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Lettre du mois d’août 24 : Du pain et des jeux sur Gaïa

Notre planète Terre, Gaïa chez les Grecs, considérée comme un être vivant, correspond régulièrement avec une autre planète de l’univers, Aurore Kepler 452 b dans la constellation du Cygne. Gilles Voydeville nous fait découvrir cette magnifique correspondance interstellaire. Aujourd’hui, Gaïa disserte sur la politique, l’économie et… les Jeux Olympiques.

Dr Gilles Voydeville
Dr Gilles Voydeville (DR)

Par Gilles Voydeville

Lettre du mois d’août 2024 sur Gaïa
Mois des Terres Brûlées sur Kepler

Ma chère Aurore

Comme je suis contente de te lire et de constater que mon avenir retient ta particulière attention pour que je souffre moins de trop charmante légèreté. Ainsi tu me prépares à des années difficiles, à des lustres peu reluisants, si tant est que cet oxymore puisse traduire un espoir de brillance guetté par un terne reflet.

La politique

Tu me parles beaucoup de la politique française qui n’est pas la seule à éructer, mais elle est exemplaire en ce sens que c’est une caricature qui exhume bien la contradiction de l’esprit de Charmant. En ce pays plus qu’en d’autres, les gauches ne s’entendent ni ne s’accordent au point qu’après un furtif accord de façade pour être élues, elles montrent rapidement leurs faiblesses et leurs divisions au grand jour. Ceci est le fruit du combat des énormes ego des hommes politiques. Alors que l’heure devrait être à la construction d’un nouveau projet qui devrait s’épargner ces combats d’arrière-cour.

Jusqu’au vingtième siècle – c’est-à-dire avant mon deux millièmes cycle après la naissance d’un dieu charmant – la plupart de mes petits humanoïdes s’imaginaient un avenir céleste après leur mort. Mais depuis que la croyance en cet empire céleste a disparu pour une partie de l’Occident, il a bien fallu trouver des compensations terrestres pour toutes les parties de la société. Et il n’y a guère que la jouissance matérielle pour faire oublier le peu de sens de la vie sur ma terre ; excepté celui de me constituer et pour chaque être charmant d’accepter d’être une part infime d’un grand tout, d’y faire simplement sa vie et d’accomplir son devoir, comme le colibri qui dans son bec apporte sans illusion sa goutte pour éteindre le brasier.

La France redistribue le plus

Thomas Piketty, illustre économiste de gauche du pays de France, doit se désoler de l’incapacité de sa famille politique à s’accorder. Lui qui a montré que les redevances sociales avaient fait progresser le niveau de vie entre les années 1914 et 1990, voudrait certainement en rajouter encore un peu pour le bonheur du peuple et pour continuer à développer l’Économie qui a été créée pour enrayer la misère. Certes il le souhaite.
Mais peut-être n’a-t-il pas encore accepté le fait que la France – pays qui redistribue le plus les richesses par l’impôt et les charges sociales – a failli succomber, malgré son aversion historique pour l’extrême droite, au chant des sirènes populistes. Son analyse économique pourrait intégrer la dimension psychologique du travailleur qui ne supporte pas que le bénéficiaire social gagne plus que lui alors qu’il se fatigue. Je suis malheureusement bien d’accord avec toi pour dire que tant que cet aspect négatif de la manne sociale ne sera pas reconnu et traité, le vote RN résistera et pourra même vaincre. Mais demander à la Gauche de faire moins de social, c’est comme demander à un chameau de passer par le chas d’une aiguille…
D’après John Commons, l’économie est une activité fondée sur les relations de droit, c’est-à-dire qu’elle doit gérer les relations entre les Charmants pour utiliser les biens rares et les gains futurs. La gestion très sociale a montré ses limites. La vraie différence entre les électeurs du RN et les autres, ça n’est ni la sécurité ni le niveau de vie que chaque Charmant désire voir s’améliorer. Ce qui distinguent les électeurs du Rassemblement national des autres, c’est bien le refus de voir la manne sociale profiter non pas à ceux qui en ont le plus besoin mais à ceux qui savent le mieux la détourner.

Révolutionnaire par essence, suspicieux par principe

Et si la Gauche décide de faire payer les riches du pays en s’épargnant de contraindre les ultrariches moins faciles à piéger, cela ne passera pas non plus. Mais si d’une part les ultrariches sont mis à contribution sur leur outil de travail et sur leur fortune – d’une façon modérée mais non évitable – et si d’autre part les prestations sociales indues sont minorées, alors les revenus de l’État croîtront et les simples riches accepteront de contribuer à l’instauration d’un modèle social qui pourra devenir l’emblème de ce pays.

