Hauts de France
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Radiographie de la France rurale (8 et 9/12)

L’Association des maires ruraux de France (AMRF) propose quelques initiatives attestant de la dynamique des campagnes autour de sujets de la vie quotidienne. Mais aussi les défis relevés et à relever. Aujourd’hui : le renouveau des petits commerces dans les villages.

Les épiceries solidaires (8 et 9/12)

Grâce à des initiatives à foison, de nombreux villages voient se créer, là où il n’y en a jamais eu, ou revenir un commerce d’alimentation. Parmi les solutions, hors secteur économique classique, des habitants et des élus se fédèrent pour ouvrir une épicerie associative ou des actions communales inédites comme à Augé St Vincent, premier « village tiers-lieux » !

Guern, épicerie participative (Photo AMRF)
Guern, épicerie participative (Photo AMRF)

Guern (56) : ouverture d’une épicerie participative avec Bouge ton coq !

D’ici à la fin de l’été la commune de Guern, dans le Morbihan, sera dotée d’une épicerie participative.
Ce projet, qui a vu le jour grâce à l’aide de l’association Bouge ton coQ !, devrait permettre de répondre à la problématique de l’accès aux services de vente alimentaire. L’association a pour objectif de permettre aux communes rurales de se doter d’épicerie gérées directement par des habitants-bénévoles. Une initiative qui a rencontré un véritable engouement auprès des résidents de Guern.
Le maire de Guern, Joseph le Bouédec, a découvert l’initiative #Lemoisépic’ grâce à l’AMRF qui est partenaire de Bouge ton coQ !
Cette initiative lancée par l’association consistait en un appel à 50 candidatures pour ouvrir une épicerie participative dans des communes de moins de 3 500 habitants sans commerce de proximité.
« Une étude réalisée par l’INSEE et Famille Rurales a montré que 81% des Français considèrent que vivre à la campagne est un cadre de vie idéal », explique Aymard de la Guillonnière, responsable manifestations d’intérêts chez Bouge ton coQ ! « Pour autant, parmi ces 81% de Français, 65% qui estiment que la vie dans un milieu rural est difficile », poursuit-il.
Si plusieurs facteurs peuvent expliquer ce sentiment, la difficulté pour accéder à des commerces joue un rôle central selon lui. C’est donc à cette problématique que l’association Bouge ton coQ ! tente d’apporter des réponses en se rapprochant de communes comme Guern.

Un projet qui a rencontré un véritable succès

Pour commencer à sonder l’intérêt des habitants sur ce projet, la commune a lancé une grande enquête. Au total, plus de 250 personnes ont répondu favorablement. Le projet pouvait donc être lancé sans craindre que celui-ci ne s’essouffle. « Le plus important, au début, a été de se montrer à l’écoute des besoins des habitants pour être certain qu’ils s’investissent », explique Marie Kerampran, chargée de mission revitalisation à Guern. Elle ajoute : « Afin d’être le plus efficace possible nous avons séparé les bénévoles selon des groupes thématiques comme la recherche des fournisseurs, l’aménagement du local… ».
L’association Bouge ton coQ ! a de son côté pris en charge la formation des habitants souhaitant s’investir dans le projet. « La part la plus importante de la formation concerne l’application Monépi », précise Aymard de la Guillonnière. Cet outil numérique permet de gérer l’épicerie dans sa globalité grâce à un planning partagé sur lequel les bénévoles indiquent leurs disponibilités. C’est aussi elle qui permet par exemple de gérer les relations avec les producteurs.
Chaque bénévole donne ensuite deux heures de son temps par mois pour se consacrer à la gestion de l’épicerie, que ce soit à la vente, à la gestion de l’inventaire, etc.

Le fonctionnement de l’épicerie participative

L’épicerie participative valorise au maximum les producteurs locaux pour les produits alimentaires. « Pour tous les autres biens, l’application Monépi permet d’avoir accès à des grossistes », explique Marie Kerampran. Toutes les ventes sont réalisées à prix coûtant puisque le but de l’épicerie n’est pas de faire des bénéfices.
Pour pouvoir acheter un produit, il est par contre nécessaire de devenir adhérent. Le tarif est de 10 € par an, il existe aussi un tarif pour les familles à 20 €. Ensuite, il suffit simplement de recharger son compte sur internet pour pouvoir effectuer des achats. « Nous avons aussi un tarif spécial pour les personnes qui ne sont pas adhérentes, il leur suffit simplement d’ajouter 1 € à leur panier total quand elles achètent », explique Marie Kerampran
« La commune de Guern n’a pas eu à investir d’argent dans le projet puisque Bouge ton coQ ! octroie à chaque commune 1 100 €, qui servent à financer l’aménagement d’un local mis à disposition par la mairie », souligne Aymard de la Guillonière.
En ce qui concerne la gestion quotidienne de l’épicerie, celle-ci est faite sur un mode collégial.
« Il n’y a pas de conseil d’administration ou de personne à la tête du projet, cela permet d’assurer la pérennité dans le temps puisque l’épicerie est gérée de façon autonome via l’application et si des bénévoles quittent le projet il peut continuer à perdurer », explique Aymard de la Guillonière, fier du succès que rencontre aujourd’hui l’initiative réalisée en collaboration avec la mairie de Guern.

Pour aller plus loin

Auger-Saint-Vincent (60) : un café-citoyen financé grâce à un gîte communal

Auger, dans l'Oise, un café-citoyen (AMRF)
Auger, dans l’Oise, un café-citoyen (AMRF)

L’ancien presbytère d’Auger-Saint-Vincent, dans l’Oise, est désormais occupé par un café citoyen et un gîte communal.

