16 ans, qui sort d’un foyer de la DDASS pour courir s’étourdir dans la fête et les bras d’un garçon aux ailes d’ange, Michel, peintre sans le sou mais pas sans talent.
Jeune actrice, remarquée dans « L’Apparition » de Xavier Giannoli, l’excellente Galatéa Bellugi s’est fait le physique de Rose (et Eva jeune), une bimbo à la longue chevelure blonde, faux-cils, rouge aux lèvres, et une drôle de diction. Lukas Ionesco, fils de la réalisatrice, incarne quant à lui l’artiste inspiré du peintre Charles Serruya. Le couple de jeunes gens se fait la promesse en l’air de s’aimer pour la vie, et à la veille de ces « horribles années 80 », part rejoindre « la bande des jeunes » du Palace, boîte à la déco noir, rouge et or, « haut lieu de la nuit » parisienne.
Eva Ionesco a écrit le scénario de cette autofiction avec son mari, l’écrivain Simon Liberati, dont les livres « Anthologie des apparitions » et « Eva » sont inspirés de son histoire à elle. C’est au Casino de Paris et aux Folies Bergère que la réalisatrice a reconstitué les folles nuits du Palace, où se mélangeaient fêtards, artistes, célébrités, créatures… Une vie en bande et des soirées de fête, où l’on croise le journaliste Alain Pacadis, Christian Louboutin, Farida… Au programme, sexe, drogue, mais pas de rock’n roll, plutôt new wave et disco.
Rose et Michel y rencontrent un couple plus âgé, une riche bourgeoise et un « opiomane lettré », joués par Isabelle Huppert (qui incarnait la mère dans « My Little Princess ») et Melvil Poupaud. Aussi « pygmalions que vampires », les aînés sont autant manipulateurs qu’initiateurs pour leurs conquêtes juvéniles. Leur château, grande et belle maison de campagne, sera le décor baroque de liaisons dangereuses, « d’expériences », de défonce, luxure et désoeuvrement. D’abord agacé par ces enfants gâtés du Palace, leur inconsistance et leurs délires festifs, on s’attache finalement aux personnages lorsqu’ils ne sont plus que quatre (avec encore un grand numéro d’Isabelle Huppert) et célèbrent leur mariage commun, la plus jolie scène du film.
Patrick TARDIT
« Une jeunesse dorée », un film de Eva Ionesco (sortie le 16 janvier).