Car les prélèvements sociaux élevés n’ont pas apporté la paix sociale. Et comme cette privation de richesse – qui se traduit par d’importants prélèvements sur les fiches de paie et des impôts – n’est pas compensée par une certaine reconnaissance, où donc peut bien résider son intérêt pour un travailleur ?

La France a un rôle à jouer. Elle taxe le travail et la fortune immobilière sans satisfaire ni l’équilibre de son budget ni le prolétariat. Un bon impôt doit être accepté par celui qui le paie et générer des effets visibles et palpables pour celui qui en profitera à juste titre. Vaste programme…. Mais ne rêvons pas, le futur ne sera pas mieux que le présent car ce pays de râleurs chroniques ne sera jamais en paix avec lui-même. Ce peuple de Charmants est révolutionnaire par essence, suspicieux par principe et mécontent par habitude. Pour le gouverner, il faut être d’un désintéressement total, d’une abnégation sans limite ou avoir une si haute opinion de soi-même que l’on pense réussir là où tous les autres ont échoué…

J’aime quand tu m’expliques la façon d’agir des partis extrêmes car d’où tu es tu as plus de recul pour voir leurs stratagèmes… Un chroniqueur du nom d’Alain Chouraqui vient de conforter tes propos. Il explique que quand un parti extrême arrive au pouvoir il peut être amené à se durcir plus encore qu’il ne l’aurait désiré, soit du fait de ses échecs probables, soit en réaction à des désastres suscités par ses adversaires ou par ses propres ultra, voire par des provocations extérieures.

Donc il serait temps que le problème de la fraude sociale soit traité de façon immédiate et que mes politiques apparaissent fermes sur cela. Mais ce charmant peuple est tellement accroché aux subventions qu’il a toujours peur d’en être privé. Une telle remise en cause générerait tant de remous qu’il ne faudrait surtout même pas l’imaginer…

Sur l’horizon poudreux de mes pensées, j’aperçois les nuages altiers des cieux d’un bleu pâle fondre sur les brumes des vallées, comme un brouillon de flocons se confondre dans le brouillard d’un lac de montagne. Comment mieux cerner le contour des choses quand les éléments du ciel et de la terre les dissimulent ? Ah si je savais le mieux !!! L’avenir adviendra mais comment pourrais-je le rendre meilleur ?

Quel est notre mérite ?

Tu me comprends ma chère Aurore quand je te dis que nous n’avons pas de mérite à être telles que nous avons été conçues. Le hasard nous a fait telle que nous sommes et il nous ressemble… Oui le hasard nous ressemble car il nous a construites. Tu es divinement ronde. Tu tournes mieux qu’une toupie de maillechort. Tes ellipses feraient pâlir des mathématiciennes. Ta chaleur protège à foison tes créatures. Ta lumière sourd d’un astre parfait, traverse des ténèbres sidérales pour éclairer ma lanterne.

Et si tes pensées sont magiques, tu n’y es malheureusement pour rien.

L’Univers t’a faite tel qu’il l’a voulu ou tel que ce sont présentés des atomes pour en faire tes vertus, assemblage improbable de myriades de particules inconnues qui ont fait de toi cette merveille. Ah, comme il est bizarre de se sentir le fruit du rien et du tout ! Car tout comme je te vois, je me sais être l’inattendu produit des mêmes géniteurs que nous avons déjà évoqués sans jamais les avoir rencontrés. Je traverse ce matin des inquiétudes qui dépassent mon horizon. Ce dont je me valorise n’a pas plus de raison d’être que ces défauts qui me mortifient.

Je ne suis responsable de rien de ce que je suis, alors qu’il me faut faire preuve d’éthique dans tout ce que je fais. Serait-ce là la quadrature de toute existence ? Perfectible et aussi inégalitaire soit-elle, cette existence demande du courage pour lutter contre sa nature et ses défauts. C’est peut-être le seul mérite qui revient à chaque être conscient d’être…

Parlons un peu d’Amérique

La folie des foules va bientôt pouvoir s’exprimer dans les élections américaines comme elle l’a fait en Europe. Lors d’un débat, la chèvre américaine s’est retrouvée démunie face au télétravailleur du sexe visuel à la blonde mèche. La chèvre a décidé d’abandonner la course au pouvoir et de passer le témoin à une alerte gazelle qui devra sauter bien des obstacles.
Le télétravailleur en question vient de frôler une balle qui passait, tirée par un écheveau de lois forgées lors de la conquête de l’Ouest et pérennisées par un lobby de successeurs insensés. C’était la balle du destin. Où celui-ci conduit-il donc mes Charmants américains ?

En 1914 à Sarajevo, un jeune inconnu tire une balle sur un archiduc et le tue. Cinq années plus tard, après des dizaines de millions de morts, l’effet de la balle s’estompe.