Racheté par la commune au début des années 2010, il est aujourd’hui mis au profit du village qui ambitionne de devenir un véritable tiers-lieu.

C’est un projet ambitieux qui connait déjà un départ très positif et qui se construit sur un modèle économique solide et réfléchi.
Fabrice Dalongeville, maire d’Auger-Saint-Vincent, ambitionnait depuis longtemps de transformer l’ancien presbytère en une structure dont la commune tirerait des avantages. Après plusieurs projets abandonnés, il décide en 2018 de s’orienter dans la direction du tiers-lieu. La solution retenue est celle d’un café-citoyen.
La question du financement se pose alors : comment rendre ce projet viable ? « Pour les cafés-citoyens le lancement est une étape parfois complexe. Nous avons fait le choix d’une gestion par une association mais il fallait que la commune finance le lancement », explique Fabrice Dalongeville, qui a alors décidé de créer un gîte en plus du café, sur les 500m2 qu’offraient le presbytère. « Tous les bénéfices tirés de la location pouvaient alors être investis dans le lancement du café pour faciliter son installation et la prise en main par l’association », continue-t-il.
Au total, la commune a déboursé 486 000 € dans la totalité du projet et a reçu 70% de subventions de l’État, de la Région, du département et de la communauté de commune. Le gîte qui comprend 3 chambres connaît un véritable succès puisqu’avant même sa mise en ligne sur les plateformes de location il était réservé sur une durée de 10 mois. Pour l’instant, le gain financier est de 26 000 € par an et Fabrice Dalongeville estime que ce n’est qu’un début puisqu’il a pour projet d’en étendre la location aux séminaires d’entreprises. Une aubaine pour la commune sur le long terme et une source de financement importante pour le café avant que celui-ci ne puisse commencer à travailler de façon autonome. Ce modèle économique très poussé a porté ses fruits puisque depuis son ouverture en juin 2021, le café rencontre un vrai succès et les idées de projets fusent.

Des habitants investis

« Il y a eu une implication très forte des habitants sur le projet », explique le maire d’Auger-Saint-Vincent. La plupart des travaux ont été réalisés grâce à eux dans le cadre des journées citoyennes organisées par la commune. Le bar du café est par exemple le fruit du travail d’un menuisier retraité. La décoration du gîte a été faite quant à elle par une architecte d’intérieur vivant dans le village.
Cette implication se manifeste aussi dans la gestion quotidienne du café-citoyen. Une association d’habitants a été créée et c’est elle qui est en charge de la structure. Fabrice Dalongeville a aussi fait appel à deux jeunes en services civiques pour épauler les bénévoles. Pour faciliter son lancement, l’association ne paye pour l’instant aucun loyer mais à terme, une fois le projet bien engagé, cela devrait être le cas.

Un espace festif et vivant

Le café citoyen d’Auger-Saint-Vincent propose une offre culturelle aux habitants qui n’existait pas jusqu’alors. « Nous avons noué des partenariats avec le théâtre de Compiègne mais aussi avec des associations comme l’Art en chemin et L’atelier des arts qui propose de mettre le théâtre au plus près des gens », précise Fabrice Dalongeville. Ainsi, des artistes viennent régulièrement se produire dans le café qui dispose d’un espace prévu à cet effet. « Nous essayons aussi de diversifier au maximum l’offre musicale avec des concerts de rock, de jazz, de blues, … », ajoute le maire.
Pour valoriser ces différents évènements, le village a même investi 1 500 € dans du matériel vidéo afin de créer, à l’avenir, une chaîne YouTube dédiée au café.
La restauration est évidemment aussi au cœur du projet. Chaque mardi et vendredi, un camion-pizza ainsi qu’un food truck proposant des plats traditionnels français, viennent à proximité du café qui devient pour l’occasion un restaurant. « Nous avons aménagé une très grande terrasse sur laquelle les clients peuvent consommer ce qu’ils achètent auprès des deux camions », explique Fabrice Dalongeville. En plus, de ce volet restauration, le café joue aussi le rôle d’épicerie en permettant aux habitants d’acheter des produits issus de circuits courts et locaux.
D’autres projets sont en cours qui devraient permettre de développer plus encore le café-citoyen comme la venue d’un médiateur informatique tous les mercredis. La commune espère aussi pouvoir participer à la prochaine édition de la semaine du court-métrage puisque le café est déjà équipé d’un vidéoprojecteur.
« C’est un très beau projet que nous avons mené, il permet de recréer du lien et de la vie dans le village qui n’a plus de bistrot depuis plusieurs années », se réjouit Fabrice Dalongeville. Il se félicite aujourd’hui des avantages économiques dont va bénéficier la commune mais aussi, et surtout, des gains en termes de notoriété pour son village. « Des maires d’autres communes et des sénateurs sont venus voir ce que nous avions réalisé, cela permet d’apporter de la visibilité à Auger-Saint-Vincent », conclut le maire.

Pour aller plus loin

Article suivant : Le maintien de l’école publique (8/12)

Articles précédents :

Santé : les urgences du monde rural (1/2)
Mobilités
: le casse-tête des élus (2 et 3 /12)
La transition écologique (4/12)
La citoyenneté et les incivilités (5/12)
L’information, pilier central de la démocratie (6/12)
Inégalités et solidarité (7/12)

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