Tourné comme un reportage en immersion dans une agence de presse, le film de Alix Delaporte évoque la fin d’un certain monde journalistique.
C’est de ses débuts à l’agence Capa qu’Alix Delaporte s’est inspirée pour écrire et réaliser son troisième long-métrage, « Vivants » (sortie le 14 février), présenté en ouverture de la Mostra de Venise. Créée par Hervé Chabalier en 1989, Capa Presse fournissait notamment des émissions de reportage diffusées par Canal+, type « 24 heures » ; Alix Delaporte y a passé un peu plus d’un an, y a appris à filmer et à devenir cameraman. Journaliste une dizaine d’années, elle s’est ensuite consacrée au cinéma et a tourné deux films avec Clotilde Hesme et Grégory Gadebois, « Angèle et Tony » et « Le dernier coup de marteau ».
Gabrielle, la jeune héroïne de « Vivants » est cette fois incarnée par Alice Isaaz, stagiaire qui débarque un peu à l’arrache dans une agence de presse audiovisuelle renommée. « Je sais réparer une caméra », dit-elle d’abord comme simple argument d’embauche, mais la demoiselle va se montrer démerde, curieuse, dynamique, et faire sa place parmi une plus ou moins joyeuse bande de reporters, un rédac-chef expérimenté mais usé (Roschdy Zem), une productrice pragmatique mais sensible (Pascale Arbillot), un grand reporter qui s’ennuie au bureau (Vincent Elbaz), un jeune cameraman un peu chien fou (Pierre Lottin), un ancien ingérable mais talentueux (Jean-Charles Clichet)…
Ne pas plomber le moral des téléspectateurs
Vite adoptée, la stagiaire découvre l’effervescence d’une salle de rédaction, la bataille du choix des sujets en conférence, le montage, et le reportage sur le terrain avec des journalistes « programmés pour kiffer », prompts à s’enthousiasmer facilement, addicts à l’adrénaline. Mais Gabrielle arrive aussi dans une période de transition : « L’étranger faut oublier, l’international ça marche plus », « Les gens ne veulent plus voir la mort »… Terminés les reportages dangereux à l’autre bout du monde, trop chers, pas assez d’audience, il faut désormais plaire aux jeunes, ne pas plomber le moral des téléspectateurs, faire du people, filmer une fashion-week plutôt qu’une guerre africaine.
Alix Delaporte a écrit avec Alain Le Henry ce scénario, auquel ont participé Olivier Demangel (scénariste de « Baron noir », « Tapie », « Novembre, « Tirailleurs »…) et la réalisatrice Jeanne Herry (« Pupille », « Je verrai toujours vos visages »). Si l’on oublie le trop gros cliché de la romance naissante entre le boss séparé et la mignonne stagiaire, ce film est tourné comme un reportage en immersion sur des journalistes, dont on montre « la joie, l’énergie, la passion », mais aussi un reportage sur la fin d’un certain monde, un journalisme exigeant qui subit la pression de « la chaîne » et de la direction, un métier bouleversé par les chaînes d’info, les réseaux sociaux, les smartphones…
Entre une danse solitaire sur le Boléro de Ravel et une girafe égarée en plein Paris, ces reporters sont bien « Vivants » !
Patrick TARDIT
« Vivants », un film de Alix Delaporte Vincent Elbaz, avec Alice Isaaz, Roschdy Zem, Pascale Arbillot, Pierre Lottin, Jean-Charles Clichet (sortie le 14 février).