En 2024 en Pennsylvanie, un jeune inconnu tire une balle sur un candidat et le manque. La trajectoire de cette balle, générée par le désir du tireur et modulée par la brise qui soufflait, aura-t-elle une influence sur les électeurs ? Autorisera-t-elle une politique tolérante voire soumise à l’Ours Brun, un agressif voire belliciste comportement vis-à-vis de l’oncle Xi, un encouragement à s’allier au suprémaciste sioniste ?

Quel était le message de la balle adressé à l’oreille du blond échevelé ?

  • Soit, je t’avertis que tu es responsable de tes dires et de tes actes devant tes semblables et je t’épargne pour que tu fasses bon usage de cet avertissement. Car jusqu’à présent tu as soufflé sur le feu de la discorde. Tu peux déjà en constater un effet collatéral dans ta chair auriculaire.
  • Ou, je viens de te rater. Mais je ne m’arrêterai pas en si bon chemin. Puisque tu ne veux rien comprendre, la prochaine fois je trouverai un autre porteur hébété par tes propos et j’irai me loger dans ton cerveau déjà lacunaire pour agrandir la vacuité de ta pensée. Continue ton œuvre malsaine, fais le paon avec ta mèche rebelle au bon sens, prêche ta haine sur un continent vermoulu par ta vergogne et ta bêtise. Tu es un prophète de malheur et tu crois pouvoir jouer avec tes semblables pour le plaisir de ton ego. Tu joues en vérité avec l’humanité. Garde-toi qu’elle ne soit vitrifiée par un doigt sur un bouton ou engloutie telle l’Atlantide sous les océans de ma vindicte.

Je ne suis pas certaine que ce leader puisse comprendre quoi que ce soit. Il est un pur produit de l’abêtissement télévisuel. Il a été élu tribun d’un peuple télévore. J’ai bien peur que mes charmants petits humanoïdes n’aient atteint leur niveau d’incompétence vitale.

Jusqu’à présent Charmant a sélectionné naturellement ses individus les plus aptes qui ont engendré une descendance adaptée. En plus de trois millions de mes cycles autour de mon astre il est passé de l’animalité à la déité. Il a quasiment acquis tous les attributs qu’il conférait à ses dieux. Omnipotence, omniscience, connaissance des pensées et des désirs de l’autre, ubiquité mais pas encore téléportation. Il lui manque aussi l’éternité mais sa vie s’allonge terriblement.

Tout comme l’économiste Peter disait qu’un individu dans une entreprise franchit les échelons tant qu’il est compétent et s’arrête de facto quand il devient incompétent, Charmant est en train de se révéler inapte à poursuivre sa progression non par insuffisance technique ou intellectuelle mais par incompétence morale. Le plus grave, c’est qu’il a acquis une capacité technique à s’auto détruire et je crains qu’il ne mette un jour ses funestes projets, souviens-toi de ceux de l’Ours Brun, à exécution. Tous les êtres animés ne sont pas aussi agressifs que les miens si je considère le comportement de tes Ovoïdes. Mais je pourrais répondre à Fermi le mathématicien italien qui s’étonnait que l’absence d’autre signes de vie ne s’expliquât pas statistiquement. D’abord il y a Toi mon Aurore. D’autre part je pense que les civilisations avancées développe une capacité d’autodestruction qu’elles ont du mal à ne pas exploiter. Ceci expliquant la vacuité de nos cieux respectifs. La vie nait d’une soupe de molécules traversée de photons et puis aboutit à des êtres conscients qui angoissés qu’ils sont de leur finitude, finissent par choisir le retour au néant.

L’arroseur arrosé

J’en reviens aux balles : pour moi ce sont des projectiles historiques. Elles façonnent le destin de Charmant et de ses peuples. Il les a conçues pour accélérer ses projets, asseoir ses pouvoirs, abréger ses souffrances. Ce sont des objets qui ont des fins politiques. Elles n’apparaissent pas sur les drapeaux mais c’est de leur métal qu’est constitué la hampe qui les fait tous flotter. La balle de Pennsylvanie a exhibé les contradictions du populiste. Il en promeut l’usage, il a failli en faire les frais. C’est l’histoire de l’arroseur arrosé. C’est l’histoire du pyromane prisonnier du brasier. Comme toujours la chance qui n’est qu’un hasard heureux pour le chanceux, rebat les cartes.

Mon dernier petit sujet de réflexion : les Jeux Olympiques

jeux-olympiques-paris-2024 (UnlimPhotos)
jeux-olympiques-paris-2024 (UnlimPhotos)

Mon monde s’affronte pacifiquement pendant une demi-lune. Réminiscence des jeux antiques organisés à Olympie depuis le huitième siècle av J.C, époque qui voyait venir concourir les villes grecques et s’arrêter les conflits. La fameuse trêve olympique dont rêvent les assaillis mais pas les assaillants. Les Ukrainiens, les Gazaouis, les Congolais, désirent. Les Russes, les Israéliens, les Rwandais disposent. Les athlètes russes n’ont pas mérité de participer contrairement aux Israéliens… Trêve de plaisanterie, si tant est que l’on ne puisse jamais désirer d’arrêter d’être drôle… Trêve de guerre, si tant est que l’on ne puisse jamais désirer d’arrêter la guerre quand on est agresseur… Bon ça n’est pas la trêve mondiale mais mon charmant petit humanoïde se distrait de jeux.

