Des scientifiques Japonais ont découvert que le brouillard cérébral lié au Covid long est lié à une activité excessive des récepteurs AMPA dans le cerveau, révélée par une imagerie spécifique. Selon les auteurs, cette découverte pourrait permettre des diagnostics précis et de nouveaux traitements pour restaurer les fonctions cognitives.

Par Jean-Marc Sabatier*
Le brouillard cérébral est directement lié à la suractivation du système rénine-angiotensine (SRA). Le SRA cérébral (appelé SRAb) contrôle la pression artérielle centrale, la sécrétion hormonale, la neurotransmission, la neuro-inflammation, la plasticité neuronale, et la neuro-dégénérescence.
Le récepteur AT1R (du SRA) suractivé par l’hormone Angiotensine-2 augmente la libération de glutamate (principal neurotransmetteur excitateur du cerveau) dans la fente synaptique des neurones et stimule les récepteurs glutamatergiques AMPA et NMDA (N-Methyl-D-Aspartate) postsynaptiques, ce qui accroît l’excitabilité neuronale participant à la neuro-excitotoxicité. Il est notable que la suractivation du récepteur AT1R active de nombreuses voies métaboliques, et module la phosphorylation et l’activité des récepteurs AMPA et NMDA.
De nombreuses pathologies
Les récepteurs AMPA sont des canaux ioniques (ils laissent entrer les ions Na+ et parfois Ca2+ dans le neurone postsynaptique et font sortir les ions K+) activés par le glutamate. Ils provoquent la dépolarisation membranaire rapide du neurone qui initie le signal nerveux. Les récepteurs AMPA jouent un rôle clé dans la transmission synaptique rapide et la plasticité neuronale (capacité du cerveau à apprendre et à mémoriser). Un déséquilibre de l’activité des récepteurs AMPA/NMDA est à l’origine de pathologies et troubles neurologiques, dont les maladies d’Alzheimer, de Parkinson et la sclérose-en-plaque (pour lesquelles on observe une hyperactivité des récepteurs AT1R/NMDA avec stress oxydant et inflammation chronique), la sclérose latérale amyotrophique (SLA ou maladie de Charcot), l’épilepsie, la dépression, la schizophrénie, l’ischémie cérébrale, etc.
Lever le blocage des récepteurs

Les récepteurs AMPA et NMDA ont un rôle dans la plasticité synaptique, car ils sont dynamiques : leur nombre et leur composition à la surface des synapses peuvent changer. Lors de phénomènes comme la potentialisation à long terme (mécanisme clé de la mémoire et de l’apprentissage), de nouveaux récepteurs AMPA/NMDA sont insérés dans la membrane postsynaptique. À l’inverse, lors de la dépression à long terme, ils peuvent être retirés. Ceci permet d’ajuster la force de la connexion synaptique.
Les récepteurs AMPA et NMDA (les récepteurs NMDA sont activés à la fois par le glutamate et une dépolarisation membranaire, en présence de glycine comme cofacteur d’activité) agissent en tandem. Ainsi, l’activation initiale des récepteurs AMPA provoque la dépolarisation nécessaire pour lever le blocage par le magnésium (Mg²⁺) des récepteurs NMDA, permettant ensuite l’entrée de calcium et de sodium (et la sortie de potassium) dans les neurones et l’induction de la plasticité synaptique.
Le dérèglement du SRA à l’origine du brouillard cérébral
En situation normale, le SRA module finement la signalisation glutamatergique (reposant sur les récepteurs AMPA et NMDA) pour l’apprentissage et la mémoire, tandis qu’en situation pathologique (dérèglement du SRA), la suractivation du récepteur AT1R conduit à un excès de glutamate et une surstimulation (et surexpression) des récepteurs AMPA et NMDA post-synaptiques, provoquant la neuro-inflammation et la neuro-excitotoxicité. Ce dérèglement du SRA est à l’origine du brouillard cérébral (post-infection ou post-vaccination).
Les inhibiteurs du SRA (tels que les sartans : antagonistes du récepteur AT1R) ou les modulateurs du récepteur NMDA (Mémantine) visent à restaurer l’équilibre neurochimique entre le SRA et le système glutamatergique. Ils sont tous deux d’intérêt thérapeutique pour la neuroprotection en protégeant les neurones de l’excitotoxicité induite par une stimulation glutamatergique excessive conduisant à une entrée massive (et délétère) de calcium dans les neurones.
* Jean-Marc Sabatier, Docteur en biologie cellulaire et microbiologie, HDR en biochimie, directeur de recherche au CNRS. Il s’exprime ici en son nom propre.