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Pour « La beauté du geste »

Avec pour héroïne une jeune boxeuse sourde, le cinéaste japonais Sho Miyake a tourné un film bienveillant, discret et mélancolique.

L’actrice Yukino Kishii interprète Keiko, une jeune boxeuse sourde.

Dans la longue liste des films qui ont la boxe pour univers, il va falloir ajouter « La beauté du geste », du cinéaste japonais Sho Miyake (sortie le 30 août). Avec une jeune boxeuse pour héroïne, un vieil entraîneur, et un ancien club pour décor, ce film pourrait avoir des airs de « Million Dollar Baby » de Clint Eastwood. Mais ici, pas de championne en devenir qui aurait la rage de vaincre, Keiko (interprétée par Yukino Kishii), même si elle a depuis peu une licence de boxeuse professionnelle, a d’autres combats à mener. Contre son handicap, la jeune femme est sourde, contre l’isolement que celui-ci entraîne, et contre elle-même.

Petite, bras courts, Keiko n’est pas rapide mais a de l’énergie à revendre et « des yeux de lynx ». Acharnée, déterminée, elle s’entraîne dur dans une vieille salle de boxe de Tokyo, peut-être même le plus ancien club du pays, muscu, sac, ring, enchaînements… et puis du jogging tôt le matin, des séances d’étirements, autant d’exercices qu’elle note précautionneusement dans un cahier, quand elle ne fait pas le ménage dans un hôtel. Keiko partage un appart avec son frère, guitariste, dont elle ne peut pas entendre la musique, et inquiète leur mère, affolée par la passion sportive et violente de sa fille.

Tourné à Tokyo pendant la pandémie

En aussi mauvaise santé que son club, le vieux patron, malade, est obligé d’avouer à sa protégée qu’il va mettre la clé sous la porte, mais se démène pour lui dégoter une place dans une autre salle. Sur le ring, Keiko n’entend ni son coach, qui inscrit habituellement des indications sur une ardoise, ni l’arbitre, ni le gong. Elle gagne un combat, envoie son adversaire à l’hôpital, et perd le suivant dans une salle vide de spectateurs. Car c’est en décembre 2020 que Sho Miyake, qui a jusqu’alors réalisé des documentaires, a situé cette fiction adaptée de l’autobiographie de la boxeuse Keiko Ogasawara. Tourné pendant la pandémie, avec une population masquée, « La beauté du geste » retrace ainsi la vie d’un quartier, d’une ville, pendant l’état d’urgence du covid.

Une période pendant laquelle la jeune sourde est encore plus isolée du reste du monde, enfermée dans son univers intérieur, si ce n’est cette complicité avec son vieux mentor. « Je n’aime pas avoir mal », confie un jour cette âme solitaire, tiraillée entre ne plus savoir où s’entraîner et l’envie de laisser tomber la boxe. C’est donc une victoire sur elle-même que va devoir remporter Keiko dans ce récit d’apprentissage de la vie qu’est « La beauté du geste », un film à l’image de son héroïne, bienveillant, discret et mélancolique.

Patrick TARDIT

« La beauté du geste », un film de Sho Miyake (sortie le 30 août).

Petite, bras courts, Keiko n’est pas rapide mais a de l’énergie à revendre et « des yeux de lynx ».
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