« Panem et circenses » dixit l’imperator Neron. Ou comment subjuguer la foule à la manière des empereurs de l’antique Rome en la nourrissant et la distrayant pour qu’elle ne submerge pas le pouvoir ? Le pays de France se révèle un cas d’école. Au bord de l’affrontement avant ces jeux, aussi bien entre les différents partis qu’au sein de ceux-ci, en plein délire de joie retrouvée au son des Marseillaises pendant les épreuves. Mais les Jeux Olympiques ne peuvent durer éternellement.

Charmant est un animal politique qui aime les jeux athlétiques. La politique est nécessaire à son organisation sociale, le concours physique est utile à sa santé mentale. Et si le sport permet des trêves et canalise les désirs de combat, que n’en pratique-t-il pas plus ? Il faut bien qu’il dépense l’énergie qu’il ne consacre plus à son alimentation à quelque chose de ludique et d’inoffensif pour la survie de ma planète.

Après, il faudra les remplacer ces JO !!! Par d’autres jeux, ceux de hasard ou plutôt les jeux de pouvoir. Jupiter l’a compris. D’un Olympe pré olympique, il a inventé un match à trois qui s’apparente au Pierre, Chiffon, Ciseaux, objets dont chaque concurrent dispose. La pierre écrase les ciseaux, qui coupent le chiffon qui ligote la pierre et ainsi de suite. Le suspense est garanti car chacun peut brandir l’objet de son choix en même temps que l’autre et peut perdre ou gagner à chaque manche. Jupiter sait qu’il faut distraire le peuple qui gronde car c’est un monstre toujours affamé et insatisfait. Là, le peuple de France va adorer. Les concurrents s’affronteront en d’épiques homélies, un chiffon qui enrobe les vérités, en de redoutables harangues, une pierre qui terrasse l’auditoire, en de tranchantes diatribes, des ciseaux qui coupent les preuves ou les argumentaires.

Après le muscle, place au verbe.

Ah, mes charmants petits Français sont inénarrables. Leur France est décidément un pays de cocagne. On y trouve des trésors à chaque coin de raisonnement, des arbitres devant chaque poste de télévision, des économistes dans tous les cafés, des stratèges dans toutes les discussions. Ranger tous ces esprits derrière un seul homme ou une même politique n’est pas aisé. Ils ont toujours un avis qui diverge de la ligne. Il ne faut pas trop leur en demander non plus. Ce comportement est la résultante d’un esprit inventif et d’une crainte de voir resurgir des privilèges abolis le 4 août 1789. C’est un pays où l’on n’a pas peur de couper des têtes pour le bien du peuple. Le populisme est bien une manière de défendre sa masse contre les avantages qu’une partie s’est arrogée malgré sa vigilance. Ceux qui menacent de spolier le peuple en pâtiront. Les piques qui exhibent les têtes ne sont jamais très loin.

Que penser de ces Jeux Olympiens ? Que Montmartre est devenu le mont Olympe ? Que Jupiter a remplacé Zeus ?

Il y a quelque chose de grandiose, de mythologique, d’inégalé dans ce déploiement de faste et de luxe. Les stades ont fait place à de somptueux palais, à des jardins royaux, à des champs Élyséens ou Martien. Les gradins sont de marbres, d’acier ou du velours de chaque canapé. Les galères défilent sur le Styx et l’on s’y baigne sans y mourir.

Ces manifestations ne sont-elles point l’apogée d’une civilisation, son chant du cygne ? Que pourra-t-on faire de mieux ? Jupiter l’a peut-être voulu ainsi car il a compris la sombre issue des affaires du monde.

Voilà ma chère Aurore, le fruit de mes réflexions de ce mois pas comme les autres car j’y ai vu de magnifiques efforts tant de la part des athlètes que des tribuns qui se sont tus. L’athlétique a supplanté le politique pour la joie des uns et l’excitation des autres. Cette joie qui fait tant défaut à un si grand nombre de Charmants qui espèrent tant qu’ils finissent par tout craindre, et s’attrister de tout pour être certains de jouer les Cassandres….

Je t’enlace de ces cinq anneaux qui font chavirer les cœurs, chanter à tue-tête, applaudir à tout va, et qui pour l’instant gouvernent mon monde.

Ta Gaïa

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