Emmanuel Courcol a trouvé le bon ton pour réaliser ce film enthousiasmant, une comédie sociale qui évoque la fraternité, la différence de classe, et la destinée. Du cinéma populaire de qualité, avec Benjamin Lavernhe en chef d’orchestre renommé et Pierre Lottin en tromboniste d’une fanfare du Nord.
Le précédent film de Emmanuel Courcol fut « Un triomphe », où Kad Merad jouait un comédien dans une mauvaise passe, qui dirigeait un atelier-théâtre en prison et faisait jouer Beckett à une troupe de taulards. Pierre Lottin, qui interprétait l’un d’eux, est également à l’affiche du nouveau film de Courcol, « En fanfare » (sortie le 27 novembre).
C’est avec un grand orchestre en répétition que s’ouvre cependant ce récit, Benjamin Lavernhe incarnant un chef d’orchestre renommé pris d’un malaise. Il apprend alors qu’il est malade, qu’il a besoin d’une greffe de moelle osseuse, découvre que sa sœur n’est pas sa sœur, sa mère n’est pas sa mère, et qu’il a un frère dont il ignorait l’existence. Bonne nouvelle ce frère est donneur compatible et va peut-être pouvoir lui sauver la vie.
S’ils sont tous les deux nés à Tourcoing (où plus tard ils iront boire des bières au bord du canal), les gamins adoptés, qui ignoraient chacun l’existence de l’autre, n‘ont pas eu la même trajectoire : Thibaut a grandi dans une famille bourgeoise de Meudon, et Jimmy dans une famille de mineur du Nord de la France ; avec sa tête de premier de la classe, l’un dirige des orchestres symphoniques dans le monde entier ; le prolo sert de la purée dans une cantine scolaire et joue du trombone dans l’Union musicale des mineurs de Walincourt. Car tous les deux ont la musique en commun, aussi doué l’un que l’autre, et également amateurs de jazz. Mais un seul aurait tiré le bon numéro.
Un peu de tendresse dans ce monde de brutes
La personnalité de Benjamin Lavernhe et Pierre Lottin infuse bien sûr leurs personnages, l’un tenant de grands rôles à la Comédie française, et l’autre incarnant le fils aîné des « Tuche » (remarqué aussi dans « La nuit du 12 », « Grâce à dieu », et récemment dans « Quand vient l’automne »). Ces deux-là se font rivaux puis complices dans cette comédie sociale qui aurait pu s’appeler « Les Virtuoses » si le titre n’était déjà pris par Mark Herman.
« En fanfare » est ainsi un de ces « films qui font du bien », enthousiasmant, qui apporte un peu de tendresse dans ce monde de brutes, du cinéma populaire de qualité, avec des dialogues percutants, de bons seconds rôles (dont Sarah Suco et le trop rare Jacques Bonnaffé), et des comédiens amateurs dans leur propre rôle, les musiciens de la vraie fanfare de Lallaing. Jamais caricatural ni complaisant, Emmanuel Courcol a trouvé le bon ton, la bonne note, ce qu’il fallait de sensibilité pour évoquer tout en harmonie la fraternité, la différence de classe, la destinée et la prédestination, le déterminisme de l’environnement familial, dans le « décor » social du Nord (usine fermée, chômage, crise…).
Et puisque la musique adoucit les douleurs, c’est à l’unisson qu’un vibrant Boléro de Ravel devrait toucher au cœur les âmes sensibles.
Patrick TARDIT
« En fanfare », un film de Emmanuel Courcol, avec Benjamin Lavernhe et Pierre Lottin (sortie le 27 novembre).